Sanctionnés par les États-Unis, les militants du blocage de l’aide pour Gaza changent de cap
Après avoir attaqué des convois humanitaires promis à Gaza, les dirigeants de Tzav 9 disent avoir abandonné "l'action de terrain" au profit de la politique, pour peser sur la conduite de la guerre
Durant plusieurs mois, suite au pogrom commis par le Hamas le 7 octobre, des militants de droite ont fait la une des journaux en bloquant les convois d’aide humanitaire destinés à la bande de Gaza. Informés de l’itinéraire et des horaires des camions, ils ont organisé des manifestations et parfois même pillé des remorques.
Le mouvement Tzav 9 est né de la volonté des membres de plusieurs groupes Facebook et WhatsApp d’empêcher les convois de parvenir à destination.
Et puis en mai, les actions ont subitement cessé.
Selon les membres du groupe Tzav 9, leur angle d’attaque a changé en raison de la violence des manifestations et ils se consacrent désormais à une action « diplomatique », pour obtenir du gouvernement israélien qu’il contrôle davantage les convois d’aide destinés aux civils palestiniens alors que Tsahal combat toujours le Hamas à Gaza.
« Nous avons arrêté [les actions de terrain] lorsque nous avons pris conscience qu’avec les autres personnes et organisations qui se joignaient à nous, les choses prenaient une coloration qui n’était pas la bonne – la violence, les émeutes, ce n’est pas une solution », a expliqué au Times of Israel Reut Ben Haim, fondatrice et dirigeante de Tzav 9.
Les décisions américaines semblent également avoir eu un rôle à jouer.
Tout comme le leader de Tzav 9, Shlomo Serid, Ben Haim a été inscrite le 15 juillet sur la liste de l’Office of Foreign Assets Control des États-Unis – ce qui a entraîné le gel de ses avoirs. Cette liste établie par l’administration Biden répertorie les personnes sanctionnées en raison de troubles en Cisjordanie.
Le 1er février, le président américain Joe Biden a publié un décret ordonnant à son administration d’imposer des sanctions aux individus et groupes « dont l’action sapait la paix, la sécurité et la stabilité en Cisjordanie ». Le 14 juin, le Département d’État américain désignait Tzav 9 comme faisant partie de cette catégorie.
« Des mois durant, des membres de Tzav 9 ont tenté d’empêcher l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza en bloquant les routes, parfois violemment, entre la Jordanie et Gaza, y compris en Cisjordanie », indique le communiqué.
Ce document évoque par exemple un incident survenu le 13 mai dernier, au cours duquel des militants affiliés à Tzav 9 ont pillé puis incendié deux camions transportant de l’aide humanitaire pour Gaza près d’Hébron, en Cisjordanie. La police a interpelé quatre personnes impliquées dans le pillage. Tzav 9 a revendiqué le blocage du convoi qui se trouvait alors au niveau du checkpoint de Tarqumiyah, dans les collines d’Hébron.
Aux dires de Ben Haim et Serid, cette action en date du 13 mai a été la dernière de ce type.
Les deux dirigeants assurent que l’organisation, qui a des liens avec des proches d’otages du Hamas, des réservistes et des Israéliens installés dans des implantations de Cisjordanie, est fondamentalement non-violente et a tenté de convaincre ses membres de ne pas s’associer aux incendies et pillages qui ont eu lieu ce jour-là.
Nous avons progressivement compris que l’aide humanitaire était nécessaire. Nous ne voulons simplement pas qu’elle finisse entre les mains du Hamas.
Les dirigeants de Tzav 9 assurent que les dégâts causés aux convois d’aide humanitaire sont le fait de militants d’autres organisations : ils sont par ailleurs réticents à l’idée de qualifier leur collectif d’« organisation » d’extrême droite en tant que telle.
« Tzav 9 est avant tout une idée ; ce n’est pas une organisation formelle », explique Serid au Times of Israel.
Le porte-parole du Département d’État américain a répondu par écrit à la demande de commentaire du Times of Israel en affirmant que le « but ultime » des sanctions n’était pas « de punir, mais de provoquer un changement dans les comportements ». Il a confirmé que le Département continuait de tenir Tsav 9 pour une organisation extrémiste violente.
Suite à l’action du 13 mai, qui a coïncidé, en Israël, avec la Journée de mémoire des soldats morts au combat, les responsables de Tzav 9 ont décidé d’abandonner les actions de blocage des véhicules de transport de l’aide au motif que les violences qui les émaillaient causaient trop de dégâts, souligne Ben Haim.
Serid ajoute que le groupe était gêné d’être présenté par les médias comme un collectif « agressif », ce qui nuisait par ailleurs à l’efficacité de leur action.
Selon Rachel Touitou, porte-parole de Tzav 9, la mission du groupe a évolué avec le temps et l’enracinement de la guerre menée par Israël pour renverser le Hamas et libérer les otages de l’organisation terroriste. Au départ, dit-elle, le groupe voyait dans la fin de l’aide à la bande de Gaza le moyen d’obtenir du Hamas qu’il libère les otages.
« Mais nous avons compris au fil du temps que l’aide humanitaire était nécessaire », poursuit Rachel Touitou. « Nous ne voulons simplement pas qu’elle finisse entre les mains du Hamas. »
Même s’il n’y a pas eu officiellement de famine à Gaza, nombreuses sont les organisations internationales à avoir mis en garde à plusieurs reprises contre le risque qu’une grande partie de la bande de Gaza soit en butte à de graves pénuries alimentaires.
En plus de ses efforts pour limiter l’aide humanitaire, sous le contrôle du gouvernement israélien, les dirigeants de Tzav 9 tentent de faire face aux sanctions prises par les États-Unis.
Ben Haim, qui considère ces sanctions personnelles comme une « punition venue d’en haut », se dit consternée d’être pénalisée pour une chose qui, selon elle, est conforme à l’objectif des États-Unis dans la guerre entre Israël et le Hamas.
Serid partage son indignation et explique que Tzav 9 fait désormais campagne pour que les États-Unis lèvent les sanctions prises à son encontre, celle de Ben Haim et plus largement du collectif.
En sa qualité de juriste et de conseiller des membres de Tzav 9 sur la question des sanctions américaines, Eugene Kontorovich a déclaré au Times of Israel qu’il s’attendait à ce que les sanctions soient contestées devant les tribunaux américains dans la mesure où elles empêchent les Israéliens de s’exprimer politiquement de manière non violente.
Or, il est rare que de telles sanctions soient contestées en justice. Elles ne peuvent en effet faire l’objet d’un recours que via l’examen formel de l’Office of Foreign Assets Control lui-même.
Sur le site Internet de Tzav 9, l’organisation soutient que sa « mission première » est d’empêcher les camions d’aide d’entrer dans Gaza. Ben Haim, Serid et Touitou laissent tous trois ouverte la possibilité pour l’organisation de reprendre ses actions de terrain.
Ben Haim revendique 15 000 militants au sein de Tzav 9 et, selon elle, bien davantage encore avec les membres affiliés. Selon Serid, 300 000 personnes ont soutenu ou participé à des actions affiliées à Tzav 9.