Retour sur les rassemblements anti-refonte malgré l’attentat terroriste de Tel Aviv
Les organisateurs n'ont pas joué de musique et n'ont pas tenté de bloquer les routes alors que plus de 100 000 personnes ont manifesté à Kaplan peu après la fusillade terroriste
Samedi soir, pour la 31e semaine consécutive, des foules se sont rassemblées dans tout le pays contre la tentative du gouvernement de réformer en profondeur le système judiciaire. Le principal rassemblement, à Tel Aviv, s’est tenu dans l’ombre d’un attentat terroriste palestinien meurtrier, qui a eu lieu juste au moment où les manifestations commençaient.
Selon la Treizième chaîne, citant la société CrowdSolutions, environ 105 000 personnes auraient participé au rassemblement principal rue Kaplan, à Tel Aviv, qui a débuté à la suite d’une marche partie de la place Dizengoff à 19h – à peu près au moment où l’attentat a eu lieu dans une autre partie de la ville côtière.
Hen Amir, 42 ans, policier municipal de Tel Aviv, a été abattu par un membre du groupe terroriste du Jihad islamique palestinien après que ce dernier a éveillé les soupçons des agents municipaux dans le quartier animé de Nachalat Binyamin. Le terroriste a été abattu par le collègue d’Amir, et une source policière de haut rang a été citée plus tard par le site d’information Ynet, qui a déclaré que le tireur avait probablement prévu de prendre pour cible les manifestants anti-refonte de la rue Kaplan.
Au vu de l’attaque, les organisateurs de la manifestation ont tenu le rassemblement de masse comme prévu, tout en augmentant la présence policière et sans diffuser de musique via les haut-parleurs pendant la manifestation. Ils n’ont pas non plus bloqué les routes après le rassemblement, comme cela a été le cas quasiment chaque semaine, afin de ne pas compliquer l’accès des forces de sécurité et des services d’urgence dans le cadre de l’attentat.
« Même dans les moments difficiles et douloureux, il est de notre devoir de continuer à nous battre pour la démocratie israélienne », ont déclaré les organisateurs dans un communiqué. « Le coup d’État porte atteinte à la sécurité nationale et à la résilience de la société israélienne. »
La manifestation rue Kaplan a commencé par l’Hatikvah, l’hymne national israélien chanté par l’artiste rock Yehudit Ravitz, qui ne s’était pas produite sur scène depuis plusieurs années.
Les rassemblements ont également eu lieu alors que le Premier ministre Benjamin Netanyahu refuse toujours de dire s’il compte se conformer à une éventuelle décision de justice annulant la loi du « caractère raisonnable », et que les membres du gouvernement de droite radicale se sont de plus en plus attaqués aux conseillers juridiques et à d’autres professionnels, affirmant qu’ils entravaient la mise en œuvre des politiques du gouvernement.
« J’ai travaillé dans la fonction publique pendant 16 ans, la majeure partie du temps sous des gouvernements du Likud. J’ai agi par sens de la mission, afin de mettre en œuvre les politiques des gouvernements élus », a déclaré Keren Terner Eyal, ancienne directrice-général des ministères des Finances et des Transports à l’attention des manifestants.
קפלן
קרדיט: אמיר גולדשטיין pic.twitter.com/Oeb9ztFKBX— ש????ולי ????️????️???? Sh????uLi (@Shaulirena) August 5, 2023
Elle s’est ensuite adressée à Netanyahu. « Vous avez changé. Votre style agressif et destructeur est devenu monnaie courante dans l’ensemble de la fonction publique. Les ministres de la coalition sont constamment engagés dans l’incitation et la division, la calomnie et le népotisme. Sous votre direction, les ministres ont entamé une nouvelle politique d’attaque des professionnels et d’écrasement des responsables de l’équilibre des pouvoirs. Je suis certaine que vous avez également honte. »
« Le service public traverse une crise sans précédent », a ajouté Terner Eyal, affirmant que les ministres nommaient des loyalistes politiques inexpérimentés et inadéquats à des postes professionnels clés, ce qui poussait d’autres professionnels à démissionner en masse.
