Un économiste réfractaire à la refonte judiciaire démissionne du Kohelet Policy Forum
Dernier signe de division en date au sein du think-tank, Tom Sadeh s'estime incapable de continuer à travailler pour l’organisation qui a inspiré le programme du gouvernement
Un économiste du Kohelet Policy Forum, think tank de droite qui a inspiré le projet de réforme judiciaire, a démissionné jeudi en raison du rôle du groupe.
En annonçant sa démission, Tom Sadeh a souligné avoir toujours joui d’une grande liberté académique au sein de Kohelet, ajoutant que l’on n’avait jamais cherché à le faire taire en raison de son opposition au projet de loi et que des débats animés sur la question avaient eu lieu au bureau.
« Il est important pour moi de souligner que les gens de Kohelet sont de bonnes personnes, avec de bonnes intentions. Ils veulent le bien du pays, même s’ils se trompent à mon avis », a tweeté Sadeh.
« À titre personnel, dans la mesure où je ne suis pas du tout en ligne avec la position officielle du forum sur une question aussi critique, je pense que le mieux pour moi est de ne pas en faire partie », a-t-il ajouté.
Les principaux éléments du projet de loi, qui placerait le système judiciaire israélien sous contrôle politique, consistent à donner à la coalition un contrôle total sur la sélection des juges et contraindre l’action de la Cour Suprême comme contrepoids à l’exécutif et au législatif.
La coalition assure que ce projet aura pour effet de renforcer la démocratie israélienne, réfréner une Cour Suprême qu’elle juge trop interventionniste et refléter la volonté de l’électorat.
Les critiques du projet, soutenues par les manifestations d’ampleur croissante, estiment qu’il abolira la séparation des pouvoirs, privera les droits fondamentaux de toute protection et bouleversera les principes démocratiques fondamentaux d’Israël, que sont l’égalité et les libertés individuelles.
Les chercheurs de Kohelet ont joué un rôle clé dans l’élaboration de nombreuses politiques du nouveau gouvernement en matière judiciaire.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a crédité Aviad Bakshi, chef du département juridique du Forum, consulté au moment de l’élaboration des propositions.
L’organisation est devenue une cible du mouvement anti-réforme.
La semaine passée, les manifestants du groupe Frères d’armes ont ainsi bloqué l’accès aux bureaux de Kohelet, à Jérusalem, avec des sacs de sable et des barbelés.
Cette semaine, Kohelet a appelé à la recherche d’un compromis sur les projets du gouvernement, soulignant que l’obtention d’un large consensus sur les
« changements nécessaires » au sein du système judiciaire était un élément important pour un changement constitutionnel de long terme.
L’organisation a fait savoir que le projet de loi très controversé concernant la Cour Suprême pourrait utilement être retiré du paquet législatif et que les craintes d’abus des lois fondamentales pourraient être surmontées. En revanche, le think tank semble bien moins ouvert à un compromis sur la composition de la commission de sélection des juges.
Selon un article publié par Globes jeudi, le think tank a fouillé ses archives pour supprimer les articles exprimant son soutien à la clause dérogatoire, qui permettrait aux députés de mettre des lois à l’abri de tout contrôle de légalité ou de légiférer de nouveau sur des lois précédemment invalidées.
Michael Sarel, président du Forum économique Kohelet et ancien patron de Sadeh, s’est lui aussi fendu d’une opinion critique du projet de loi en mars, écrivant que « si la réforme entrainait de graves dommages à la démocratie libérale, il en serait de même pour l’économie à moyen terme ».
Des entreprises ont déjà fait savoir qu’elles retireraient leurs avoirs d’Israël en raison de la loi de réforme que le gouvernement est en train de faire adopter par la Knesset.
La voix de Sarel a trouvé de l’écho chez d’autres économistes stars de l’organisation, comme Nissan Abraham, qui a écrit avoir une « opinion similaire à celle de Michael ».
Meir Rubin, PDG de Kohelet, a déclaré à Globes que Sarel avait donné son opinion en coordination avec le forum, qui, selon lui, accueille divers points de vue dans ses rangs.
Il s’est toutefois dit surpris que la critique porte sur les conséquences économiques et non juridiques de la loi.
« Le débat porte avant tout sur les valeurs de l’arrangement juridique, qui a évidemment des répercussions également économiques, entre autres. Un ordinateur réchauffe une pièce, mais personne n’allume un ordinateur pour cette raison. La question n’est pas économique ou militaire, mais juridique. Nous ne nous attendions pas à ce que la majeure partie de la contestation porte sur des questions de sécurité ou d’économie », a-t-il déclaré.
Mercredi soir, le président Isaac Herzog a annoncé sa proposition de compromis, publiée sur un nouveau site Internet à mesure qu’il parlait.
Cette nouvelle proposition aborde des aspects critiques de la relation entre les branches du gouvernement, y compris l’octroi d’un plus grand poids constitutionnel aux lois fondamentales, la manière dont les juges sont sélectionnés, le contrôle de légalité et constitutionnalité des lois de la Knesset et l’autorité des conseillers juridiques du gouvernement et de la procureure générale.
Le projet aurait également pour effet d’enchâsser certains droits civils fondamentaux, qui ne font pour l’heure d’aucune protection par la loi, dans les lois fondamentales.
En dépit des 11 semaines de manifestations de grande ampleur contre les projets du gouvernement et les avertissements sévères des responsables commerciaux, militaires, juridiques et financiers en Israël et de par le monde, la coalition n’a ni suspendu ni même ralenti ses projets de loi.
Dimanche, la Knesset doit voter pour donner son approbation finale au projet de loi qui permettrait de contraindre à l’extrême la capacité des tribunaux ou des députés à destituer un Premier ministre inapte à l’exercice de ses fonctions.
D’autres votes destinés à finaliser d’autres parties du plan, dont la fameuse et très décriée clause dérogatoire, sont attendus d’ici la fin du mois.
Ces dernières semaines, Herzog en a appelé aux députés de l’opposition et de la coalition afin qu’ils négocient, a demandé à la coalition d’« abandonner » son actuel projet de réforme et averti mercredi qu’Israël se dirigeait tout droit vers une « véritable guerre civile » à cause de l’intense fracture sur la question de la réforme.