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Analyse

Trois ans après Corbyn, qu’en est-il de l’antisémitisme au Labour ?

Le chef du parti, Keir Starmer, est déterminé à faire disparaître le sectarisme, mais le passage du précédent chef aurait empoisonné l'opinion publique sur les juifs

Keir Starmer, le chef du parti travailliste britannique, prononce un discours lors de la conférence annuelle du parti à Liverpool, en Angleterre, le 27 septembre 2022. (Crédit : Jon Super/AP)
Keir Starmer, le chef du parti travailliste britannique, prononce un discours lors de la conférence annuelle du parti à Liverpool, en Angleterre, le 27 septembre 2022. (Crédit : Jon Super/AP)

LONDRES – Il y a trois ans aujourd’hui, Jeremy Corbyn, le leader d’extrême-gauche du parti travailliste britannique, a subi une défaite cinglante lors des élections générales du pays.

Son mandat étant entaché de nombreuses allégations d’antisémitisme, la communauté juive avait envisagé la perspective d’un mandat de Jeremy Corbyn avec crainte et inquiétude.

Les perspectives politiques du parti travailliste ont aujourd’hui été transformées. Sous la houlette de Keir Starmer, un modéré qui a ramené le parti vers le centre, le parti affiche désormais une longueur d’avance de 20 points dans les sondages.

Les liens avec la communauté juive sont également en train d’être rétablis, même si certains craignent que le fantôme du corbynisme soit encore présent.

« Le parti travailliste sous la direction de Starmer est différent de celui de son prédécesseur », a déclaré Claudia Mendoza, codirectrice générale du Jewish Leadership Council. « Dès le premier jour, il a fait preuve de bonne foi et ses actions ont été à la hauteur de ses paroles. Il a été catégorique dans sa position contre l’antisémitisme parce qu’il a compris que pour que le parti soit à nouveau pris au sérieux, il fallait régler ce problème. »

Mais Mendoza a précisé que la tâche de Starmer n’était pas encore terminée : « Il y a encore du travail à faire, surtout en ce qui concerne le rétablissement de la relation avec la communauté. Tout le monde semble désormais reconnaître que l’antisionisme déborde souvent sur l’antisémitisme à gauche et qu’il y a encore du travail à faire pour y remédier. »

Des partisans applaudissent alors que Keir Starmer, le leader du parti travailliste britannique, fait son discours lors de la conférence annuelle du parti à Liverpool, en Angleterre, le 27 septembre 2022. (Crédit : Jon Super/AP)

Dans le même ordre d’idées, un autre des groupes communautaires juifs qui étaient à l’avant-garde de la campagne contre l’antisémitisme dans le parti, le Board of Deputies of British Jews, s’est félicité des améliorations apportées au parti travailliste sous la direction de Starmer, mais tient à rester prudent.

« Depuis son élection à la tête du parti, Sir Keir Starmer a fait de réels progrès pour résoudre le problème de l’antisémitisme au sein du parti travailliste », a déclaré la présidente du Board, Marie van der Zyl. « Je suis heureuse que le Board of Deputies ait été inclus dans le conseil consultatif du Labour et Sir Keir est certainement engagé à changer la culture du parti. Cependant, l’obsession de la gauche pour les Juifs et Israël reste un problème et les commentaires haineux en ligne continuent à abonder. Le temps nous dira si son travail aura suffi à extirper du parti ce racisme épouvantable ».

L’ovation spontanée que les délégués de la conférence annuelle du parti travailliste ont réservée à leur leader, en septembre dernier, alors qu’il décrivait ses efforts pour « attaquer l’antisémitisme à ses racines », symbolise peut-être mieux que tout autre moment le changement que Starmer a engendré au sein du parti.

« Le cancer de l’antisémitisme au sein du Labour est devenu le symbole de son incapacité à gouverner. Est-ce que ça a été le moment grâce auquel le parti gagnera les prochaines élections ? » s’est interrogé le rédacteur politique de l’hebdomadaire britannique le Jewish Chronicle dans son compte-rendu de la conférence.

Cette question illustre parfaitement l’inquiétude suscitée par l’antisémitisme au sein de ses rangs, inquiétude qui s’est étendue bien au-delà de la communauté juive de Grande-Bretagne et qui est considérée comme ayant contribué à la pire défaite du Labour depuis 1935.