D’autres rassemblements ont eu lieu dans environ 150 autres endroits du pays, dont des milliers près de la résidence privée de Netanyahu à Jérusalem, ainsi que des milliers à Haïfa, Herzliya, Netanya, Hod Hasharon, Rehovot et dans de nombreuses autres villes.
הערב הונף ברחוב עזה בירושלים, סמוך למעון הרודן @netanyahu –
דגל פריסה של @maridimisrael בעיצוב שלי. עם מסר מיוחד ל- @POTUS:It’s just a minor correction ????
Don’t believe him!
Don’t call him!
Don’t invite him!
Don’t normalize dictatorship!
צילום רחפן: חומי פוזנר pic.twitter.com/5ayZvPULm1— Oran Adler ????️????.????????????️ (@OranAdler) August 5, 2023
Les manifestations ont même atteint l’île voisine de Chypre, où le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir – qui est responsable de la police et qui a toujours préconisé un traitement plus ferme des manifestants anti-refonte – a passé le week-end.
Des photos publiées sur les réseaux sociaux ont montré des dizaines d’Israéliens manifestant pendant Shabbat à proximité de l’endroit où se trouvait Ben Gvir, dans la ville de Paphos.
שר הפיתות, הזמנת משלוח לפאפוס? מחכים לך בחוץ. נרדוף אתכם לכל מקום! pic.twitter.com/G36X3Uj3ml
— Ami Dror ???????? עמי דרור (@AmiDror) August 4, 2023
פאקן פאפוס קפריסין❤️???????????????? ובוער לישראלים שגרים שם או בחופש להפגין נגד ממשלת החורבן כי בן גביר הגיע והם לא יכולים להמשיך בשלהם. לעומת זאת להפגנה בת"א בקפלן הנאשם היה צריך להביא באוטובוסים מתנחלים כי למרות שיש עשרות אלפי מצביעי ליכוד שגרים בת"א הם לא יצאו מהבית. להפיל את הנאשם. pic.twitter.com/kFBXk5A6kE
— Itai Leshem (@Itai_Leshem) August 5, 2023
De retour en Israël, le ministre de l’Économie Nir Barkat (Likud), a été chahuté par plusieurs manifestants anti-refonte lors d’un repas dans un restaurant de Tel Aviv.
La vidéo montre les manifestants scandant « Nir Barkat bafoue Shabbat », semblant se moquer de lui pour avoir dîné dans un établissement non casher le jour du repos juif, alors qu’il fait partie d’une coalition composée de nombreuses factions religieuses. Ils ont également scandé : « Israël n’est toujours pas l’Iran. »
Un agent de sécurité a ensuite accompagné Barkat dans une voiture alors qu’il quittait les lieux.
השר ברקת שהה במסעדה לא כשרה בתל אביב – מפגינים הגיעו למקום: "ניר ברקת רומס את השבת" pic.twitter.com/X7UFjml0ia
— ynet עדכוני (@ynetalerts) August 5, 2023
La députée Yulia Malinovsky (Yisrael Beytenu) a déclaré que les organisateurs de la manifestation avaient annulé son discours lors d’un rassemblement contre la refonte à Yavne en raison de son parrainage d’une loi qui fait des motivations terroristes, nationalistes ou racistes une circonstance aggravante pour les crimes de harcèlement sexuel et d’agression sexuelle.
« Je suis fière de cette loi et personne ne m’obligera à être déloyale envers ma vérité et mes valeurs personnelles », a écrit Malinosky sur Twitter.
