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Un soldat sur quinze emprisonnés l’an dernier : Tsahal révise sa politique

Environ 10 000 soldats ont purgé des peines dans les prisons militaires en 2018, la plupart pour des délits mineurs et la majorité issus de milieux défavorisés

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Un officier militaire parle avec des soldats israéliens emprisonnés à la Prison Four, la plus grande prison militaire, sur la base de Tzrifin, le 26 avril 2018 (Crédit :  Miriam Alster/FLASH90)
Un officier militaire parle avec des soldats israéliens emprisonnés à la Prison Four, la plus grande prison militaire, sur la base de Tzrifin, le 26 avril 2018 (Crédit : Miriam Alster/FLASH90)

Environ 10 000 soldats israéliens – approximativement un sur 15 – ont purgé une peine, l’année dernière, dans une prison militaire. Et c’est une amélioration : en 2015, approximativement 18 000 soldats avaient été incarcérés.

Selon l’armée, le nombre de soldats placés derrière les barreaux a chuté de 15% et la durée globale du placement en détention des militaires a également diminué entre 2016 et 2018.

Et pourtant, le taux d’emprisonnement reste élevé.

La majorité des 10 000 soldats approximativement qui ont été incarcérés – dont la plupart sont issus de minorités et de groupes socio-économiques défavorisés – ont été condamnés pour avoir été absents sans permission pour une courte période de temps, souvent moins d’un jour, et autres délits disciplinaires mineurs.

Les soldats issus de la communauté éthiopienne en Israël en particulier sont incarcérés à un taux disproportionné par rapport à leur représentation au sein de l’armée. En 2017, environ 4 % des soldats de l’armée israélienne provenaient de la communauté éthiopienne qui a pourtant représenté 15,07 % des soldates et 10,78 % des soldats placés derrière les barreaux, selon l’Association des Juifs éthiopiens.

Le type de délits mineurs entraînant le placement en détention des soldats ne nécessite pas un jugement d’un tribunal militaire, laissant l’énoncé de la sanction à la discrétion du commandant de l’unité concernée.

Le conseiller de défense militaire Ran Cohen. (Crédit : Armée israélienne)

Selon le conseiller de défense militaire en chef Ran Cohen, dont l’unité représente les soldats traduits en justice, cette pratique octroie trop de pouvoirs aux officiers qui utilisent la prison « comme un choix par défaut plutôt que comme un dernier recours ».

« Nous devons augmenter notre supervision et réduire les pouvoirs des commandants », a commenté mercredi Cohen au micro de la radio militaire suite à la diffusion par la station des derniers chiffres sur l’incarcération des militaires.

« Ces statistiques témoignent d’un grave problème », a-t-il ajouté.

L’armée a indiqué dans un communiqué que le processus de condamnation à la prison d’un soldat par un commandant est « administré selon des règles claires tout en préservant les droits des soldats ».

Mercredi, la radio militaire a fait savoir qu’une commission avait été créée au sein de l’administration des ressources humaines de l’armée israélienne pour examiner les pouvoirs accordés aux commandants et pour potentiellement les restreindre.

Une information qui a été démentie par l’armée, qui a affirmé qu’aucune commission de ce type n’avait été mise sur pied.

Tsahal a précisé avoir pris des initiatives pour réduire les condamnations à la prison des soldats condamnés devant les tribunaux militaires.

« Un nouveau système d’incarcération a été mis en oeuvre au sein de l’armée qui établit quatre niveaux d’emprisonnement en fonction de la gravité des crimes commis. Cette politique, entre autres, a entraîné une baisse du temps passé en prison et du nombre de prisonniers », a fait savoir l’armée dans un communiqué.

L’armée ne réfléchit pas toutefois sérieusement à supprimer totalement la capacité des commandants à pouvoir décider d’une peine d’emprisonnement malgré le risque d’abus et les arguments avancés en défaveur de l’efficacité de telles sanctions.

Une coupe de cheveux mal faite

Le taux d’incarcération chez les soldats est bien plus élevé que dans la population en général. L’année dernière, Boaz Sangero, un professeur de droit, avait estimé que le placement en détention chez les militaires représentait 67 fois celui des civils.

