Retour sur les rassemblements pour les otages et contre le gouvernement
Les blessures essuyées par Matan Angrest seront irréversibles, a dit sa mère à la tribune de la place des Otages ; Eliya Cohen et Karina Ariev, récemment relâchés, ont appelé les dirigeants à négocier la libération des 59 otages restants

Alors que des milliers de personnes se rassemblaient à Tel Aviv et dans tout le pays pour exhorter le gouvernement à conclure un accord qui ouvrirait la porte au rapatriement des 59 otages qui se trouvent encore dans la bande de Gaza, la mère de Matan Angrest, un otage retenu en captivité au sein de l’enclave côtière, a annoncé lors du mouvement de protestation qui était organisé sur la place des Otages, dans la soirée de samedi, que sa famille avait reçu d’autres photos de son fils. Elle a noté qu’il semblait être dans un état physique et psychologique fortement dégradé sur ces images.
Lors de la manifestation qui a eu lieu samedi soir sur cette place devenue emblématique à Tel Aviv – c’était la première depuis la fin de la première phase de l’accord – un otage récemment relâché, Eliya Cohen, a aussi encouragé dans un message vidéo à garantir le rapatriement de tous les captifs qui se trouvent encore dans les geôles du Hamas. C’était sa première prise de parole publique depuis qu’il a été relâché, le mois dernier.
De même, Karina Ariev, une soldate remise en liberté quelques semaines auparavant, est également montée à la tribune pour la première fois.
S’exprimant vingt-quatre heures après la diffusion d’une vidéo montrant Angrest, 21 ans, encore vivant pour la première fois depuis sa capture lors du pogrom du 7 octobre, Anat Angrest a dit à la foule qui s’était rassemblée sur la place des Otages que la famille avait reçu d’autres images « choquantes » de son fils, avec notamment des clichés où le jeune homme essuyait des coups « brutaux » de la part de ses geôliers.
« Il y apparaît apathique, désespéré et en colère », a-t-elle confié. « En plus de son état psychologique dégradé, sa main droite ne fonctionne pas, ses yeux et sa bouche ne sont pas symétriques, son nez est cassé et l’état de ses jambes reste très incertain ».
La mère éplorée a indiqué que, selon les témoignages des personnes qui ont été à ses côtés dans la bataille et en captivité, son fils avait été blessé pendant les combats contre les terroristes, le 7 octobre 2023. Elle a ajouté qu’il avait aussi été violenté lors d’un interrogatoire à Gaza et qu’il avait été torturé. Il a été dans l’obligation de se soigner seul, a raconté Anat.
« Selon les médecins, les dommages causés à son corps sont irréversibles », a-t-elle annoncé.

Les images évoquées par Anat Angrest n’ont pas été diffusées directement par le Hamas – elles proviennent d’enregistrements audio et de photographies qui ont été recueillis par les soldats israéliens qui se trouvent sur le terrain, à Gaza. Les clichés ont été transmis à la famille.
Vendredi, le Hamas a néanmoins publié une vidéo d’Angrest où le jeune homme supplie Israël d’obtenir sa remise en liberté, une initiative apparemment prise par le groupe terroriste dans le but de mobiliser l’opinion publique israélienne en faveur de la poursuite de l’accord de cessez-le-feu dont les négociations sont dans l’impasse.
La famille d’Angrest a approuvé la publication de la vidéo dans laquelle le captif déclare avoir été informé du fait que les pourparlers sont au point mort. Il ajoute, devant la caméra, qu’il a le sentiment que le gouvernement israélien a choisi d’abandonner les otages à leur sort.

