Sauver une mosaïque rare vieille de 1 700 ans d’une synagogue d’une île grecque
150 000 euros sont nécessaires pour préserver une mosaïque géométrique colorée du plus ancien lieu de prière juif de Grèce

Les défenseurs d’une mosaïque du 4e siècle de l’ère commune, vestige d’une synagogue, retrouvée sur l’île grecque d’Égine recherche des bienfaiteurs pour restaurer et préserver cette œuvre chamarrée, rare, d’art juif.
Situé à une heure de ferry du port du Pirée d’Athènes, les deux inscriptions en grec, la belle géométrie et les motifs floraux de cette mosaïque décrépie immortalisent la communauté juive autrefois prospère ayant bâti le lieu de culte.
La mosaïque d’Égine « est très importante en termes d’histoire juive, car il s’agit sans aucun doute d’une synagogue – contrairement à la synagogue de Delos plus vieille qui fait l’objet d’incertitude – du fait des deux inscriptions en grec rendant hommage à l’arehisynagogue Théodore qui l’a érigée grâce à des dons », explique l’architecte Elias Messinas, expert des synagogues grecques qui milite pour la préservation de la mosaïque.
Aujourd’hui, avec le soutien du gouvernement grec, Elias Messinas et son épouse Yvette Nahmia-Messinas organisent une campagne de restauration et préservation de cet élément historique d’importance pour les futures générations.
Lors d’un événement de lancement du projet de conservation, le 7 août dernier, des membres de l’Ephorat des antiquités du Pirée et des îles du ministère grec de la Culture, des représentants de la communauté juive et les fondateurs de l’ONG ECOWEEK, les époux Messinas, ont inauguré une exposition sur la communauté juive de l’île et l’importance de la mosaïque.
Mais pour le couple Messinas, la préserver est à la fois une mission professionnelle et personnelle.

« Ayant tiré les enseignements du passé, à savoir que les synagogues peuvent encore disparaître, il nous a paru important que la mosaïque d’Égine soit préservée et protégée », a déclaré Yvette Nahmia-Messinas, la coordinatrice du Projet des amis de la mosaïque de la synagogue d’Égine. Son mari architecte a dirigé deux autres campagnes de restauration de deux synagogues à Thessalonique et s’apprête à finir la rénovation de celle de Trikala, une ville autrefois prospère sous les Ottomans.
Yvette Nahmia-Messinas a ajouté que sa famille se rendait chaque été sur l’île pour les vacances depuis trois générations. « Nos enfants sont la quatrième génération de la famille à avoir de fortes racines et un lien profond avec l’île d’Égine », a-t-elle ainsi expliqué.

« Il est également important pour moi en tant que Juive grecque préoccupée par la préservation des racines juives grecques et de son patrimoine en Grèce », a indiqué celle dont le mémoire de master à l’Université hébraïque était » l’ombre de la Shoah : la disparition des communautés juives de Grèce ». La communauté a été décimée lors de la Seconde Guerre mondiale, et le pays abrite des synagogues en ruines et d’anciens quartiers juifs.
« Enfin, il s’agit d’un monument de valeur pour l’île d’Égine, car il révèle l’existence d’une communauté juive prospère sur l’île au 4e siècle de l’ère commune », a-t-elle souligné.
L’île a été successivement habitée depuis 3 000 ans avant l’ère commune. À partir de la fin du 3e ou du début du 4e siècle, les Juifs romaniotes ont habité une région de l’île près du port commercial et militaire appelé Karantina. Originaire de Grèce et de l’est de la Méditerranée, la communauté juive romaniote est l’une des plus anciennes de la Diaspora. D’après les époux Messina, la communauté d’Égine « travaillait dans la tannerie et la teinture des textiles et a été suffisamment prospère pour bâtir cette magnifique synagogue ! »
Cette dernière a été bâtie près du port vers 300 avant l’ère commune, que l’érosion et l’eau ont contribué à détériorer. Au 7e siècle, les Juifs de l’île, las des attaques fréquentes de pirates, se sont installés ailleurs sur l’île, à Paleohora, et y ont vraisemblablement construit une deuxième synagogue (même s’il n’en existe pas de vestiges connus aujourd’hui).

La mosaïque a été mise au jour pour la première fois en 1829, mais a été recouverte puis découverte à plusieurs reprises lors de différentes fouilles, dont l’une réalisée par le père-fondateur de l’archéologie israélienne, le Prof. Eleazar Lipo Sukenik, qui s’est rendu sur l’île en 1928 pour étudier l’œuvre. Dans les années 1930, l’archéologue américaine Belle Mazur a poursuivi les fouilles et découvert l’abside de la synagogue.
Dans les années 1960, la mosaïque a été déplacée sur le principal site archéologique de l’île, la colline de Kolona, qui abrite les ruines du Temple dorique érigé en l’honneur d’Apollon en 520 avant l’ère commune. Fait intéressant, le temple païen a été détruit quasiment au moment-même où la mosaïque de la synagogue a été déposée. Aujourd’hui, seule une colonne demeure, donnant son nom au site touristique.
D’après la Prof. Rachel Hachlili dans son livre « Ancient Jewish Art and Archaeology in the Diaspora » [L’art et archéologie antiques juifs dans la Diaspora], la mosaïque mesure 13,5 sur 7,6 mètres et compte plusieurs formes géométriques multicolores, dont des rosettes à quatre pétales, entrelacées de fleurs et de lierre grimpant. Elle arbore deux inscriptions en grec, qui se trouvaient près de l’entrée ouest de la synagogue.

Pour Hachlili, il est intéressant de noter que le mot « synagogue » est présent dans l’inscription, désignant à la fois l’édifice et la communauté qui y priait. Également retrouvé dans la mosaïque : le terme grec « archisynagogos » [arehisynagogue], qui, d’après elle, était très certainement un mot strictement juif utilisé pour désigner le responsable de la synagogue et figure dans plusieurs inscriptions de donateurs dans l’Empire romain, y compris en Terre sainte. Pour celle d’Égine, c’est à l’arehisynagogue Théodore qu’est attribué la fondation du lieu de culte.
La motivation de ces philanthropes de l’Antiquité, d’après Hachlili, est révélée par un autre terme, « eulogia » ou « bénédiction » qu’ils souhaitaient recevoir — de leur vivant — plutôt que de passer à la postérité. L’universitaire en conclut que cela indique la forte influence des Grecs sur les Juifs de la Diaspora, plut^to que celle de la Terre d’Israël.
Le programme de préservation coûtera environ 150 000 euros. Une page sur une plateforme de financement participatif a été créée à cet effet.
Les Messinas ont assuré qu’en plus d’une nouvelle signalétique, de nouveaux aménagements paysagers, de nouveaux éclairages et une vidéo explicative, le plan de conservation « comprend un travail de préservation devant permettre de stabiliser l’état de la mosaïque et réparer les dégâts du temps – causés notamment par la pluie, la proximité de la mer et l’exposition à l’environnement ». Un toit de protection sera ainsi construit pour cela.
« Les gens peuvent également aider en faisant un don au projet sur la page web de la Mosaïque et en faisant passer le mot. Il s’agit d’un processus très semblable à la mosaïque – bout par bout, personne par personne, nous pouvons y arriver ensemble », pour les Messinas.
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