L’ovation qui a salué les paroles de Starmer en septembre a été considérée par les membres les plus modérés du parti comme un véritable tournant. Cette ovation contrastait fortement avec l’atmosphère de la conférence de 2019, où les délégués avaient scandé « Libérez la Palestine », brandi des drapeaux palestiniens et adopté à la quasi-unanimité un programme politique fortement anti-Israël.

Des délégués à la conférence du Parti travailliste à Liverpool brandissent des drapeaux palestiniens pendant un débat, le 25 septembre 2018, sous le regard du leader Jeremy Corbyn depuis le podium. (Crédit : Oli Scarff/AFP)

Pour Starmer, la question est aussi personnelle que politique : sa femme est d’origine juive et le couple a de la famille éloignée qui vit à Tel Aviv.

Faire claquer – et retirer – le fouet

Le leader travailliste, qui faisait partie du cabinet fantôme de Corbyn, s’est attelé à la tâche de désintoxiquer le parti le jour où il a pris la tête du parti en avril 2020. Son premier acte avait été de présenter des excuses aux Juifs de Grande-Bretagne. Moins de trois jours plus tard, il rencontrait des organisations communautaires juives. Deux mois plus tard, il a renvoyé l’éminente gauchiste Rebecca Long-Bailey du Shadow Cabinet après la publication par cette dernière d’un article contenant une théorie du complot antisémite sur les réseaux sociaux.

Les premiers mois de son mandat ont également été marqués par une phase de tâtonnement, le parti attendant les résultats d’une enquête sur l’antisémitisme menée par l’organisme britannique de surveillance des inégalités, alors que Corbyn était encore en fonction. Le verdict de la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme (EHRC), publié en novembre 2020, a été brutal, comme on pouvait s’y attendre.

Ce qui était moins prévisible, cependant, a été la réaction de Starmer lorsque Corbyn a répondu aux conclusions de l’EHRC en affirmant que l’ampleur du problème avait été « exagérée de manière spectaculaire à des fins politiques. » Le fouet de l’ancien leader travailliste lui a été ôté, le mettant à l’écart du parti parlementaire et l’obligeant à siéger à la Chambre des communes à titre d’indépendant. Cette décision de Starmer était « sans précédent mais totalement méritée », affirme une source de la communauté juive. « En moins de 12 mois, Corbyn est passé de candidat du Labour au poste de Premier ministre à ne plus être député travailliste ».

Starmer a confirmé récemment qu’il ne « voyait pas les circonstances » qui permettraient à Corbyn, qui a refusé de s’excuser et de retirer ses remarques, de se présenter comme candidat travailliste.

Le chef du Parti travailliste britannique Keir Starmer fait un geste en compagnie de sa femme Victoria après avoir prononcé son discours principal lors de la conférence annuelle du parti à Brighton, en Angleterre, le 29 septembre 2021 (Crédit : Alastair Grant/AP)

La détermination de Starmer est appréciée par Dave Rich, directeur de la politique du Community Security Trust (CST), un organisme de surveillance de l’antisémitisme et qui assure la protection des lieux de culte juifs.

« Il y a encore beaucoup de méfiance envers le Labour au sein de la communauté juive, et le parti doit encore convaincre la communauté que la période sombre de l’époque de Corbyn est bel et bien révolue. Le chasser pour de bon du parti y contribuerait », a déclaré Rich.

De manière plus prosaïque, le parti travailliste a rapidement mis en œuvre une série de mesures requises par la Commission européenne des droits de l’homme pour réformer ses processus disciplinaires et assurer une surveillance indépendante réclamée depuis longtemps par les différents groupes de la communauté juive.

Un énorme arriéré de cas d’antisémitisme, qui s’étaient accumulés pendant la période où Corbyn était au pouvoir, a été traité. Dans le cadre de cette opération de nettoyage, des têtes très en vue sont tombées. Le parti a également fourni une formation en matière d’antisémitisme, organisée par le Mouvement travailliste juif (JLM), aux parlementaires, aux conseillers et aux responsables locaux, ainsi qu’aux membres du mouvement de base.

