Israël en guerre - Jour 348

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Opinion

Un accord sur les otages permettant d’éviter une guerre régionale devrait être une évidence pour Netanyahu. Mais…

Il pourrait saisir l'occasion - mais il insiste sur la "victoire totale" contre le Hamas et deux de ses partenaires de coalition n'accepteront jamais autre chose. Et il y a aussi le facteur Sinwar

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rend visite aux soldats dans la bande de Gaza, le 25 décembre 2023. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu rend visite aux soldats dans la bande de Gaza, le 25 décembre 2023. (Crédit : Avi Ohayon/GPO)

Le 18 octobre 2011, Israël avait commencé à libérer 1 027 prisonniers palestiniens incarcérés pour atteinte à la sécurité nationale en échange de la remise en liberté de Gilad Shalit, un soldat de Tsahal qui avait été kidnappé sur le sol israélien alors qu’il se trouvait sur sa base militaire, cinq ans auparavant, et qui était depuis maintenu en captivité par le Hamas à Gaza. Le Premier ministre qui avait approuvé cet accord ô combien déséquilibré avait été, bien sûr, Benjamin Netanyahu.

A Doha, vendredi, les médiateurs américains, égyptiens et qataris ont présenté « une proposition de rapprochement » dans le cadre de l’accord actuellement en discussion, un accord qui prévoit un cessez-le-feu permanent à Gaza et la libération des 111 otages israéliens qui se trouvent entre les mains du Hamas depuis le pogrom commis par le groupe terroriste dans le sud d’Israël, le 7 octobre – il permettrait également à quatre autre captifs qui avaient été enlevés bien avant cette funeste date d’être relâchés. Les pays intermédiaires dans ces pourparlers ont établi très clairement que l’accord pouvait être finalisé et mis en vigueur en l’espace de quelques jours – et qu’il devait l’être assurément.

A première vue, il paraît évident que Netanyahu devrait accepter ce qui ressemble à une demande finale et définitive – « à prendre ou à laisser » – de la part des médiateurs.

De ce que nous ne cessons d’apprendre sur les principaux points de divergence apparents entre Israël et les pays intermédiaires, il est clair que l’insistance de Netanyahu portant sur la nécessité d’adopter une sorte de mécanisme visant à empêcher le retour des forces armées du Hamas dans le nord de la bande de Gaza pose problème. En revanche, nous croyons savoir que des solutions potentielles sont évoquées en ce qui concerne son appel en faveur d’une présence israélienne permanente le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte – cette frontière qui permettait au Hamas d’importer des armes et les matériaux nécessaires à la construction et à l’entretien de sa machine de guerre. Il n’y a pas grand chose à dire sur la demande soumise par le Premier ministre qui réclame que les Américains garantissent, dans son principe, l’idée d’une reprise possible de la campagne militaire menée par l’État juif contre le Hamas jusqu’à ce que le groupe terroriste soit anéanti.

Néanmoins, en acceptant les nouvelles dispositions de l’accord, Netanyahu espère obtenir la libération, au cours des six premières semaines, d’une trentaine d’otages vivants appartenant à la catégorie dite « humanitaire » (elle comprend les femmes, les personnes âgées et les malades). Si l’accord parvient à se maintenir – il comprend une deuxième phase et une troisième phase – tous les autres otages, vivants ou défunts, feraient leur retour sur le sol israélien.

C’est une initiative à la fois vitale et majeure qui serait ainsi entreprise en faveur du rétablissement du contrat conclu entre, d’un côté, les leaders politiques et militaires d’Israël et, de l’autre, les citoyens – un contrat qui avait été déchiré lorsque le Hamas avait été en capacité de s’infiltrer à travers la frontière, de massacrer près de 1 200 personnes, des civils en majorité, et d’enlever 251 personnes de plus.

