Shoah : Des objets personnels exposés à New York témoignent de vies anéanties
La nouvelle exposition permanente du Musée du patrimoine juif met en lumière des histoires personnelles et des objets ayant appartenu à des victimes du nazisme
New York Jewish Week – Une nouvelle exposition permanente au Musée du patrimoine juif – Un mémorial vivant de la Shoah, situé dans le Lower Manhattan, a ouvert le 1er juillet.
« The Holocaust : What Hate Can Do » (La Shoah : Ce que la haine peut faire) offre une présentation étendue de l’histoire de la Shoah à travers des histoires personnelles, des objets, des photos et des films, dont beaucoup sont exposés pour la première fois.
On y retrouve, entre autres, le journal intime d’une jeune enfant, une poupée préférée, un livre de recettes de famille, un bulletin de notes, un rouleau de la Torah passé en contrebande aux États-Unis ou même une cuillère en argent trouvée dans les décombres d’un camp de concentration.
L’exposition de 3660 m2 sur deux étages a pour vocation d’exposer un récit convaincant de la Shoah, de l’antisémitisme, de la résistance juive et du pouvoir de la persévérance. L’exposition met en lumière les histoires de 750 objets et artefacts différents, ainsi que des témoignages, des photos et des textes.
Selon Judy Baumel-Schwartz, commissaire de l’exposition et spécialiste de la Shoah à l’université Bar-Ilan, travailler sur cette exposition a été l’un des moments forts de sa carrière professionnelle.
« En tant qu’historienne spécialisée dans la Shoah, j’ai toujours enseigné à mes étudiants ce qui s’est passé et pourquoi cela s’est passé, par le biais d’histoires et de documents », a-t-elle déclaré dans un communiqué de presse. « Ici, pour la première fois, je peux réellement montrer aux gens comment cela s’est passé et à qui cela est arrivé, à travers des centaines d’objets et de photos. »
L’un des objets exposés est un bol en émail blanc ayant appartenu à la famille Burbea, qui a d’abord été envoyée dans le camp de concentration de Giado pour les Juifs libyens. Ils n’ont été autorisés à emporter que quelques objets lors de leur déportation au camp de Civitella del Tronto en Italie avant d’être transférés à Bergen-Belsen en Allemagne. Le bol ne les a jamais quittés ; lorsque leur plus jeune fils est né à Bergen-Belsen en 1944, la famille a utilisé le bol pour porter le garçon jusqu’au mohel pour sa circoncision.
Baumel-Schwartz a fait don du bol au musée pour qu’il y soit exposé – il lui a été donné il y a plus de 40 ans par la mère de la famille Burbea, qui avait survécu. « Elle m’a regardée et m’a dit : ‘Vous pourrez ainsi commencer à enseigner en notre nom à tous’. En ce qui me concerne, le bol a rempli sa mission. Nous n’en avons plus besoin. Mais je veux que vous le preniez. Je veux que vous le montriez à vos élèves et que vous racontiez notre histoire », s’est souvenue Baumel-Schwartz.
« Exposer ces d’objets a pour objectif d’animer et d’intensifier la narration de la Shoah par des récits à la première personne », a déclaré Michael Berenbaum, spécialiste de la Shoah et conseiller pour l’exposition. « Nous croyons en un musée qui raconte des histoires », a-t-il déclaré, notant que l’exposition s’inspire du nom complet et de la mission du musée : « Musée du patrimoine juif – Un mémorial vivant de la Shoah ».
Dans le cadre du Bureau des conférenciers survivants du musée, la survivante Toby Levy parcourt la ville pour raconter son histoire. Pour elle, cette exposition est un rappel à l’ordre. Bien qu’elle ne possède aucun des objets de l’exposition, Toby Levy a salué l’impact du partage de ses récits.
Née dans une famille juive orthodoxe en Pologne en 1933, Levy et sa famille se sont cachés en 1942, hébergés par un ami non-juif. Elle et les huit membres de sa famille sont restés cachés jusqu’en 1944, puis dans un camp de personnes déplacées jusqu’en 1949, date à laquelle ils ont pu immigrer aux États-Unis.
« Chaque fois que je raconte mon histoire, je la revis, » dit-elle. « Le musée a créé une parfaite exposition à une époque propice à l’enseignement ».
Afin d’offrir un récit complet de la Shoah, l’exposition dresse d’abord un tableau des communautés juives prospères d’Europe avant la montée du nazisme, « une communauté vivante, dynamique, qui n’avait aucune idée que son temps était compté, qu’elle était sur le point d’être anéantie », a déclaré Berenbaum.
Une section de l’exposition se concentre sur le mois d’avril 1943, mettant en lumière plusieurs arcs narratifs : ce mois-là, les Juifs du ghetto de Varsovie ont résisté à leurs geôliers ; Hitler et ses collaborateurs nazis étaient occupés à mettre en place leur « solution finale » en construisant des fours crématoires à Auschwitz ; les autorités américaines et britanniques ont assisté à la conférence des Bermudes prononçant des paroles creuses associées à des actions sans grand intérêt.
Afin de replacer la Shoah dans son contexte, l’exposition s’efforce de dépeindre le peuple juif et de montrer combien de cultures et de communautés ont été égarées à la suite de la Shoah, de l’Iran et la Libye à la Grèce et jusqu’à l’Europe de l’Est.
Une autre section met en lumière le lien entre l’antisémitisme nazi et les campagnes antisémites menées au cours de l’histoire, telles que les croisades, l’Inquisition et les pogroms russes. Dans d’autres sections, la propagande nazie et les caricatures antisémites sont exposées pour montrer la volonté obsessionnelle et insidieuse de l’antisémitisme nazi.
Le titre de l’exposition, « What Hate Can Do », invite le spectateur à réfléchir aux diverses manifestations de haine dans le monde d’aujourd’hui et aux effets dévastateurs qu’elles peuvent avoir si elles ne sont pas combattues.
« Ce que nous avons vu au cours des cinq ou six dernières années est quelque chose que je pensais, et que nous pensions tous, ne plus jamais revoir – qu’il s’agisse de la guerre en Ukraine, des camps de réfugiés, des meurtres de masse ou des génocides, nous pensions que cela ne se reproduirait plus, et pourtant nous en sommes de nouveau témoins », a déclaré Bruce Ratner, président du conseil d’administration du musée, lors d’une conférence de presse présentant l’exposition. « Malheureusement, la Shoah est un critère à l’aune duquel tous les événements d’aujourd’hui sont mesurés, et cela rend l’objectif du musée de raconter cette histoire d’autant plus important. »
« Le souvenir du passé était censé transformer l’avenir », a déclaré Berenbaum. « Tragiquement, nous vivons dans un monde dans lequel il y a urgence – à notre époque, de nos jours, au cours des mois où nous avons monté cette exposition. »
« La résistance, l’immigration, l’invasion, et la solidarité humaine dans le sillage du mal ont tous pris un nouveau sens », a-t-il ajouté.
L’exposition est accompagnée d’un audio guide narratif disponible sur l’application Bloomberg Connects, accessible gratuitement aux auditeurs à distance.
Des informations sur les billets et les heures de visite sont disponibles sur le site web du musée.