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Sophie Scholl, icône de la Résistance allemande récupérée par les anti-masques

Cet amalgame est "une abomination", a réagi samedi le Comité international d'Auschwitz, estimant que Sophie Scholl restait "une épine dans la chair du peuple allemand"

Membres du groupe de résistance secret « Rose blanche » contre Hitler, dont Hans Scholl, à gauche, et Sophie Scholl, à Munich, en 1942 (Crédit : Domaine public)
Membres du groupe de résistance secret « Rose blanche » contre Hitler, dont Hans Scholl, à gauche, et Sophie Scholl, à Munich, en 1942 (Crédit : Domaine public)

« J’ai l’impression d’être Sophie Scholl car je résiste depuis des mois » : l’étudiante allemande, née il y a 100 ans et exécutée par les nazis, est devenue une icône que la mouvance anti-masques tente de s’approprier.

Le 22 février 1943, cette jeune femme et son frère aîné, Hans Scholl, tous deux membres d’un petit groupe nommé la « Rose blanche », sont guillotinés à la prison bavaroise de Stadelheim, dans la foulée d’un procès expéditif.

Leur crime ? Avoir jeté dans l’enceinte de l’université de Munich des tracts critiquant la guerre menée par le IIIe Reich. Protestants membres dans leur adolescence d’organisations nazies, ils étaient écœurés par les conflits menés par Adolf Hitler, en particulier à l’Est.

Plus que les autres membres du petit groupe, Sophie Scholl, née il y a tout juste 100 ans, le 9 mai 1921, est devenue une des personnalités les plus admirées en Allemagne. Les photos la montrant souriante, coupe de cheveux à la garçonne, sont reproduites dans d’innombrables documents pédagogiques, films, expositions.

Des centaines d’écoles et de rues portent son nom dans tout le pays. En 2003, les Allemands l’avaient désignée en quatrième position d’un classement des « meilleurs » d’entre eux, juste derrière Konrad Adenauer, Martin Luther et Karl Marx.

Pas étonnant dans ce contexte que la classe politique se réfère volontiers à cette étudiante en biologie martyre du nazisme.

Annalena Baerbock (Crédit : capture d’écran YouTube)

La candidate écologiste Annalena Baerbock, l’une des favorites pour la succession d’Angela Merkel à la chancellerie à l’automne, l’a récemment désignée parmi ses « héroïnes ». Carola Rackete, ex-capitaine du navire de sauvetage de migrants Sea-Watch 3, a elle assuré que Sophie Scholl serait si elle vivait encore une « antifa », en lutte contre la xénophobie et l’extrémisme.

De l’autre côté du spectre politique, l’AfD n’avait pas hésité en 2017 à affirmer que la jeune femme « voterait » forcément pour ce parti d’extrême droite…

Cette tentative d’appropriation a trouvé un nouvel écho avec la pandémie et le mouvement anti-masques, très actif en Allemagne et peu rétif à l’utilisation de symboles du nazisme.

Des manifestants ont ainsi arboré des étoiles jaunes avec les mots « Non vacciné ». D’autres, vêtus d’uniformes de prisonniers de camps de concentration, ont brandi des pancartes « La vaccination rend libre », détournement de l’inscription « Le travail rend libre » à l’entrée d’Auschwitz.

Anne Frank. (Crédit : Flickr Commons)

Certains se sont comparés à Anne Frank, autre victime emblématique de la barbarie nazie.

« Les adeptes des théories conspirationnistes se fantasment dans un rôle de victime, visant à diaboliser et délégitimer le champ démocratique », explique à l’AFP Samuel Salzborn, référent de la ville de Berlin pour la lutte contre l’antisémitisme.

Mais c’est la référence à Sophie Scholl qui revient avec insistance, culminant avec la vidéo, devenue malheureusement virale, d’une manifestante affirmant à Hanovre en novembre depuis un podium être « comme Sophie Scholl » en résistant contre les restrictions.

Cette comparaison avait suscité un tollé jusqu’au sein du gouvernement d’Angela Merkel.

Son portrait a été également brandi dans des rassemblements anti-restrictions. Cet amalgame est « une abomination », a réagi samedi le Comité international d’Auschwitz, estimant que Sophie Scholl restait « une épine dans la chair du peuple allemand ».

Un manifestant porte une croix avec l’inscription « loi constitutionnelle allemande » lors d’une manifestation contre les mesures imposées par le gouvernement allemand pour limiter la propagation du coronavirus, le 18 novembre 2020, près de la porte de Brandebourg à Berlin. (Crédit : Odd ANDERSEN / AFP)

« C’est une mauvaise utilisation du nom de Sophie Scholl », a de son côté réagi samedi dans la presse allemande le neveu de la résistante, Jörg Hartnagel, « rejetant clairement ces tentatives d’assimiler les manifestations contre les règles d’hygiène à la résistance ».

Dans un pays où le terrorisme d’extrême droite est érigé en menace numéro un, avec un record de crimes et délits xénophobes et antisémites en 2020, ce type de récupération est perçu comme un symptôme alarmant par des chercheurs.

L’historien Jens-Christian Wagner, membre de la fondation de l’ancien camp de Buchenwald, ne cache pas son « inquiétude » devant la perte de « conscience historique » d’une partie des Allemands, que montre selon lui l’appropriation de Sophie Scholl.

« Il n’y a pratiquement plus de témoins contemporains » de l’époque nazie, souligne auprès de l’AFP M. Wagner. « Ils ne peuvent plus se défendre lorsqu’ils sont instrumentalisés ou lorsque l’extrême droite réécrit l’Histoire et le présent par une inversion de la culpabilité. Ca m’inquiète », confie-t-il.

The Oscar-nominated documentary "Liberators" falsely claimed a battalion of African-American soldiers had helped to free the Buchenwald concentration camp. (US Army, US Defense Visual Information Center, Image #HD-SN-99-02764, Wikimedia Commons)
Des prisonniers du camp de concentration de Buchenwald quelques jours après la libération. (Crédit : US Army, la défense de Visual Information Center des États-Unis, Image # HD-SN-99-02764, Wikimedia Commons)

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