Israël affirme que 59 personnes sont toujours retenues en otage à Gaza – seulement 24 seraient encore en vie. Tous – à l’exception d’un seul – avaient été kidnappés lors du pogrom commis par le groupe terroriste du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. Lors de cette attaque sanglante, des milliers d’hommes armés avaient massacré plus de 1 200 personnes et enlevé 251 personnes, qui avaient été emmenées dans la bande. Le Hamas a libéré 33 otages – dont 8 corps sans vie – au cours de la phase initiale du cessez-le-feu qui a duré 42 jours, mais les négociations permettant d’ouvrir la porte à la remise en liberté des otages qui se trouvent encore au sein de l’enclave côtière sont dans l’impasse. De son côté, Israël menace de reprendre les combats si les captifs ne sont pas tous relâchés.
Le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé, samedi soir, qu’il envoyait une équipe de négociation au Qatar qui va prendre part à des pourparlers indirects avec le Hamas après que les médias arabes ont rapporté que le groupe terroriste avait fait part de sa volonté d’accepter une prolongation temporaire du cessez-le-feu à Gaza pendant le ramadan. Le mois sacré musulman a commencé la semaine dernière.
Apparaissant dans un message vidéo préenregistré devant la foule qui assistait au rassemblement, Eliya Cohen, qui a été relâché le 22 février, a remercié les manifestants et il a appelé avec force les politiciens à ne pas quitter la table des négociations tant que tous les captifs n’auront pas été rapatriés, et ce jusqu’au dernier d’entre eux.

« Nous avons l’opportunité de faire revenir tout le monde. Vous avez pu me ramener sain et sauf, vous pouvez ramener tout le monde. Ceux qui sont vivants et les morts. Il y a des personnes, là-bas, qui restent assises, sous la surface du sol, et qui attendent simplement de rentrer chez elles. Vous ne savez pas ce qu’elles vivent », a-t-il affirmé. « Il n’y a aucune raison au monde qui puisse justifier de continuer à faire traîner les choses – ni la phase une, ni la phase deux, ni la phase trois. Faites simplement sortir tout le monde de là. Israël est assez fort pour le faire, et il est temps pour notre pays de faire sortir tout le monde », a-t-il martelé.
Ariev, une observatrice de Tsahal, est montée à la tribune, lors du rassemblement, pour la toute première fois depuis sa libération, à la fin du mois de janvier. Elle aura passé 477 jours dans les geôles du Hamas. Elle s’est adressée en arabe aux otages encore à Gaza, une langue qu’un grand nombre ont apprise en captivité, selon les récits qui ont pu être faits par les otages qui ont été remis en liberté. Elle leur a demandé de « recommencer à espérer, car nous vous ramènerons jusqu’au dernier d’entre vous ».
« Les otages doivent passer avant tout le reste. Occupez-vous d’abord d’eux, et vous vous occuperez ensuite de tout le reste », a-t-elle dit. Elle a évoqué sa détention « dans des conditions horribles, dans l’obscurité, dans le froid ». »

S’adressant en anglais au président américain Donald Trump, Ariev a remercié ce dernier pour les efforts livrés par les États-Unis en faveur de l’accord qui a ouvert la porte à sa libération.
« L’accord ne se terminera pas tant que tout le monde ne sera pas rapatrié et tant que nous ne serons pas assurés de jouir d’une sécurité durable et ce, pour nous tous, » a-t-elle continué. « Ramenez-les tous à la maison, Monsieur le président ».
Plusieurs autres intervenants ont également remercié Trump, qui a accueilli huit anciens otages à la Maison Blanche la semaine dernière – et ce malgré la consternation entraînée, en Israël, par la nouvelle que son administration était en contact direct avec le Hamas.

Une manifestation anti-gouvernement devant le siège de l’armée israélienne
Lors d’une manifestation des opposants au gouvernement organisée devant le quartier-général de l’armée israélienne dans le centre de Tel Aviv, le frère de l’otage Nimrod Cohen a semblé placer un certain espoir placé dans les canaux de communication parallèles qui se sont ouverts. Il a aussi accusé Netanyahu et son nouveau responsable des négociations sur les otages, le ministre des Affaires stratégiques Ron Dermer, d’essayer de convaincre Washington d’abandonner les efforts actuellement déployés par l’administration américaine en vue du rapatriement de tous les captifs.
Les dirigeants étrangers « ont d’ores et déjà compris qu’Israël n’est pas réellement intéressé par la libération de ses otages », a dit Yotam Cohen. « L’État d’Israël trahit les otages ».
Le rassemblement a attiré environ 2 000 personnes – un regroupement antérieur, sur la place Habima, avait réuni 250 militants approximativement qui ont entonné le slogan : « Le pays est à nous, pas à Netanyahu ». Utilisant le surnom du Premier ministre, ils ont ajouté : « Rien ne sera terminé tant que Bibi n’aura pas été arrêté ».

