Selon les Juifs de l’UPenn, en préparation pour les exams, les problèmes subsistent
Les étudiants victimes d'antisémitisme sur le campus ont l'impression de devoir s'expliquer, suite à la démission de la présidente de l’université, alors qu'ils préféreraient étudier
PHILADELPHIE, JTA – Lundi après-midi, alors que la Une du journal étudiant affichait la démission de la présidente de l’institution, Elan Roth était au centre Hillel de l’Université de Pennsylvanie (UPenn), étudiant pour les examens de fin d’année.
Ces quelques jours avaient été un véritable remous pour les étudiants juifs du campus de l’Ivy League. Une semaine plus tôt, leur présidente, Liz Magill, avait refusé de qualifier l’appel au génocide des Juifs de harcèlement, violant le règlement de l’établissement. Elle a démissionné le 9 décembre, deux jours avant le dernier jour de cours du semestre et moins d’une semaine avant le début des examens finaux, qui débuteront le 14 décembre. Magill reste membre titulaire du corps professoral de l’université.
Au milieu de tout cela, les Juifs de l’UPenn ont dû faire face à une marée de journalistes leur demandant ce qu’ils pensaient de l’antisémitisme au sein de leur université. Des étudiants ont raconté à la JTA qu’à la sortie de Shabbat, après l’annonce de la démission de Magill, une foule de journalistes patientait devant le centre Hillel pour recueillir les réactions des étudiants. Roth est apparu sur CNN le lendemain.
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« En fin de compte, cela était vraiment très incommodant », a déploré Roth, étudiant en philosophie des mathématiques, à la Jewish Telegraphic Agency. « Il est regrettable que nous devions consacrer tant d’énergie et d’efforts à comprendre pourquoi il y a ces sentiments d’antisémitisme sur le campus. Il m’est [depuis] très difficile de me concentrer normalement sur mes cours. »
La démission de Magill est le dernier volet d’une controverse sur l’antisémitisme qui couve depuis des mois au sein de l’université – que les étudiants juifs n’avaient pas encore fini de digérer. Roth estime qu’il s’agit « avec un peu de chance, d’un pas dans la bonne direction ». D’autres étudiants ont fait part de leur crainte d’un retour de bâton tandis que que certains ont affirmé qu’ils se sentaient en sécurité sur le campus. Mais tous ceux qui ont parlé à la JTA ont souligné qu’ils étaient plus préoccupés par l’antisémitisme de leurs pairs que par la question de savoir qui siège dans le bureau du président.
« C’est un léger soulagement de savoir qu’il y a des comptes à rendre maintenant », a déclaré Sadie Waldbaum, une étudiante de Wharton qui étudie la finance et l’analyse des affaires. « Au moins, cela se voit. Cependant, je ne dirais pas que je me sens plus en sécurité, parce que le problème, ce sont les professeurs et les étudiants du campus qui perpétuent ces idées et récits fallacieux. »
« Même si elle a démissionné, il y a encore beaucoup de travail à faire pour ne serait-ce que changer la trajectoire de l’UPenn ainsi que des écoles à travers le pays », a-t-elle ajouté.
La réponse de Magill à l’antisémitisme a été sous les feux des projecteurs tout au long du semestre. En septembre, l’administration de l’UPenn s’était attirée des critiques pour un festival de la culture palestinienne qui comprenait des intervenants accusés d’antisémitisme, tels que Roger Waters, le leader de Pink Floyd. Le campus a également été victime de vandalisme antisémite. L’école avait alors annoncé des changements de politique, mais quelques jours plus tard, le massacre perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre en Israël et l’activisme étudiant qui s’en est suivi ont attiré une nouvelle vague d’attention sur l’antisémitisme dans les campus, ce qui a placé Magill et les administrations d’autres écoles d’élite sous une nouvelle surveillance.
L’UPenn a formé un groupe de travail sur l’antisémitisme et, peu après, a fait l’objet d’une plainte fédérale alléguant que l’université de Pennsylvanie constituait un environnement dangereux pour les étudiants juifs. Magill a ensuite été invitée à témoigner sur la question devant le Congrès, aux côtés des présidentes de l’Université de Harvard et du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Toutes trois ont déclaré que leur réponse aux appels au génocide des Juifs dépendrait du « contexte. » Plusieurs jours de critiques de la part des étudiants, des anciens élèves et du gouverneur juif de Pennsylvanie – ainsi qu’un donateur menaçant de retirer une contribution de 100 millions de dollars – ont précédé l’annonce de Magill.
