Un juif orthodoxe blessé par balle alors qu’il se rendait à la synagogue de Chicago
Sidi Mohamed Abdallahi, qui a été inculpé pour tentative de meurtre, aurait également tiré sur la police ; les autorités locales et les groupes juifs appellent à la prudence concernant les motivations de l'attaquant
(JTA) – La police de Chicago a mis en examen un homme qui avait ouvert le feu sur un Juif orthodoxe qui se rendait à la synagogue, samedi matin. Il a été inculpé pour tentative de meurtre.
La victime, un homme de 39 ans dont l’identité n’a pas été révélée, se rendait à la Congrégation KINS, dans le quartier West Rogers Park de Chicago lorsqu’un homme s’est approché par derrière et qu’il a tiré plusieurs coups de feu, touchant l’épaule de sa victime.
Selon la police, l’homme armé, qui s’appelle Sidi Mohamed Abdallahi, a ensuite échangé des coups de feu avec les forces de l’ordre et avec des urgentistes qui se trouvaient sur les lieux. La police a ouvert le feu en direction d’Abdallahi, qui a été transporté dans un hôpital local dans un état critique.
La victime, pour sa part, est sortie de l’hôpital samedi après-midi.
Abdallahi, dont l’audience de placement en détention est prévue dans la journée de mardi, a été mis en examen pour 14 chefs d’accusation au total, avec six chefs de tentative de meurtre au premier degré, sept chefs d’usage aggravé d’une arme à feu en direction d’un policier ou d’un pompier, et un chef d’accusation de coups et blessures aggravés avec décharge d’une arme à feu.
S’exprimant lundi à Pittsburgh, Doug Emhoff, l’époux de Kamala Harris, la candidate démocrate à la Maison Blanche et actuelle vice-présidente, a fait référence à ces coups de feu survenus à Chicago alors qu’il faisait la liste des agressions antisémites récentes.
Les autorités locales et les groupes juifs ont appelé à la prudence avant de tirer des conclusions sur le mobile de cette attaque à l’arme à feu. Debra Silverstein, conseillère municipale de la 50e circonscription de Chicago, a toutefois indiqué au cours d’un entretien qu’elle avait été déçue que le tireur n’ait pas été inculpé pour crime de haine.
« Je suis très déçue par la tournure des événements et j’encourage vivement le bureau du procureur du comté de Cook à poursuivre l’auteur de ces infractions avec toute la rigueur de la loi », a écrit Silverstein dans un courriel qui était adressé à ses électeurs. « La police m’a assuré qu’elle continuait à rassembler des éléments de preuve et que d’autres mises en examen – y compris pour crime de haine – pouvaient encore survenir dans ce dossier ».
Authorities filed charges today against Sidi Mohamed Abdallahi for the shooting Saturday that targeted a Jewish member of our community as he walked to synagogue on Shabbat. The offender was charged with 14 felony counts, including 6 counts of attempted murder in the first… https://t.co/cuiLA9csRH pic.twitter.com/R21zry5sNV
— Angela Van Der Pluym (@anjewla90) October 28, 2024
Cet incident s’est produit à un moment où les communautés juives du pays sont en état d’alerte. Les tirs ont eu lieu quelques heures après la fin de Simchat Torah – qui marque la fin de la période des grandes fêtes juives et l’anniversaire, dans le calendrier hébraïque, du pogrom qui avait été commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre 2023. La guerre sur plusieurs fronts qui a suivi le massacre s’est accompagnée d’une recrudescence des incidents antisémites. Ces coups de feu ont aussi été tirés à la veille du sixième anniversaire de la fusillade qui avait pris pour cible la synagogue Tree of Life à Pittsburgh. Onze fidèles avaient été tués lors de cette attaque – l’attaque antisémite la plus meurtrière de toute l’Histoire des États-Unis.
Des images tournées par les caméras de sécurité et qui ont été diffusées sur les réseaux sociaux semblent montrer une partie de l’incident survenu à Chicago. Dans la vidéo, plusieurs coups de feu sont audibles ; un drapeau hybride israélo-américain est visible à l’extérieur de l’habitation où les caméras sont installées et l’assaillant est entendu en train de crier. De nombreuses personnes qui ont écouté l’enregistrement ont conclu que l’homme avait crié « Allahu akbar » – « Dieu est le plus grand » en arabe.
« Compte-tenu des circonstances, avec un Juif orthodoxe qui portait notamment une kippa et qui se rendait à la synagogue le jour du Shabbat, je pense que ma communauté et moi-même espérions véritablement que la circonstance aggravante de crime de haine serait retenue dans ce dossier », a noté Silverstein.