« SOS » écrit avec des bouées de sauvetage pour marquer l’anniversaire de Manny Godard, dont le corps est détenu par des terroristes du Hamas à Gaza, sur la plage de Bat Yam, le 15 août 2024. (Crédit : Forum des otages et des familles des disparus)

De surcroît, selon de nombreuses évaluations, un accord otages contre cessez-le-feu à Gaza pourrait entraîner un calme relatif sur la frontière nord de l’État juif, le Hezbollah retenant ses attaques, et il pourrait aussi autoriser la reconstruction du secteur et le retour conséquent des dizaines de milliers d’Israéliens déplacés de leurs habitations depuis plus de dix mois maintenant.

De la fumée s’élevant d’un incendie à l’extérieur du kibboutz Shamir, dans le nord d’Israël, causé par des missiles tirés depuis le Liban, le 15 août 2024. (Crédit : Ayal Margolin/Flash90)

Ce qui pourrait, par effet boule de neige, alléger les pressions qui pèsent sur l’armée et sur les réservistes et ouvrir la porte à la reprise économique.

L’administration américaine, de surcroît, a affirmé très clairement qu’elle pensait que l’accord pouvait entraîner un report de l’attaque de représailles qui a été promise par l’Iran contre l’État juif dans le sillage de la mort du chef du Hamas, Ismail Haniyeh, à Téhéran – voire que la république islamique pourrait renoncer à cette frappe purement et simplement. Ce qui permettrait d’empêcher la riposte inévitable que lancerait Israël avec le spectre d’une escalade susceptible de dégénérer en embrasement régional. Les médias israéliens, vendredi soir, ont aussi fait allusion à une menace officieuse en provenance de Washington – une menace établissant que si Netanyahu devait rejeter l’accord en pourparlers, les États-Unis pourraient apporter moins de soutien à leur allié numéro un au Moyen-Orient si ce dernier devait se retrouver plongé dans un conflit à l’échelle de la région.

Le chef d’état-major de l’armée israélienne, le lieutenant-général Herzi Halevi, s’adresse aux troupes dans un tunnel du Hamas découvert dans la zone frontalière entre l’Égypte et Gaza, le 14 août 2024. (Crédit : Armée israélienne)

Les négociations qui semblent sur le point d’aboutir aujourd’hui se basent sur une proposition que Netanyahu et son cercle avaient eux-mêmes approuvée à la fin du mois de mai – et d’innombrables informations laissent entendre que l’establishment de la sécurité dans son entier et la délégation israélienne chargée des négociations l’exhortent depuis à saisir l’occasion de conclure enfin un accord.

Tous auraient notamment estimé qu’un retrait des soldats du corridor Philadelphi, le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, pendant une période de six semaines, serait un délai trop court pour permettre au Hamas de se réarmer de manière significative. Ils ont fait remarquer que s’attaquer une nouvelle fois à un Hamas qui relèverait la tête dans le nord de la bande de Gaza serait bien moins dangereux et bien moins long que ne l’avait été la phase initiale de haute-intensité qui avait marqué le début de la guerre au sein de l’enclave côtière. Ils ont également affirmé qu’Israël devra peut-être continuer à combattre le Hamas pendant une très longue période si le groupe terroriste doit se régénérer sans relâche mais qu’il n’y a par ailleurs plus de temps à perdre pour les otages, dont un grand nombre sont d’ores et déjà morts en captivité.

Dans ce contexte, le Premier ministre continue d’insister sur le fait que la guerre ne prendra fin que lorsque tous les objectifs déclarés d’Israël auront été atteints – c’est-à-dire lorsque tous les otages auront été rapatriés sur le sol israélien et que le Hamas aura été démantelé. D’où ses affirmations répétées – au mépris du document qui a été publié – disant que la proposition israélienne du 27 mai ne prévoit pas de cessez-le-feu permanent, et son insistance sur le droit, au moins en principe, de reprendre le combat contre le Hamas.