(Le président du conseil d’administration de Penn, Scott Bok, a également démissionné samedi. Le poste de Bok sera occupé par intérim par Julie Platt, une ancienne élève de l’UPenn qui occupe également le poste de présidente des Fédérations juives d’Amérique du Nord).
Maya Harpaz, étudiante à l’UPenn, membre du conseil exécutif d’Hillel et membre du groupe de travail sur l’antisémitisme de l’université, a écrit dans un courriel à la JTA qu’elle se félicitait de cette démission et qu’elle « continuerait à suivre l’évolution ».
« Le changement de direction est un bon début pour restaurer la communauté de notre campus, mais il reste encore beaucoup à faire pour garantir la sécurité de la communauté juive à Penn », a-t-elle écrit.
En attendant, la vie juive sur le campus – qui compte 1 600 étudiants juifs sur une population totale d’environ 10 000 étudiants de premier cycle, selon Hillel – se poursuit à un rythme soutenu. Lundi, sur Locust Walk, l’artère principale du campus, des anciens élèves et des parents juifs ont distribué des beignets à la confiture pour Hanoukka, à quelques pas d’un étudiant qui distribuait des exemplaires du Daily Pennsylvanian, le journal des étudiants, dont la première page était consacrée à la démission de Magill.
La nuit précédente, la chorale a cappella juive de l’UPenn, les Shabbatones, a interprété une prière juive traditionnelle pour la paix à la Maison Blanche, à Washington.
Akiva Berkowitz, un étudiant orthodoxe qui porte une kippa, a déclaré à la JTA qu’il se sentait « totalement en sécurité sur le campus ».
« Je pense vraiment qu’il est important que les gens reconnaissent que le campus reste [un lieu] sûr, et que les gens continuent de venir au centre Hillel et d’être fièrement juifs », a souligné Berkowitz. « Et ce n’est pas comme si nous nous terrions à cause de ce qui se passe aux alentours. Nous nous tenons fièrement debout, et nous sommes sur Locust, nous organisons nos propres rassemblements et nous sommes là. »
Berkowitz est d’accord pour dire que l’accent doit être mis sur la modification des politiques pour faire face à ce qu’il considère comme de menaçantes mélodies. Il espère voir « de meilleures directives sur ce qui constitue une expression ouverte et ce qui constitue un discours de haine ».
« Je m’intéresse moins à l’administratif et aux responsables qu’aux questions suivantes : les problèmes du campus sont-ils abordés et sommes-nous capables de vraiment sévir contre les personnes qui appellent à l’intifada, qui appellent au génocide contre les Juifs ? », a noté Berkowitz.
« Pouvons-nous vraiment nous occuper de cela et nous assurer qu’ils reçoivent [bien] les sanctions qu’ils méritent ? »
Waldbaum a ajouté qu’elle craignait que la tournure des événements – Magill démissionnant à la suite d’une menace d’un donateur – n’alimente les stéréotypes antisémites.
« J’ai vu de nombreuses réactions du genre ‘les donateurs juifs contrôlent l’école’ et qui ont simplement alimenté les tropes antisémites telles que ‘les Juifs contrôlent les médias’ et ‘les Juifs contrôlent ceci’, … ou cela, entre autres choses, ce qui n’est certainement pas génial non plus, car si les donateurs ont évidemment une influence, il s’agissait d’une question morale plus large qu’il fallait régler », a-t-elle affirmé.
D’autres étudiants juifs contestent cette démission, qu’ils considèrent comme une menace pour le militantisme étudiant. Hilah Kohen, une doctorante israélo-américaine inscrite au programme de littérature comparée et de théorie littéraire, s’est entretenue avec le Daily Pennsylvanian. « Les personnalités politiques d’extrême-droite qui s’alignent sur les néo-nazis en réalité pourraient s’appuyer sur ces démissions pour réprimer les protestations sur le campus contre le génocide actif et sanglant des Palestiniens. »
Waldman, qui porte une étoile de David autour du cou, a affirmé que la communauté juive de l’UPenn est « incroyable » et qu’elle se sent en sécurité sur le campus, même si ce semestre a été « tendu ». Elle a ajouté qu’en général, son énergie est en grande partie consacrée non pas à la lutte contre le sectarisme, mais aux préoccupations quotidiennes de la vie étudiante.
« Je dois faire avec. Et je dois aller à la fac et suivre mes cours », a-t-elle noté.
« Quand je suis rentrée chez moi pour Thanksgiving, je crois que j’ai réalisé : wow, j’ai vraiment dû faire face à tant de choses et je ne m’en rends même pas compte parce que je me contente de vivre au jour le jour et de faire face à la situation. »
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