Jimmy Miller, le cousin de Shiri Silberman Bibas, l’otage assassinée, et Jon Polin, le père de Hersh Goldberg-Polin, qui a été, lui aussi, exécuté en captivité, se sont également adressés aux personnes présentes.
La dépouille de Shiri Silberman-Bibas avait été restituée à Israël le mois dernier avec celles de ses deux jeunes enfants – Ariel, qui avait quatre ans, et Kfir, qui avait huit mois et demi quand ils avaient été kidnappés par les terroristes du Hamas – une restitution qui s’était faite dans le cadre de la première phase de l’accord de cessez-le-feu avec le Hamas. Son mari, le père des petits garçons, Yarden Bibas, avait été libéré, en vie, le 1er février.
S’adressant à des dizaines de sympathisants par mégaphone, Jimmy Miller a raconté que le souhait et la source de réconfort de Yarden étaient que « les otages continuent à revenir vivants ».
S’adressant au gouvernement, Miller a ajouté que « c’est la moindre des choses que vous puissiez faire pour nous ».
Tout au long de la guerre, le cousin de Silberman-Bibas sera resté une figure du mouvement de protestation en faveur de la remise en liberté des otages – reconnaissable grâce à son chapeau et à sa chemise de couleur orange, une forme d’hommage à Ariel et Kfir. Mais samedi soir, il est apparu abattu et vêtu de noir.
Polin, qui a pris la parole après Miller, était habillé en rouge, la couleur de l’équipe sportive préférée de Hersh, l’Hapoel Jérusalem. Son tee-shirt était orné du visage de Hersh avec un slogan : « Que sa mémoire soit une révolution ».

Des rassemblements appelant à la poursuite de l’accord sur les otages ont également eu lieu dans d’autres villes du pays, notamment à Kfar Saba, où la mère de l’otage Eitan Horn et de l’ancien otage Iair Horn, a supplié le gouvernement d’en faire davantage.
« Je les ai élevés ensemble. J’ai senti qu’ils étaient ensemble [pendant leur captivité], et ils étaient en effet ensemble. Pourquoi les avez-vous séparés ? Le gouvernement doit protéger ses citoyens et il doit rapatrier tout le monde », a-t-elle affirmé.
Lors d’un mouvement de protestation qui a eu lieu sur la Route Begin, devant le quartier-général de l’armée israélienne, la police a été accusée d’avoir failli provoquer une bousculade en déployant des agents et en plaçant des camions qui, selon les informations, ont fini par bloquer un trop grand nombre de participants dans un petit périmètre. Plusieurs personnes âgées auraient été presque piétinées.
La police aurait, selon des témoignages, frappé des manifestants qui tentaient de franchir les barrières pour partir, a rapporté la chaîne d’information N12.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux montrent des manifestants en train de ramper sous les camions stationnés – des camions qui sont souvent utilisés par la police comme outil de contrôle des foules – alors qu’ils tentent de quitter les lieux.
המשטרה חוסמת את היציאות ואנשים נאלצים לזחול בין המשאיות כדי לחלץ עצמם מהדוחק
תל אביב 08.03.25 pic.twitter.com/0JIZwM4Rbd
— אלימות ישראל (@Alimut_Israel) March 8, 2025
La police n’a pas fait de commentaire sur ces incidents.
Yifat Calderon, cousine d’Ofer Calderon, un otage qui a été libéré, a annoncé que les familles des otages prévoyaient de dormir devant le siège de Tsahal, samedi soir, en signe de protestation, appelant le public à se joindre à elles.
Le rassemblement nocturne, qui avait été baptisé « Opération Cordon de la Kirya » par les familles des otages, s’est déroulé devant l’entrée principale, à l’Est, du quartier-général de l’armée israélienne, qui est situé Route Begin. Des campements de taille plus modeste ont également été installés devant deux entrées donnant sur la rue Kaplan, du côté Sud, et devant une entrée de la rue Shaul Hamelech, au nord, juste en face de la place des Otages.
Alors que presque toutes les semaines, la manifestation organisée rue Begin se terminait habituellement à 22 heures, les protestataires étaient encore en grand nombre aux environs de minuit, rassemblés autour d’un feu de joie et scandant : « Le cabinet est responsable de la vie des otages ».