Et puis, il y a aussi la question de sa coalition. Ses deux partenaires d’extrême-droite, le parti Hatzionout HaDatit de Bezalel Smotrich et Otzma Yehudit d’Itamar Ben Gvir, s’opposent catégoriquement à ce qu’ils considèrent comme un accord « défaitiste » et « imprudent ». Loin de vouloir mettre fin à la guerre et de permettre aux soldats de rentrer chez eux, ils voudraient qu’Israël se réimplante de façon permanente dans la bande de Gaza. Les partis d’opposition ont promis de maintenir Netanyahu au pouvoir jusqu’à la mise en œuvre d’un accord – mais le Premier ministre est bien conscient du fait qu’il ne pourra plus compter sur une bouée de sauvetage au-delà du temps imparti.

Le dirigeant du Hamas de l’époque, Ismail Haniyeh (à gauche), et le prisonnier sécuritaire palestinien nouvellement libéré, Yahya Sinwar, saluent les supporters qui célèbrent la libération de 1 027 prisonniers de sécurité dans le cadre d’un échange contre le soldat de Tsahal enlevé, Gilad Shalit, à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, le 21 octobre 2011. (Crédit : Said Khatib/AFP)

Parmi les 1 027 prisonniers sécuritaires palestiniens dont Netanyahu avait autorisé la remise en liberté il y a 13 ans figurait Yahya Sinwar, le cerveau du massacre du 7 octobre, devenu le chef incontesté du Hamas après la mort de Haniyeh. Avant d’être relâché, Sinwar était en prison depuis 22 ans, sans perspective de libération, après avoir été condamné à quatre peines de prison à vie pour avoir participé à l’assassinat de deux soldats israéliens et de quatre Palestiniens qui étaient soupçonnés de collaborer avec Israël.

Il est fort possible que Netanyahu aurait moins de difficultés à conclure un accord si Sinwar, le monstre qu’il a libéré, n’échappait pas encore à Israël, terré dans le vaste univers souterrain de Gaza

Il est fort possible que Netanyahu aurait moins de difficultés à conclure un accord si Sinwar, le monstre qu’il a libéré, n’échappait pas encore à Israël, terré dans le vaste univers souterrain de Gaza.

Israël a exigé d’avoir le droit d’opposer son veto à la libération de certains détenus palestiniens, ou d’envoyer en exil certains des terroristes meurtriers que le Hamas cherche à faire libérer en échange de nos otages dans la première phase de l’accord, précisément parce qu’il a parfaitement conscience du fait que d’autres Sinwar pourraient bien se trouver parmi eux.

Gilad Shalit salue le Premier ministre Benjamin Netanyahu après son atterrissage sur une base aérienne du centre Israël le jour de sa libération des geôles du Hamas, le 18 octobre 2011. (Crédit : Armée israélienne)

Mais il se pourrait aussi que Netanyahu, qui sait qu’une grande partie de l’opinion publique israélienne réclame cet accord à grands cris, juge que le moment est venu (Un sondage de la Douzième chaîne dont les résultats ont été diffusés vendredi soir a révélé que 63 % des Israéliens apportent leur soutien à l’accord conclu à Doha contre 12 % qui s’y opposent. Les électeurs du Likud, de leur côté, soutiennent la conclusion d’un accord à 42 % contre 21 %).

Netanyahu pourrait tirer la conclusion – comme le lui a suggéré l’ex-président américain Donald Trump, qui est le favori du Premier ministre israélien dans l’actuelle course à la Maison Blanche – que le moment est venu de « remporter la victoire ». Il pourrait considérer qu’un accord finalisé, s’il ne constitue pas la « victoire totale » qu’il a promise si souvent, est susceptible de justifier dix mois de pressions militaires et d’assassinats ciblés de presque toutes les personnalités de premier plan du Hamas – à l’exception de Sinwar et de son frère. Il pourrait conclure qu’un tel accord est la preuve de son engagement en faveur des otages, une occasion de sauver son héritage après le pogrom du 7 octobre, et une victoire électorale potentielle.

Cela pourrait être le cas.

Il resterait alors, bien sûr, la question non négligeable de ce que le Hamas a l’intention de dire et de faire.

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