Silverstein, qui est elle-même orthodoxe, a fait savoir qu’elle ne pouvait pas communiquer l’identité de la victime sans son autorisation – ajoutant qu’elle lui avait rendu visite après les coups de feu.
Il n’est pas rare que le motif de crime de haine soit retenu dans un second temps de l’enquête.
D’autres responsables juifs locaux ont déclaré qu’ils pensaient, eux aussi, qu’un chef d’accusation de crime de haine pouvait être retenu.
« En supposant que l’enquête soit terminée et qu’il y ait des éléments de preuve indiquant que la victime a été prise pour cible parce qu’elle était juive, je suis convaincu que les forces de l’ordre – que ce soit au niveau de l’État ou au niveau fédéral – engageront des poursuites pour crime de haine, et nous ne nous attendons à rien d’autre », a estimé Lonnie Nasatir, président du Jewish United Fund of Chicago, au Jewish News Syndicate.
Silverstein a expliqué qu’elle avait organisé, dimanche, une réunion sur Zoom en présence des responsables religieux juifs et des dirigeants de la communauté de Chicago – ainsi qu’avec les dirigeants de la police dans le secteur – pour discuter de cette attaque à l’arme à feu.
« La police partage notre dégoût de voir un homme juif être victime de violences pendant les fêtes juives », a écrit Silverstein. « Les forces de l’ordre sont déterminées à allouer les ressources nécessaires de façon à assurer la sécurité de notre communauté et elles demandent au public d’aider les policiers en leur fournissant des informations ou des images qui pourraient faire avancer l’enquête ».
Le rabbin Leonard Matanky, qui dirige la Congrégation KINS, a confirmé à la JTA que la victime – que Matanky connaît personnellement – est membre de sa synagogue et qu’elle s’y rendait, samedi, lorsqu’elle a été attaquée.
« Nous vivons une époque très dangereuse où un tireur isolé peut faire des ravages dans une communauté par ailleurs sûre et faire perdre aux gens leur sentiment de sécurité », a déclaré Matanky.
Matanky a félicité les forces de l’ordre locales pour leur réactivité, encourageant la communauté à ne pas spéculer sur la probabilité d’un crime de haine tant que l’enquête ne sera pas terminée.
« Je pense que les personnes qui affirment qu’il s’agit d’un crime de haine… je ne sais pas si elles ont d’autres informations que celles que possède la victime – et j’ai parlé à la victime directement – et je ne sais pas si elles ont plus d’informations que la police », a dit Matanky.
« Il se peut qu’il s’agisse d’un crime de haine mais à ce stade, rien n’a encore été déterminé. Je ne vois pas l’intérêt de spéculer alors que l’enquête est en cours, qu’elle progresse, et je sais qu’elle progresse rapidement ».
Matanky a raconté que la victime était « un très bon père de famille » qui était « apprécié et bien connu au sein de la communauté ».
L’incident et ses implications entraînant de vives inquiétudes, les groupes nationaux chargés de la sécurité de la communauté juive ont appelé à la prudence avant de tirer des conclusions sur ce qui s’est passé à West Rogers Park – c’est le principal centre de vie juive orthodoxe à l’intérieur même de la ville de Chicago.
« En raison de la complexité de l’enquête en cours, il est important de laisser les forces de l’ordre faire leur travail et d’éviter de faire se propager des rumeurs non vérifiées et des informations erronées jusqu’à ce que les autorités fournissent des informations crédibles », a dit Michael Masters, qui est le président-directeur-général du Secure Community Network, qui gère un « centre de commandement » national à partir de Chicago, avant que les chefs d’inculpation ne soient déposées.
Silverstein a encouragé ses électeurs juifs à « vaquer à leurs occupations » face aux inquiétudes.
« Notre quartier est toujours en état d’alerte », a-t-elle dit. « J’ai l’assurance de la police et du superintendant que la sécurité va être renforcée ici en matière de présence policière. Nous ne devons pas avoir peur ».
De même, Matanky a invité la communauté juive à rester prudente – mais pas craintive.
« Le message que je veux transmettre, c’est que nous devons toujours rester vigilants mais que nous ne devons pas laisser des incidents tels que celui-ci nous faire plonger dans la peur ou nous amener à moins nous engager dans le monde », a expliqué Matanky. « Il y a toujours eu des dangers dans ce monde, et chaque jour, nous faisons des choses en sachant pertinemment qu’elles comportent des risques. Heureusement, nous vivons dans une communauté très sûre. Mais le monde et la communauté ont changé au fil des ans. Nous devons nous montrer vigilants et toujours, toujours garder conscience de ce qui nous entoure ».