Mais comme l’explique Luke Akehurst, membre du National Executive Committee du parti travailliste et directeur d’une organisation de campagne pro-israélienne, les réformes de Starmer sont allées au-delà de « l’essentiel de ce qui était requis par l’EHRC ». Le parti a banni de ses rangs sept groupes de la gauche dure, dont cinq affirmaient que le problème de l’antisémitisme avait été exagéré ou suggéraient qu’il avait été fabriqué dans le cadre d’une campagne de diffamation organisée par les Israéliens.

Alors que plusieurs centaines de membres du parti ont été expulsés – soit directement à cause d’accusations d’antisémitisme, soit parce qu’ils appartenaient à l’un des groupes interdits – il y a également eu un énorme changement dans les effectifs du Labour. Alors que le parti s’est déplacé vers le centre sous la direction de Starmer et a durci sa position sur l’antisémitisme, des dizaines de milliers de membres qui avaient rejoint le parti pour soutenir Corbyn l’ont quitté. Parallèlement à cela, le parti a accueilli de nouvelles recrues, y compris un grand nombre de ceux qui avaient quitté le parti lorsque Corbyn était à la tête.

Alors leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn quitte son domicile à Islington, au nord de Londres, le 16 décembre 2019. (Crédit : Isabel Infantes/PA via AP)

Selon Akehurst, plus de 40 % des membres du Labour d’avant 2020 auraient quitté le parti. « Il s’agit probablement en majorité de ces membres qui avaient les opinions les plus extrêmes, et qui sont les moins susceptibles de se rallier à la nouvelle orientation du parti », a-t-il écrit dans une analyse récente. « Cela a à son tour modifié le contrôle politique et l’atmosphère de la plupart des [partis locaux], les rendant plus accueillants pour les membres juifs. »

Cependant, comme le souligne Rich, « les processus et les politiques ne suffisent pas : le changement de culture politique est bien plus important. Sous Corbyn, faire partie de la gauche dure antisémite était une voie d’avancement politique au sein du parti. Sous Starmer, c’est un moyen rapide d’être complètement exclu ».

Il ajoute que « l’histoire de la montée et de la chute de l’antisémitisme rampant au sein du parti travailliste illustre parfaitement l’importance du leadership pour donner le ton d’une organisation ».

« Les membres du parti ont vite compris qu’il n’y avait aucun avantage politique, et même un risque énorme, à exprimer ouvertement son antisémitisme au sein du parti », dit Rich. « Cela ne signifie pas qu’il n’y a plus d’antisémites dans les rangs du Labour – beaucoup sont encore là, malgré les nombreuses expulsions et autres départs spontanés. Mais ils savent désormais de quel côté souffle le vent ». Selon lui, c’est « plus important que tous les changements formels qui se sont produits ».

Dave Rich, responsable des politiques au Community Security Trust britannique. (Crédit : Autorisation/CST)

Un rôle obscur dans le cabinet Corbyn

D’autres personnalités de la communauté juive ont toutefois du mal à pardonner à Starmer d’avoir accepté de servir dans le cabinet fantôme de Corbyn.

Selon Stephen Pollard, éditeur du Jewish Chronicle pendant toute la durée du leadership de Corbyn, Starmer serait « sincère, engagé et a relativement bien réussi jusqu’à présent ».

« Je pense que, de manière réaliste, la communauté juive n’aurait pas pu demander beaucoup plus de lui en termes de preuve de son engagement à traiter l’antisémitisme », dit-il.

Pollard considère néanmoins la décision de Starmer d’accepter le poste de secrétaire du Brexit de l’ombre sous Corbyn comme « une tache ».

« Le problème, à mon avis, réside dans ce qu’il ne peut pas changer [aujourd’hui], à savoir ses actions avant 2019 – le fait que, contrairement à [certains] autres, il a accepté non pas un rôle mineur au frontbench, mais un rôle absolument central au frontbench », dit-il, ajoutant : « Il me paraît vraiment difficile de porter au pouvoir un homme qui a fait passer sa carrière avant tout le reste lorsque Corbyn était leader. »

Quoi qu’il en soit, et grâce aux changements opérés par Starmer, les membres et les partisans juifs commencent à retourner au Labour et la communauté au sens large semble porter un intérêt renouvelé au parti.