La disparité massive dans les taux d’incarcération entre soldats et civils s’explique par la nature même de la hiérarchie militaire. Si un patron peut licencier pour absentéisme ou pour une coupe de cheveux incompatible avec le poste, il n’est toutefois pas en mesure de jeter son salarié en prison.

Ce qui n’est pas le cas dans l’armée, comme Shani Balilti, une soldate, l’a découvert le mois dernier lorsqu’elle a été condamnée à 20 jours de prison parce qu’elle avait refusé de se faire une queue de cheval. Un porte-parole de Tsahal a expliqué que cette sanction – dure – n’avait pas été seulement due à sa coupe de cheveux, ajoutant que cette infraction avait été la dernière d’une série de problèmes disciplinaires.

(Balilti a affirmé que ses cheveux étaient suffisamment courts pour ne pas être attachés. Quelques jours après que la chaîne Kan a consacré un reportage à son histoire, elle a bénéficié d’une libération anticipée).

Photo d’illustration. Un des cinq soldats israéliens de la brigade Kfir (G), arrêtés pour avoir prétendument battu deux suspects palestiniens placés sous leur surveillance, arrive à une audience au tribunal militaire de Jaffa le 10 janvier 2019. (Crédit : Flash90)

Les problèmes liés aux politiques de placement en détention mises en oeuvre au sein de l’armée apparaissent clairement dans le délit le plus banal susceptible d’envoyer les soldats en prison : l’absentéisme sans permission préalable.

Tandis qu’une unité ne peut pas fonctionner lorsque des soldats abandonnent leurs postes à leur guise, des dossiers de soldats quittant leurs bases ou n’y revenant pas, sans avoir réclamé l’autorisation appropriée, sont fréquemment des actes de désespoir – et non de rébellion ou de malveillance.

Une étude réalisée en 2013 par la Knesset a révélé que la majorité des soldats citaient les problèmes financiers comme étant la raison de leur désertion. Cela a été confirmé au fil des années par les militaires, qui ont évalué que de nombreux soldats qui avaient été incarcérés parce qu’ils étaient partis sans permission l’avaient fait pour travailler ou pour aider leurs familles d’une manière ou d’une autre.

L’année dernière, un haut-responsable de Tsahal avait expliqué au quotidien Haaretz que plus des deux-tiers des prisonniers militaires étaient éligibles à des allocations supplémentaires en raison de leur statut socio-économique défavorisé.

Les soldats – avec des justifications légitimes – peuvent obtenir des autorisations spéciales leur permettant de travailler hors de l’armée mais le processus pour obtenir ces approbations peut être compliqué et humiliant, exigeant des militaires de révéler ouvertement qu’ils proviennent d’un milieu socio-économique particulièrement pauvre.

En résultat, de nombreux soldats ne suivent pas le parcours officiel et contreviennent volontairement à la loi militaire en ne retournant à la base pour pouvoir gagner de l’argent pour eux-mêmes et pour leurs familles.

« Je travaille dans la restauration et le pic d’activités est en été – alors chaque jour, j’ai quelque chose à faire. C’est une période que je ne peux pas rater, même au prix de la prison. C’est de l’argent que ma famille pourra utiliser pendant longtemps pour répondre à ses besoins », avait confié un soldat l’année dernière au journal Haaretz.

Pour ces soldats, la menace de la prison n’est pas un outil de dissuasion efficace.

C’est particulièrement vrai au sein de la communauté éthiopienne israélienne.

« La première cause entraînant l’emprisonnement des soldats éthiopiens est le manquement au devoir militaire sans permission en résultat de difficultés graves familiales ou financières », avait établi une étude de la Knesset en 2013.

Cette année-là, environ un-tiers des soldats d’origine éthiopienne étaient passés par la case prison au sein de l’armée, selon l’étude.

L’armée israélienne n’a pas répondu à une demande de commentaires sur les initiatives prises pour s’attaquer au problème du taux disproportionnellement élevé d’Ethiopiens israéliens en prison.

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