« Il n’y a aucune contradiction entre le fait que je sois une femme libérale sioniste de droite et ma lutte contre ce gouvernement maléfique. »
Dans un communiqué publié plus tôt dans la journée de samedi, les dirigeants des manifestations ont accusé Netanyahu d’essayer de détruire l’État de droit en provoquant potentiellement une crise constitutionnelle.
« Netanyahu, dans une campagne malveillante, tente de provoquer une crise constitutionnelle qui conduira à la destruction de l’État de droit en Israël. Si un gouvernement n’accepte pas les arrêts de la Cour suprême, il signale à tous les criminels qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent », peut-on lire dans la déclaration.
« Israël est en plein désarroi, avec un débat public au cours duquel des ministres de premier plan déclarent qu’ils n’obéiront pas aux décisions de la Cour », ont déclaré les dirigeants de la manifestation.
« Face à la destruction et à la dévastation, nous nous présenterons par centaines de milliers cette 31e semaine pour arrêter la désintégration du pays. Notre espoir n’est pas encore perdu », conclut la déclaration en citant l’hymne national.
La semaine dernière, les députés ont approuvé un projet de loi qui empêche les juges d’annuler les décisions du gouvernement et des ministres au motif qu’elles sont « déraisonnables ».
La loi a été approuvée par les 64 membres de la coalition – l’ensemble des 56 membres de l’opposition ayant boycotté le vote – malgré les manifestations de masse soutenues, l’opposition véhémente de hauts responsables judiciaires, sécuritaires, économiques et publics, les mises en garde répétées des alliés, au premier rang desquels les États-Unis, et les milliers de réservistes militaires qui ont juré de ne plus se présenter au service volontaire.
Les opposants du gouvernement radical de Netanyahu estiment que la suppression de la norme juridique du « caractère raisonnable » ouvre la voie à la corruption et à la nomination inappropriée d’amis non-qualifiés à des postes importants.
Des recours contre la loi ont été déposées auprès de la Haute Cour, et un panel sans précédent de 15 juges les examinera le mois prochain.
Lors d’entretiens récents avec des médias américains sur la loi du « caractère raisonnable », le Premier ministre a refusé à plusieurs reprises de dire s’il comptait se conformer à un éventuel arrêt de la Haute Cour de justice annulant une Loi fondamentale. Il a plutôt mis en garde la Cour contre une telle éventualité. D’autres membres de son parti, le Likud, ont déclaré qu’une telle décision serait respectée, mais qu’elle provoquerait néanmoins une crise dans le pays.
Jeudi, la Haute Cour de justice a affirmé sans ambiguïté qu’elle considérait la loi récemment adoptée, qui empêche la Cour d’ordonner au Premier ministre de se récuser, comme un texte législatif « clairement personnel« , et a laissé entendre qu’elle envisageait une décision qui retarderait sa mise en œuvre. On ignore encore quand la décision sera rendue.
En outre, de nombreux membres de la coalition religieuse de droite radicale ont demandé au gouvernement de poursuivre le reste de ses projets de refonte judiciaire, qui consistent notamment à donner à la majorité au pouvoir un pouvoir quasi-absolu de nomination des juges et à limiter radicalement le contrôle de la législation par la Cour.
La législation et les projets de loi de la ligne radicale du gouvernement ont divisé la nation et déclenché le plus grand mouvement de protestation de l’histoire d’Israël, qui n’a donné aucune indication quant à son intention de plier.
Ses détracteurs accusent Netanyahu, qui fait l’objet d’un procès pour corruption, d’essayer d’utiliser le remaniement pour étouffer d’éventuels jugements à son encontre. Il rejette cette accusation ainsi que la légitimité des charges retenues contre lui.
À LIRE – État d’Israël vs. Netanyahu : Détails de l’acte d’accusation du Premier ministre
La coalition Netanyahu, de droite, d’extrême-droite et religieuse, soutient que les changements proposés au système judiciaire sont nécessaires pour assurer un meilleur équilibre des pouvoirs entre les élus et les juges.
L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.