Une ONG religieuse israélienne se met en quatre pour les soldats
Très attentifs aux réservistes et familles évacuées, l'organisation Klal Yisroel entend également rapprocher religieux et laïcs
Cet entrepôt tentaculaire, fait de tentes, grouille de dizaines de bénévoles occupés à prendre des articles sur des étagères bien remplies. Le tout devra être mis dans des colis soigneusement numérotés et étiquetés, destinés à des communautés dans le besoin. Vêtements, vivres non périssables, articles religieux, jouets et jeux, appareils électroniques et plus encore s’empilent le long de rangées bien ordonnées. L’atmosphère est frénétique, tous bouillonnent d’activité.
Les bénévoles sont un mélange de femmes et d’hommes, religieux et laïcs. Dans un coin, il y a un bureau logistique avec plusieurs ordinateurs, d’où les articles sont comptés et suivis. L’autre côté de l’entrepôt est ouvert et des camions s’arrêtent régulièrement pour y déposer d’autres dons ou achats. Un bénévole est chargé de plier les boîtes en carton afin d’en faciliter le recyclage.
Cette initiative, dont le QG se trouve non loin de l’entrée de Mevo Horon, implantation religieuse située de l’autre côté de la Ligne verte près de Modiin, vient du rabbin Shaï Graucher, qui s’est taillé une réputation sur les réseaux sociaux grâce à ses publications quotidiennes sur son action caritative.
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Né à Petah Tivka, Graucher a grandi en parlant anglais, que ce soit chez lui en Israël ou à l’occasion de plusieurs voyages aux États-Unis, à tel point que son hébreu est teinté d’un fort accent américain. Il est le fils du célèbre chantre hassidique Dudi Graucher, décédé il y a peu. Graucher était proche du défunt rabbin Chaim Kanievsky, l’un des principaux dirigeants ultra-orthodoxes en Israël, mais ces jours-ci, Graucher est surtout occupé à gérer son organisation caritative dotée de plusieurs millions de dollars de dons, Klal Yisroel.
« Nous nous mobilisons depuis 2017 pour aider les familles des victimes du terrorisme, avec de l’argent et du soutien, mais aussi les soldats », explique Graucher au Times of Israël, en s’asseyant brièvement dans un coin de l’entrepôt.
Ces derniers temps, il a un peu perdu l’habitude de s’asseoir tant il est happé par une foule de choses à faire, avec son armée de bénévoles et d’associés qui s’affairent à tout moment et lui posent mille questions, dans l’attente d’instructions.
« J’ai 6 000 messages sur mon Whatsapp en ce moment », dit-il.
Lorsque la guerre a éclaté, le 7 octobre dernier, il a immédiatement passé des appels de façon à susciter davantage de dons et de soutien. L’entrepôt a été mis en place en 48 heures, dit-il, et un nom pour cette campagne, « Debout ensemble », a été trouvé.
A tout moment, l’entrepôt accueille pour près de 2 millions de dollars de marchandises et deux camions pleins partent toutes les heures pour diverses destinations.
Le 7 octobre – à la fois Shabbat et la fête de Sim’hat Torah -, des milliers de terroristes du Hamas ont fait irruption en territoire israélien, autour de Gaza, lors d’une attaque surprise bien planifiée. Le Hamas a commis des pogroms et des atrocités dans les communautés israéliennes proches de la bande de Gaza avant que les forces de sécurité ne rétablissent l’ordre, mais plus de 1 200 citoyens ont été tués et 240 pris en otage, ce qui a déclenché la guerre entre Israël et le Hamas.
Israël a ensuite mobilisé pas moins de 360 000 réservistes et évacué plus de 200 000 citoyens des zones proches de Gaza et le long de la frontière nord avec le Liban. Ce sont les deux populations sur lesquelles l’organisation de Graucher concentre son action.
J’ai entendu des proches de militaires dire : « Les réserves sont à 150 %, nous allons manquer d’équipement », dit-il. L’ONG fournit donc des équipements et des vivres et dispose d’une flotte de trois camions de blanchisserie, avec des machines à laver et des fers à repasser, qui ont déjà fait plus de 12 000 lessives pour les soldats.
« Nous avons un nouveau camion équipé de baignoires, jacuzzis et douches pour les soldats qui sortent de Gaza. Ils ont besoin de soutien, de se détendre : pour eux c’est formidable », explique-t-il.
« Le plus important, c’est de faire preuve de respect, de faire comprendre aux gens que nous sommes avec eux. Il ne s’agit pas seulement de se rendre à l’hôpital, de dire ‘Voici cinq iPads, au revoir’. Non. Il s’agit de se rendre sur place, de passer un moment avec les soldats, d’écouter ce qu’ils ont à dire, tous, car chaque soldat est un héros ».
« Nous avions un très gros problème avant cette guerre, beaucoup trop de sinat chinam », poursuit-il, en utilisant l’expression hébreu pour exprimer une « haine gratuite ».
« Les gens se haïssaient les uns les autres. Et moi, j’essaie de rassembler les gens. Qu’il n’y ait plus de haredim, de laïcs, de hassidiques, non ! Nous sommes un seul pays », affirme-t-il avec emphase.
L’ONG dispose d’une cuisine pour la préparation de repas chauds et de plats périssables. Elle aide également les séminaires de Jérusalem en envoyant des bénévoles nettoyer les maisons en fin de semaine, pour aider les mères débordées dont les maris ont été rappelés au titre de la réserve.
L’ONG gère également un kollel – centre religieux d’étude de la Torah qui prie pour le succès des opérations de Tsahal -. Pour remonter le moral du plus grand nombre, l’équipe de Graucher organise également des barbecues qui attirent une foule mixte de religieux et laïcs.
Graucher a un air humble, mais il a de bonnes relations et un don pour la publicité. Les photos, sur son téléphone, donnent un aperçu de ses nombreuses activités et des personnalités du monde juif qu’il a pu croiser et dont il tire parti pour collecter des dons, qui dépassent les 4,5 millions de dollars à ce jour, selon une information récente d’eJewish Philanthropy.
Son entrepôt est en ce moment la plaque tournante d’une intense activité caritative, 24 heures sur 24 et 6 jours sur 7 – fermé le Shabbat -. C’est le seul moment de la semaine où Graucher dit faire une vraie nuit de sommeil. Il pense déjà à la fin de la guerre et me montre le croquis du bâtiment qu’il souhaite faire construire pour les orphelins dont les parents auront péri pendant la guerre.
« Mon rêve, c’est… Mon père était orphelin et s’est marié sans parents : pour lui, c’était très difficile ». « Mon père était très célèbre : il a fait beaucoup de bonnes actions. Maintenant qu’il n’est plus, c’est un honneur pour ma famille de contribuer au ‘hessed que mon père nous a laissé », dit-il en utilisant le mot hébreu pour bienveillance.
Une fois l’interview terminée, Graucher se lève et se tourne vers ses collaborateurs, qui l’attendent patiemment. Deux soldats viennent chercher des gants et équipements pour temps froid pour leur unité. Un bénévole leur explique qu’ils attendent la livraison de vestes et d’articles d’hiver, achetés en Afrique du Sud, qui doivent arriver cette semaine à bord d’un avion-cargo d’El Al.
Plus loin dans les rayons, des femmes trient patiemment des vêtements pour enfants pour envoyer des colis aux familles évacuées. Elles sont comptables, et c’est leur cabinet qui les libère régulièrement pour aller faire du bénévolat. C’est la première fois qu’elles viennent ici.
« Tout le monde fait le maximum », explique Bracha, l’une des comptables. « C’est tellement spécial, ce qui se passe ici. »
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