Trump en Israël : Des attentes, des attentes, et encore des attentes
La visite de Trump est une opportunité en or, la visite de Trump est le pire des pièges ; personne ne sait réellement à quoi s'attendre

Comme des groupies qui s’expriment de façon incompréhensible à force d’enthousiasme, les tabloïds israéliens sont ravis de la visite du président américain Donald Trump en Israël ce lundi.
Ils espèrent peut-être que Trump s’arrêtera pour prendre l’un de leurs numéros, ou bien par solidarité avec la langue anglaise, les éditeurs d’Israel Hayom et Yedioth Aharonoth ont choisi de faire leur une en anglais, sous forme d’un court message à l’attention du chef d’État américain.
Dire que les deux couvertures sont amicales reviendrait à dire que Trump et Rivlin sont tous deux présidents. Bien que techniquement vrai, ils ne sont en rien comparables.
« Je sais que vous êtes sincères quand vous dites être engagés pour la sécurité et l’avenir d’Israël. Vous pensez que les États-Unis et Israël sont des alliés qui partagent des valeurs, et que les États-Unis ne doivent pas abandonner ses anciens amis », écrit Boaz Bismuth, fan inconditionnel de Trump dans Israel Hayom. Il appelle également Trump à ne pas faire de « diplomatie futile » avec les Palestiniens.
Dans Yedioth, le message d’Eitan Haber semble destiné à nuancer les attentes de Trump qui arrive dans le bon vieux pays d’Israël après être passé par la fastueuse Arabie saoudite.
« Non, nous n’avons pas de châteaux en or dans lesquels vous accueillir, comme ceux que vous avez pu voir en Arabie saoudite. Nous n’avons de parade de chameaux pour vous rendre hommage. Nous n’avons rien à offrir, si ce n’est ce que nous avons ici, les valeurs des droits de l’homme, les lois fondamentales de la démocratie, et un point d’observation occidental sur le Moyen Orient », écrit-il.
La une de Haaretz n’est pas en anglais, à moins d’inclure l’encart publicitaire Peace Now (La Paix Maintenant). « Trump, il n’y a qu’un deal », avec le mot deal en anglais. Les faux prophètes évoquent le voyage de Trump en se référant à son discours en Arabie saoudite, contre « l’extrémisme islamiste » et présagent de ce que cela signifie pour la partie de son voyage qu’il passe en Israël.

Le chroniqueur Chemi Shalev suppose que « les israéliens doivent se préparer à ce qu’une fois atterri à l’aéroport Ben Gurion, Trump libérera toute l’énergie accumulée et se lâchera ensuite sur Benjamin Netanyahu et ses ministres. »
Dans le même ordre d’idées, Barak Ravid écrit que Netanyahu devrait le flatter comme il n’a jamais flatté personne, et cela pourrait ne pas suffire.
« L’amour que Trump prodiguera à Netanyahu durant sa visite pourrait être un piège. Netanyahu peut en voir des indices dans le discours de Trump en Arabie saoudite », écrit-il. Le président américain considère que la paix entre Israéliens et Palestiniens est un élément central de sa stratégie Moyen-orientale, et pense que s’il réussit à négocier « l’accord ultime », cela contribuera à éradiquer l’État islamique. Il semble assez clair que ce n’est pas l’optique de Netanyahu. »
Dans Yedioth Aharonot, le chroniqueur Nadav Eyal se base également sur ce discours, et assure que l’escale en Israël n’est pas aussi importante que ce que l’on veut bien penser.

« C’est difficile pour nous, en tant qu’Israéliens, de faire la paix avec le fait que la visite du président n’est qu’une annexe de sa visite du monde Arabe. Mais c’est la réalité : ils ont l’argent, et les gros problèmes, comme l’a vu Trump en personne, l’extrémisme suivi de violences. »
« Quand Air Force One atterrira à l’aéroport Ben Gurion ce matin, la vraie conversation israélo-américaine aura lieu. Trump étendra-t-il son capital politique sur le Moyen-Orient, où est-ce simplement un discours creux ? », s’interroge-t-il.
Israel Hayom, qui assène depuis quelques jours que ce voyage sera « historique », n’a pourtant pas mentionné ce mot sur sa couverture, indiquant qu’il s’agissait du « voyage diplomatique le plus important de l’année ».
Le fait d’avoir modéré les attentes coïncide avec le peu de choses que Trump prévoit d’amener en Israël, durant son voyage, et ils ne parlent pas d’Ivanka.

« La scène politique israélienne retient son souffle. La question est de savoir si Trump arrivera avec des informations sur des nouvelles négociations avec des conditions qui ne conviendront pas à Israël, et qui pourraient créer une atmosphère constructive », peut-on lire dans le journal, en ajoutant qu’ils supposent que Netanyahu restera de marbre et n’argumentera pas sur ce que Trump prévoira pour lui.
L’article d’opinion d’Haaretz exhorte inlassablement le gouvernement israélien à saisir l’opportunité que représente l’arrivée de Trump pour trouver un moyen de revenir à la table des négociations.
« Ici, il peut faire ce qu’il fait de mieux, agir comme un homme d’affaires qui négocie. Depuis son élection, il a toujours été déterminé à parvenir à l’accord ultime, au Moyen Orient », peut-on lire sur Haaretz. « Si le gouvernement israélien cherche autant la paix qu’elle le prétend, il doit exploiter la détermination de paix avec de prendre, avec bravoure, le chemin d’une solution diplomatique. »