Louise Ellman a démissionné du parti travailliste en raison de l’antisémitisme systémique au sein du parti. (Crédit : Autorisation)

L’année dernière, Louise Ellman, une ancienne députée travailliste juive et ancienne présidente de Labour Friends of Israel (LFI), qui avait démissionné du parti après avoir été dégoûtée par le leadership de Corbyn, a annoncé qu’elle avait réintégré le parti. Sa décision était importante, du point de vue politique, pour Starmer : il avait déclaré à plusieurs reprises qu’un test clé pour évaluer ses efforts de lutte contre la haine des Juifs au sein du parti était de voir si Ellman était disposée à revenir.

Starmer a aussi profité des quelques nominations dont il dispose à la Chambre des Lords pour nommer Ruth Smeeth, une autre ancienne députée travailliste victime de nombreuses insultes antisémites, à la chambre haute du Parlement.

Le parti, qui a entamé le processus de sélection de ses candidats pour les prochaines élections générales, a déjà choisi deux futurs députés juifs pour des circonscriptions clés du nord de Londres. Hendon et Finchley et Golders Green sont non seulement en tête de liste des objectifs du parti, mais ont un vote juif important. Les travaillistes espèrent voir dans la victoire du parti aux élections locales du mois de mai dans l’arrondissement londonien de Barnet, qui compte la plus grande population juive du Royaume-Uni, un signe avant-coureur de la réussite future du parti travailliste.

Pas de place pour la suffisance

Sarah Sackman, qui a été élue le mois dernier comme candidate du parti travailliste pour le siège de Finchley, autrefois occupé par Margaret Thatcher, estime que le résultat de Barnet prouve que « la communauté juive, comme la population en général, est prête à prêter l’oreille » au parti, ce qui n’était pas le cas il y a trois ans.

« L’humeur a changé et l’image du parti travailliste a subi un changement sismique ces deux dernières années sous la direction de Keir Starmer », a déclaré Sackman, avocate spécialisée dans l’environnement et vice-présidente de JLM.

Tout en soulignant que les électeurs juifs ne sont en aucun cas monolithiques, Sackman a affirmé avoir constaté, dès la phase initiale de sa campagne, « une ouverture et un engagement qui, à mon avis, n’existaient pas il y a deux ans, et ce pour de bonnes raisons ».

La députée travailliste de Finchley, Sarah Sackman. (Crédit : Autorisation)

Elle dit être régulièrement contactée par des électeurs juifs qui souhaitent partager leur « inquiétude et leur colère » au sujet du Brexit, de l’économie, du logement et du NHS, sans même que le sujet de l’antisémitisme ne soit abordé.

« Les membres de la communauté sont prêts à avoir une conversation différente sur la politique, une conversation qui n’implique pas leur identité ou une menace perçue pour leur identité », confie Sackman.

Elle applaudit la manière dont Starmer a fait de la lutte contre l’antisémitisme au sein du parti une « priorité politique » mais affirme que « la suffisance ne saurait être de mise ». Selon Sackman, le parti travailliste avait besoin d’un « changement de culture et de conversation sur le peuple juif, l’antisémitisme et la façon dont nous discutons du Moyen-Orient ». Elle a ajouté : « Ce ne sont pas des choses que l’on peut changer du jour au lendemain et la communauté et les institutions juives… ont raison de demander et de continuer à demander des comptes au parti travailliste. »

Starmer a aussi entrepris de réorienter le parti travailliste afin de rompre avec l’hostilité virulente à l’égard d’Israël qui avait caractérisé les années Corbyn. Depuis longtemps, les modérés du parti affirment que l’attitude du Labour envers l’État juif et le conflit avec les Palestiniens constitue un test révélateur de la crédibilité de sa politique étrangère dans son ensemble et de son aptitude à tenir les rênes du pouvoir.

Pour Michael Rubin, directeur du LFI, le leader travailliste a entrepris de « restaurer la longue et fière tradition de soutien à l’État juif du parti travailliste ».

« Il y a encore du travail à faire pour réparer complètement les dégâts causés par Jeremy Corbyn, mais il est clair que Keir s’est engagé à construire une relation bilatérale forte entre le Royaume-Uni et Israël, à combattre le poison de l’antisémitisme et à s’opposer résolument au mouvement BDS », a-t-il confié.

