Saar exclut toute négociation sur le fond des réformes judiciaires
Le ministre des Affaires étrangères déclare que certaines parties de la proposition pourraient être modifiées au cours du processus législatif, mais pas les "grands éléments"

Le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, a déclaré lundi qu’il ne s’attendait pas à ce que les principaux éléments d’un nouveau programme de réforme judiciaire qu’il a récemment dévoilé avec le ministre de la Justice, Yariv Levin, fassent l’objet de négociations – indiquant ainsi qu’il n’y aura pas de compromis substantiel sur les propositions qui ont été avancées.
S’exprimant lors d’une conférence de presse, aux côtés du chef de la diplomatie danoise, Lars Rasmussen, Saar a expliqué que lui-même et Levin avaient « négocié [les propositions] pendant très longtemps » – avant même le début de la guerre, alors qu’il se trouvait encore sur les bancs de l’opposition.
Concernant cette enveloppe de réformes, la coalition commencera les premières procédures nécessaires au lancement du processus législatif dans la semaine – la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset prévoit, pour sa part, de consacrer une audience à ces textes controversés dans la journée de mercredi.
Ces propositions viendraient modifier la composition de la commission de sélection des juges, réduisant l’influence des professionnels du droit au sein de l’instance. Elles mettraient au point une nouvelle méthodologie distincte concernant l’adoption des lois fondamentales – qui sont quasi-constitutionnelles en Israël. Les lois fondamentales ne pourraient plus être réexaminées par les juges et le contrôle, par les tribunaux, des législations adoptées de manière plus générale par le parlement deviendrait beaucoup plus difficile à mettre en œuvre.
Ces projets ont déjà fait l’objet de vives critiques de la part de députés de l’opposition et de spécialistes du droit. L’ancienne présidente de la Cour suprême, Dorit Beinisch, a estimé, lundi, que ce plan de réforme révisé politiserait de manière indue le système judiciaire, portant atteinte à son indépendance. Israël n’a pas de constitution et une coalition au pouvoir peut orienter les lois à sa guise à travers la Knesset – où elle est majoritaire par définition – de sorte que seules les juges ont été, jusqu’à présent, le seul frein à la toute-puissance de l’exécutif.
Au cours de la conférence de presse aux côtés de son homologue danois, Saar, qui est lui-même ancien ministre de la Justice, a déclaré que lui et Levin avaient discuté des révisions à apporter au plan de refonte radicale du système de la justice qui était alors avancé par le ministre pendant de nombreux mois – Saar a expliqué que lui-même était encore dans l’opposition lorsque les échanges avaient commencé.
Certains détails de la nouvelle proposition ont été dévoilés la semaine dernière.

Les deux ministres « ont négocié pendant très longtemps, nous avons commencé les pourparlers… avant que la guerre ne commence », a dit Saar.
« Bien sûr, au cours du processus législatif, certaines choses peuvent changer mais je ne vois pas comment les principaux éléments de cette proposition pourraient être modifiés », a-t-il dit pendant la conférence de presse, en réponse à une question du Times of Israel, qui lui demandait s’il était prêt à négocier les réformes avec l’opposition.
Saar avait rejoint le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu au mois de septembre 2024. Il avait vivement critiqué, dans le passé, les propositions initiales qui figuraient dans le plan de refonte radicale du système judiciaire qui était avancé par la coalition, affirmant qu’elles donnaient à l’exécutif trop de pouvoir sur les autorités judiciaires. Il avait toutefois dit qu’il soutenait l’idée de réformer le système.
Mercredi, la commission de la Constitution, du droit et de la justice de la Knesset lancera la procédure nécessaire pour faire avancer le processus législatif de la nouvelle enveloppe de réformes. Un travail qui sera facilité dans la mesure où les propositions initiales se trouvaient déjà à un stade avancé de ce processus.
Le plan de refonte radicale du système de la justice initialement prôné par Levin – qui aurait accordé à la coalition au pouvoir un contrôle presque total de toutes les nominations au sein du système – avait été voté en commission au mois de mars 2023 mais il n’avait pas été présenté pour ses deux dernières lectures en séance plénière de la Knesset en raison de l’opposition massive qui s’était dressée contre le projet, avec des Israéliens qui avaient pris d’assaut les rues des grandes villes du pays. Il est resté en suspens depuis lors.
L’audience de la commission de la Constitution, du droit et de la justice qui se tiendra mercredi délibèrera, dans un premier temps, de l’opportunité de ramener le projet de loi initial devant la commission pour de nouvelles délibérations et pour procéder à de nouveaux amendements – un vote aura lieu à l’issue des débats.
Elle ne se penchera pas sur le fond des nouvelles propositions.
Lors d’une conférence organisée par l’Institut israélien de la démocratie, Beinisch, ancienne présidente de la Cour suprême, a soutenu que la nouvelle proposition de Levin et de Saar politiserait le système judiciaire puisqu’elle réduirait de manière significative l’influence des professionnels indépendants du droit au sein de la Commission de sélection des juges.

« Si tout le monde est politique, un juge qui n’est pas de mon camp ne pourra jamais être promu », a déclaré Dorit Beinisch en expliquant comment une commission politisée serait, selon elle, amenée à agir.
Elle a ajouté que les juges se rendraient compte que « pour progresser, ils doivent trouver grâce aux yeux des politiciens », notant que « un juge nommé au nom du gouvernement se devra d’être l’homme de confiance du gouvernement, et il ne pourra jamais exercer un contrôle sur lui ».
L’ancienne présidente de la Cour suprême a directement accusé Levin de faire avancer son programme dans le but précis de faire entrer à la Cour deux universitaires qu’il admire. Il s’agit d’Aviad Bakshi et Rafael Biton – que Levin avait déclaré avoir consultés en tant qu’experts du droit lors de l’élaboration de son programme initial de réforme du système judiciaire.
« Il [Levin] veut que deux de ses candidats [soient nommés] et si ce n’est pas le cas, alors ‘nous changerons le système’ – et c’est ce qui s’est exactement passé ici », a fait remarquer Beinisch.
Elle a également insisté sur le fait que les Israéliens ne s’intéressaient guère une réforme judiciaire pendant le conflit actuel – et que le gouvernement au pouvoir n’avait pas été élu sur ce mandat, ayant mis l’accent sur des questions telles que le coût de la vie pendant sa campagne électorale
Un sondage qui a été publié lundi par l’Institut israélien de la démocratie – qui a été réalisé entre le 31 décembre 2024 et le 6 janvier 2025 sur la question de la réforme du système judiciaire, mais avant l’annonce faite par Levin et Saar – a révélé que seuls 8,5 % des Israéliens ont déclaré qu’ils pensaient que faire avancer le projet de réforme du système de la justice était, à leurs yeux, le dossier le plus pressant pour le gouvernement aujourd’hui.