« Quand les sirènes retentissent, nous n’avons pas où nous cacher »
Pour les Bédouins du Néguev, la demande d'abris en béton n'est pas seulement une question de protection, il s'agit de reconnaissance
Deux sirènes ont sonné lundi soir dans le village bédouin d’Awajan. Une venait d’Omer, une banlieue aisée de Beersheba, l’autre de Lakiya, un autre village bédouin.
Awajan, avec ses 2 000 habitants, est l’un des quelque 40 villages bédouins non reconnus dans le désert israélien du Néguev (le statut exact du village est débattu). Considéré comme illégal par l’Etat, Awajan n’a pas de système de sirène ni de protection contre les roquettes tirées depuis Gaza. Ses maisons sont de modestes structures de briques avec des toits en tôle.
Omar Al-Wagili, un résident local, a raconté au Times of Israel : « Il y a eu deux tirs. Une [roquette] est tombée à environ 1 500 mètres de la maison et l’autre est tombée exactement entre deux maisons, touchant une bergerie. »
« Des éclats de la roquette ont touché deux des nièces d’Al-Wagili, qui n’avaient pas d’abri où se cacher. Maram, 10 ans, a subi des blessures graves au torse tandis que sa sœur aînée Athir, 13 ans, a été légèrement blessée au genou ».
« Il n’y a nulle part où aller. Nous attendons que [la roquette] arrive. Si elle tombe loin, nous sommes épargnés mais si elle tombe à proximité, nous sommes les victimes », a-t-il dit.
Ironiquement, Al-Wagili a travaillé en 2008 comme sous-traitant pour le ministère de la Défense, et installait des structures de protection en béton – appelées en hébreu Miguniot – dans les écoles dans les villes israéliennes proches de la bande de Gaza touchées par les roquettes du Hamas à l’époque de l’opération Plomb durci.
« J’ai demandé au Commandement de la défense passive : ‘Et nous ?’ Ils m’ont répondu : ‘Vous devez attendre votre tour’. De 2008 à 2014, notre tour n’est toujours pas arrivé. Nous ne dormons pas pendant 24, voire 48 heures. »
Suite à la blessure de ses deux filles, Al-Wagili a dit que tous les enfants de Awajan ont été envoyés chez des parents proches de Dimona, région plus éloignée de Gaza.
« Rien qu’en évoquant la maison les enfants pleurent. Ils ont peur. Quand nous leur demandons s’ils veulent revenir, ils demandent ‘Les roquettes sont là ?' »
Un groupe d’ONG israéliennes a déposé jeudi un appel urgent à la Cour suprême au nom d’Al-Wagili et des autres Bédouins, exigeant que l’État installe des Miguniot de 2 mètres sur 3 dans les villages non reconnus. Israël, font-ils valoir, s’abstient d’utiliser le système Dôme de Fer pour intercepter des roquettes dirigées vers ces villages, que l’Etat considère les zones ouvertes à des fins opérationnelles. Ainsi, selon eux, le danger qui menace environ 100 000 Bédouins est double.
Nisreen Alayan, une avocate de l’Association pour les droits civils en Israël (ADCI), a déclaré que le gouvernement et l’armée ont négligé les demandes des Bédouins du le Néguev depuis 2008.
Selon elle, « jusqu’à présent, l’Etat n’a présenté aucune solution pour les Bédouins. Ils estiment que l’Etat s’efforce de fournir des solutions aux autres citoyens de la région mais a abandonné les Bédouins arabes du Néguev. C’est une négligence inacceptable de la part de l’Etat ».
Au tribunal, l’Etat a affirmé que la probabilité statistique que des roquettes tombent sur les villages bédouins est extrêmement faible, même par rapport à la ville voisine de Beersheba, qui a été volontairement ciblée par le Hamas à de nombreuses reprises.
En outre, selon le colonel Benny Shick du Commandement de la defense passive, en se conformant aux consignes de l’armée de se coucher sur le sol lorsque la sirène se fait entendre, les citoyens peuvent réduire le risque de blessure de 80 pour cent.
Schick a ajouté : « Même sans les contraintes budgétaires, si nous avions 500 structures de béton supplémentaires nous les enverrions immédiatement à la région autour de la bande de Gaza. Environ 27 % de la population d’Israël est insuffisamment protégée contre la menace des missiles. »
Selon l’Etat, chaque Migunit coûte environ 50 000 shekels et leur rôle est principalement destiné à donner un sentiment de sécurité dans les zones les plus vulnérables en Israël; mais ne constitue pas une réelle solution défensive. 600 de ces structures ont été installées autour de la bande de Gaza au cours des dernières années.
Les Bédouins ont dit au tribunal qu’ils sont prêts a se contenter de ce faux sentiment de sécurité, du moment que l’Etat prend des mesures, montrant qu’il se soucie de leur sort.
« Nous ne parlons pas seulement de sécurité; mais aussi d’un entiment de sécurité », a déclaré le procureur de Hen Avitan, représentant les conseils régionaux bédouins.
Le tribunal a semblé être à l’écoute des arguments des requérants. « Qu’en est-il de l’aspect psychologique? », a demandé le juge Zvi Silbertal, ajoutant : « Il s’agit d’une population négligée. » Yoram Danziger, président du jury, a demandé pourquoi les protections du béton était placées dans les environs de Beersheba et non dans les zones bédouines.
Les campagnes d’information de la protection civile, distribuées en arabe dans les mosquées et les écoles, ne sont pas suffisantes. Une décision est attendue dans les prochains jours.
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