Ce changement de ton a été affiché dans le discours chaleureux prononcé par Starmer au déjeuner annuel du LFI l’année dernière, au cours duquel il avait dénoncé l’antisémitisme antisioniste comme étant « l’antithèse de la tradition travailliste » et avait critiqué la « focalisation obsessionnelle sur le seul État juif du monde ». S’engageant à « imiter et améliorer » le bilan du dernier gouvernement travailliste – qui avait adopté une position nettement pro-israélienne sous la direction des anciens Premiers ministres Tony Blair et Gordon Brown – Starmer a déclaré que son parti serait « lucide sur la nature et les objectifs de groupes comme le Hamas et le Hezbollah », qu’il s’opposerait au mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) et qu’il œuvrerait au renforcement des liens bilatéraux entre le Royaume-Uni et l’État juif.

L’approche de Starmer a été reprise par sa chancelière de l’ombre, Rachel Reeves, lorsqu’elle s’est adressée au LFI le mois dernier. Reeves, une vice-présidente du LFI qui a refusé de servir sur le frontbench sous Corbyn, a également adopté une ligne dure envers le régime iranien, en disant qu’il « doit être tenu responsable de ses actions agressives à l’intérieur du pays comme à l’étranger. » Les propos de Reeves reflètent l’attitude plus dure envers la République islamique prônée par le secrétaire d’État aux affaires étrangères fantôme, David Lammy. L’accusation portée par Lammy à l’encontre de Téhéran marque une autre rupture nette avec la direction de Corbyn, qui avait été critiquée pour sa position jugée faible à l’égard du régime.

La chancelière de l’Échiquier Rachel Reeves, au centre, et la vice-présidente du Parti travailliste Angela Rayner, à droite, applaudissent alors que Keir Starmer, le leader du Parti travailliste britannique, prononce son discours lors de la conférence annuelle du parti à Liverpool, en Angleterre, le 27 septembre 2022. (Crédit : Jon Super/AP)

Certains affirment néanmoins que la position des travaillistes sur Israël n’est pas encore au point.

« Un grand nombre de membres du parti est encore, après les années Corbyn, obsédé et hostile à Israël, le montrant du doigt et le soumettant à des normes qu’ils n’appliqueraient jamais à d’autres pays, ce qui montre qu’il y a encore beaucoup de travail à faire », a déclaré au Jewish Chronicle Ian Austin, un ancien député travailliste qui est aujourd’hui membre indépendant de la Chambre des Lords et envoyé commercial du Royaume-Uni en Israël.

Une source de la communauté juive est d’accord avec lui : « Quand il s’agit d’Israël, l’hostilité et les doubles standards injustes sont encore très présents, mais il y a tout de même beaucoup moins de gêne à exprimer son soutien à Israël. »

Pas exactement un « fait accompli »

Le Dr James Vaughan, expert en relations entre le Royaume-Uni et Israël au département de politique internationale de l’Université d’Aberystwyth, a comparé l’approche de Starmer aux efforts de l’ancien leader travailliste Neil Kinnock pour reconstruire les relations avec la communauté juive britannique lorsqu’il a accédé au pouvoir après une période de troubles au sein du parti de gauche au début des années 1980. La communauté, dit Vaughan, « ne se souvient que trop bien » de la ligne dure et des résolutions anti-israéliennes adoptées lors de la conférence du parti travailliste en 1982, au plus fort de la guerre du Liban.

« Aujourd’hui, comme à l’époque, il y a ceux dont la confiance dans le parti travailliste a été si complètement brisée qu’ils refusent d’envisager la possibilité d’une réforme significative », a affirmé Vaughan. « Il y a eu un changement politique et culturel important à la tête du parti, mais il reste beaucoup de travail à faire. »

D’après Vaughan, les « attitudes de l’ensemble des membres continuent à poser des problèmes ». Il a cité l’élection de Naomi Wimborne-Idrissi, cofondatrice de l’organisation pro-Corbyn Jewish Voice for Labour, au NEC plus tôt cette année. Wimborne-Idrissi est actuellement suspendue du parti suite à des allégations selon lesquelles elle aurait pris la parole lors d’une réunion organisée par un groupe interdit. (Wimborne-Idrissi a accusé les travaillistes d’essayer de faire taire les membres juifs qui critiquent Israël).

