Quand des Chrétiens américains créent un hôpital à Gaza
Ce projet selon l'OLP, financé par des donateurs évangéliques pro-israéliens, a des fins "militaires, de renseignement et de sécurité", mais le groupe terroriste dément
Un hôpital de campagne construit par un groupe d’aide chrétienne évangélique américain dans le nord de la bande de Gaza est devenu une source de controverse pour les dirigeants palestiniens basés à Ramallah et le groupe terroriste du Hamas qui contrôle l’enclave côtière.
Un responsable en Cisjordanie a affirmé que le projet, mené par des donateurs pro-israéliens, est une façade pour les opérations de renseignement américaines et israéliennes, une allégation que les dirigeants de Gaza ont rejetée, la jugeant « infondée ».
Au cours des derniers mois, des camions transportant du matériel et de l’équipement pour l’hôpital sont entrés à Gaza, qui souffre d’une infrastructure sanitaire inadéquate. Aujourd’hui, des volontaires américains affiliés à Friend Ships, le groupe d’aide, ont commencé à construire l’installation médicale adjacente au passage d’Erez, le seul passage piétonnier entre Israël et l’enclave.
Les photos publiées sur Facebook la semaine dernière montraient les volontaires ériger des tentes à une courte distance de la barrière séparant Israël et Gaza.
La construction de l’hôpital fait partie des accords non officiels de cessez-le-feu entre Israël et les groupes terroristes à Gaza, que les dirigeants palestiniens basés à Ramallah ont vivement contestés.
De la Syrie à Gaza
Friend Ships, dont les fondateurs évangéliques Don et Sondra Tipton ont exprimé leur ferme soutien à Israël, a décrit le projet comme « une installation médicale mobile (sous tente) à multiples facettes ».
نشطاء ينشرون صور للعاملين في المستشفى الامريكي المنوي إقامته شمال غزة، يظهرون فيها بلباس عسكري أمريكي، مما اثار جدلا على منصات التواصل الاجتماعي حول اهداف المستشفى. pic.twitter.com/3hS0RyAOhV
— فضائية النجاح – An-Najah Nbc (@newsnajah) November 27, 2019
« Il y aura [la télé-médecine] pour une consultation mondiale avec des spécialistes, une grande aire de jeux pour enfants, un programme de formation en hydroponique et un centre de distribution », indique le site Web de l’organisation.
Friend Ships, dont le siège social se trouve en Louisiane, prévoit d’offrir un large éventail de services de santé à l’hôpital, notamment le traitement du cancer, la physiothérapie, la thérapie du syndrome de stress post-traumatique et les soins dentaires, entre autres, selon le site Web du groupe.
L’hôpital comprendra l’équipement que Friend Ships a utilisé pour un projet similaire près de la Syrie, a rapporté Al-Monitor, un site d’information basé à Washington, en juin dernier.
Le groupe a également exploité un hôpital de campagne sur le plateau du Golan en 2017-2018, avec l’autorisation d’Israël, où du personnel médical a soigné quelque 7 000 Syriens.
L’installation médicale de Gaza comprendra 16 salles avec un « accent sur le diagnostic des patients atteints de maladies héréditaires ou potentiellement mortelles » et recevra un financement du gouvernement qatari, selon l’article d’Al-Monitor.
Mohammed al-Emadi, un envoyé du Qatar qui entretient des contacts avec le Hamas, l’AP et Israël, a déclaré lors d’une conférence de presse en mai que l’hôpital occupera une superficie équivalente à 40 dounams [4 hectares].
A la découverte d’Israël le week-end
Friend Ships a également fait de la publicité pour des opportunités de bénévolat à l’hôpital, soulignant la possibilité de voyager à travers Israël les jours de congé.
« Friend Ships Camp Gaza offrira une merveilleuse occasion de travailler à un projet important et productif et, en même temps, de voir et de profiter des sites bibliques d’Israël », dit son site Web.
Un message sur la page Facebook de Friend Ships disait que les bénévoles en apprendront davantage sur la région et « feront partie de ce que Dieu y fait aujourd’hui ».
Sondra Tipton, l’une des fondatrices de l’organisation, a parlé de sa passion pour Israël à un journal de Louisiane en 2015 : « Nous pensons qu’il est très important que les gens réalisent qu’Israël est une vraie démocratie et un véritable ami des Etats-Unis et que, d’un point de vue chrétien, la Bible insiste sur le fait que la terre d’Israël est la prunelle des yeux de Dieu et que, en tant que croyants de Jésus, nous devons soutenir les Israéliens ».
