Un 2e corps retrouvé dans la tombe d’un enfant yéménite présumé « enlevé »
La famille d’Uziel Houri a demandé au tribunal d'autoriser la poursuite des fouilles, interrompues par la découverte. Neuf autres corps pourraient être exhumés
Les autorités chargées d’exhumer la dépouille d’un bébé décédé en 1952 pour confirmer, à la demande de la famille, qu’il y était vraiment enterré, ont interrompu les fouilles mardi après la découverte d’un deuxième corps sous la même pierre tombale.
L’exhumation de lundi est la toute première demandée à des fins de tests ADN dans l’affaire dite des « enfants yéménites ». Des immigrants arrivés du Yémen et d’autres pays répètent depuis des dizaines d’années que leurs enfants ou frères et sœurs leur ont été enlevés alors qu’ils étaient bébés, dans les années 1950.
L’affaire des enfants yéménites implique plus d’un millier de familles – principalement originaires du Yémen, mais aussi des Balkans, d’Afrique du Nord et d’autres pays du Moyen-Orient – persuadées que leurs enfants ne sont pas morts, comme on le leur a dit, mais ont été enlevés dans des hôpitaux israéliens et mis en adoption, parfois à l’étranger, dans les toutes premières années d’existence de l’État d’Israël.
L’enfant dont la tombe a été ouverte est Uziel Houri. Il est officiellement inhumé au cimetière de Segula dans la ville centrale de Petah Tikvah. Cinq familles liées à Houri ont demandé et obtenu une ordonnance du tribunal autorisant son exhumation. Selon les registres de l’État, l’enfant est né en 1952 et décédé des suites de maladie, un an plus tard.
La semaine dernière, le ministère de la Santé a annoncé que l’exhumation permettrait de recueillir un échantillon d’ADN pour établir la filiation. Le ministère a déclaré agir en vertu d’une loi adoptée il y a quatre ans autorisant l’ouverture d’une tombe pour effectuer des tests génétiques et déterminer l’existence de liens familiaux.
En vertu d’un accord entre la famille Houri et les autorités, l’échantillonnage de l’ADN sera effectué à l’Institut médico-légal public Abu Kabir, en presence d’un expert agissant pour le compte des familles.
La famille Houri a immigré en Israël en 1948. Uziel et un frère sont nés quatre ans plus tard. Après qu’Uziel est tombé malade, il a été conduit à l’hôpital par les services sociaux. Peu de temps après, la famille a appris sa mort. Une commission d’enquête de l’État sur l’affaire dite des enfants yéménites a confirmé son décès et son inhumation dans la tombe qui porte son nom.
Suite à la découverte d’un second corps, la famille de Houri va devoir solliciter de nouveau le tribunal pour obtenir l’autorisation de l’exhumer également.
Rachel Dotan, l’avocate de la famille, regrette ce contre-temps, qu’elle impute à l’équipe en charge de l’exhumation.
« Nous avons atteint la dalle qui recouvre le défunt, mais parce que l’équipe a creusé trop loin à droite, la partie de la tombe voisine a également été découverte », a-t-elle expliqué.
« L’équipe a indiqué qu’il y avait deux tombes sous la même pierre tombale, et qu’en l’absence d’autorisation pour les ouvrir toutes deux, elle devait arrêter les fouilles. »
Dotan a ajouté qu’une photo de la tombe exhumée serait présentée au tribunal.
Par ailleurs, le site d’information Ynet a indiqué mardi que les responsables se préparaient à exhumer neuf autres corps une fois l’interruption levée.
Les tombes, situées au cimetière de Segula et dans un cimetière de Tel Aviv, seront ouvertes en vertu d’ordonnances judiciaires distinctes. Les opérations sont placées sous le contrôle du ministère de la Santé et de l’Institut de médecine légale.
Ynet croit savoir que les tombes devront probablement être ouvertes simultanément car certaines sont très proches les unes des autres.
Dans le cadre de l’affaire des enfants yéménites, les autorités ont expliqué que les enfants étaient morts alors qu’ils faisaient l’objet de soins médicaux, mais de nombreuses familles contestent cette version, persuadés que leurs enfants ont été enlevés et confiés à des couples sans enfants d’origine européenne. Bien que les précédentes enquêtes aient écarté la thèse des enlèvements, les soupçons ne se sont pas dissipés pour autant, alimentant un clivage persistant entre Juifs d’origine européenne et d’origine moyen-orientale.
Trois commissions d’enquête très médiatisées ont écarté la piste du complot et constaté que la plupart des enfants étaient morts de maladies dans les camps d’immigration. L’enquête la plus récente, menée en 2001, a révélé qu’il était possible que certains enfants aient été confiés à l’adoption par des travailleurs sociaux agissant de leur seule initiative, mais certainement pas dans le cadre d’un programme officiel. Invoquant la protection de la vie privée, la commission d’enquête a ordonné que les témoignages recueillis soient scellés pendant 70 ans.
En février 2021, le gouvernement a autorisé l’indemnisation des familles, dans le cadre de l’affaire des enfants yéménites, à hauteur de 162 millions de shekels. La proposition de loi était accompagnée d’une déclaration assurant que « le gouvernement d’Israël regrette les événements qui se sont produits dans les premiers jours de l’État et reconnaît la souffrance des familles dont les enfants ont été au cœur de cette question douloureuse ».
Des familles continuent d’exiger que le gouvernement révèle des documents confidentiels relatifs à l’affaire, qualifiant l’indemnisation de « prix du silence ».