Selon Vaughan l’utilisation du passé par Starmer pour décrire pourquoi les travaillistes ont dû « couper l’antisémitisme à ses racines » aura « frappé certains comme une déclaration plutôt prématurée de ‘mission accomplie' ». Le changement de mentalité des dirigeants, dit-il, est « apprécié, mais les réformes du haut vers le bas, par définition, ne traitent pas des racines du problème. Le travail de sensibilisation continu nécessaire pour apporter des changements significatifs à tous les niveaux du parti s’avérera, je le soupçonne, un défi plus difficile et à plus long terme. »


Naomi Wimborne-Idrissi prend la parole lors de la conférence du Labour 2017. (Crédit : YouTube)

L’ombre étendue du corbynisme peut être en train de disparaître au sein du parti travailliste, mais la politique d’extrême gauche de l’ancien leader pourrait avoir un héritage durable, selon certains observateurs.

L’antisémitisme politique anti-sioniste, qui était une condition préalable à l’élection de Corbyn à la tête du parti, est toujours présent dans le « vaste milieu politique dans lequel se trouve le parti travailliste », estime Dr David Hirsh, maître de conférences en sociologie à Goldsmiths, Université de Londres, et fondateur du tout nouveau London Center for the Study of Contemporary Antisemitism.

« Le sionisme [et] Israël », prévient-il, sont largement perçus comme des symboles et des éléments centraux de la « structure mondiale du pouvoir ».

« Les idées selon lesquelles un projet juif est au cœur de toute cette structure de domination… sont répandues et elles sont antisémites », ajoute Hirsh.

« La majorité des membres du Labour, qui n’ont jamais vraiment cru à la politique antisémite de Corbyn mais qui l’ont quand même suivie, ne pensent pas qu’il n’y ait jamais eu de réel problème d’antisémitisme corbynite », ajoute-t-il. « Par contre, ils sont convaincus que si vous contrariez les Juifs, vous ne gagnerez jamais une élection générale – ils savent donc maintenant employer les mots justes en ce qui concerne l’antisémitisme, même s’ils ne l’ont jamais vraiment compris. »

Hirsh met en garde contre l’existence d’une partie de la société qui, à la suite de la défaite des travaillistes en 2019, croit que « les sionistes se sont plantés entre ‘nous’ et ‘le progrès’, et qu’ils sont prêts à s’abaisser à n’importe quel acte malhonnête pour les en empêcher ».

Pour eux, les allégations d’antisémitisme au sein du parti n’étaient qu’une arnaque et une diffamation visant à empêcher l’élection d’un gouvernement Corbyn. C’est « une nouvelle forme du vieux ‘mythe du coup de poignard dans le dos’ selon lequel la gauche a été vaincue par une cinquième colonne sioniste qui prétendait faire partie de la gauche, mais qui était en fait tory ou trumpiste. »

Le problème de l’antisémitisme en Grande-Bretagne est pire qu’il ne l’était avant l’ascension de Corbyn

« Pour cette seule raison, le problème de l’antisémitisme en Grande-Bretagne est pire qu’il ne l’était avant la montée de Corbyn », affirme Hirsh.

Hirsh prévient également que le problème du racisme anti-juif est loin d’être confiné à la gauche. L’attrait continu du populisme et la menace de sérieuses difficultés économiques sont « des conditions favorables à la croissance de l’antisémitisme et de politiques anti-démocratiques ».

Le parti conservateur au pouvoir a ses propres « problèmes avec le racisme, la xénophobie… et les fantasmes de conspiration populiste » qui sont autant de motifs séduisants pour l’antisémitisme.

« Le populisme de droite a tendance à s’allier au populisme de gauche contre le type de politique rationnelle, démocratique et libérale qui sape l’antisémitisme », explique Hirsh.

Trois ans après le coup humiliant au corbynisme, la gauche dure et ses alliés antisémites ont été chassés du parti travailliste – un parti qui, selon les sondages, est en passe de former le prochain gouvernement britannique.

Mais les démons sur lesquels elle a prospéré – et auxquels elle a, à son tour, contribué – sont loin d’avoir disparu de la scène politique du Royaume-Uni..

Robert Philpot est écrivain, rédacteur de discours politiques et journaliste. Il est chroniqueur pour le Jewish Chronicle, ancien rédacteur en chef du magazine Progress et auteur du livre Margaret Thatcher : The Honorary Jew.

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