Friend Ships, l’armée israélienne et le Coordonnateur des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT), la branche du ministère de la Défense chargée de la liaison avec les Palestiniens, ont refusé de commenter.
La controverse grandit entre les factions palestiniennes
La semaine dernière, cependant, l’hôpital s’est transformé en une source majeure de controverse entre les deux rivaux, le Fatah et le Hamas.
Après que les sites d’information palestiniens aient rendu compte des photos des volontaires mardi dernier, qui ont été publiées sur la page Facebook de Friend Ships, un certain nombre de responsables du Fatah, de l’Autorité palestinienne (AP) et de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont attaqué ce projet avec force.
Azzam al-Ahmad, haut responsable du Fatah, a déclaré lundi sur la chaîne de télévision officielle palestinienne, Palestine TV, que l’hôpital était destiné à des fins « militaires, de renseignement et de sécurité ». Il a plus tard confirmé au Times of Israel qu’il faisait référence aux renseignements américains et israéliens.
Le Premier ministre de l’AP, Mohammed Shtayyeh, a accusé l’hôpital lundi de servir le plan de paix de l’administration Trump.
Wasel Abu Yousef, membre du Comité exécutif de l’OLP, a déclaré mardi au Times of Israel qu’il pensait que l’hôpital approfondissait la division entre la Cisjordanie et Gaza car sa planification et sa construction n’étaient pas coordonnées avec l’AP.
Friend Ships a depuis supprimé presque tous ses messages relatifs à l’hôpital de sa page Facebook et a effacé d’autres informations à son sujet de son site Web.
Le Hamas, quant à lui, a rejeté les allégations des responsables palestiniens basés à Ramallah, les qualifiant de dénuées de fondement.
« Les déclarations du Premier ministre Mohammed Shtayyeh, du Comité exécutif de l’OLP et d’Azzam al-Ahmad, membre du Comité central du Fatah, sont basées sur des données fausses et non fondées », a déclaré mardi à Dunya al-Watan, un site d’information basé à Gaza, le porte parole du Hamas Hazem Qassim. « C’est un tissu d’informations imaginaires ».
Le chef adjoint du Hamas à Gaza, Khalil al-Hayya, a également contesté les critiques contre l’hôpital. Mais il a déclaré que le groupe terroriste n’hésiterait pas à l’arrêter s’il estimait que le projet humanitaire était contraire à ses intérêts.
« Si nous y trouvons quoi que ce soit qui porte atteinte à nos intérêts nationaux ou à notre sécurité, nous leur dirons de partir », a-t-il dit à Palestine Today, liée au Jihad islamique, mardi.
Une source au fait des détails du projet, qui a demandé à rester anonyme, a qualifié de « non-sens total » les allégations formulées contre l’hôpital.
Un responsable du ministère de la Santé dirigé par le Hamas a refusé de commenter spécifiquement au sujet de l’hôpital, mais a déclaré qu’il saluait tout effort visant à améliorer le secteur de la santé à Gaza.
« Les restrictions israéliennes à la circulation des biens et des personnes ont totalement sapé le secteur de la santé. Nous faisons face à une grave pénurie de médicaments et de fournitures médicales dans nos hôpitaux », a déclaré le responsable, qui s’est exprimé sous couvert de l’anonymat, lors d’un appel téléphonique. « Nous pensons donc que tous les efforts pour atténuer ces circonstances désastreuses sont positifs. »
Des responsables israéliens ont déclaré qu’ils maintiennent des restrictions à la liberté de mouvement pour empêcher les groupes terroristes de Gaza d’importer des armes ou de fabriquer des armes dans le territoire.
Talal Okal, un analyste basé à Gaza, a déclaré qu’il pensait que l’hôpital montrait que les accords de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël progressaient.
« C’est une indication claire que le Hamas et Israël font avancer les choses », a-t-il déclaré lors d’un appel téléphonique. « Mais ce dont nous avons vraiment besoin à Gaza, c’est d’améliorer les hôpitaux et les centres de santé existants. On n’a pas besoin d’un hôpital de campagne ».
L’AFP a contribué à cet article.
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