Yom HaZikaron : Au milieu du tumulte législatif, les Haredim pleurent leurs défunts soldats
Plus de 3 000 personnes ont assisté à la cérémonie spéciale à Jérusalem en l'honneur des ultra-orthodoxes morts au combat : "Un rouleau de la Torah dans une main et l'épée de David dans l'autre"

Pour Liel Kroizer, assister à la cérémonie de Yom HaZikaron – le Jour du Souvenir -, était important.
« Mon mari est dans l’armée, mon père a servi, et mon frère s’engagera l’été prochain », a expliqué Kroizer en berçant doucement la poussette où dort son premier enfant, un bébé de huit mois.
La jeune mère s’est entretenue avec le Times of Israel peu avant la cérémonie qui s’est tenue mardi au Centre international de conférences de Jérusalem en l’honneur des soldats tombés au combat qui ont servi dans les unités ultra-orthodoxes – ou haredim – de l’armée israélienne.
Cette cérémonie a été organisée par l’ONG Netzah Yehuda, en collaboration avec d’autres groupes qui facilitent et encouragent le service militaire des hommes haredim.
Elle s’est déroulée sur fond de crise sociale et politique profonde en Israël concernant la place des ultra-orthodoxes dans le pays.
Alors qu’Israël est aux prises avec la plus longue guerre de son histoire, les dirigeants haredim refusent catégoriquement de renoncer aux exemptions générales du service militaire accordées depuis des décennies aux jeunes ultra-orthodoxes, même après que la Cour suprême a déclaré cette pratique illégale en juillet.

Les groupes les plus radicaux du monde haredi organisent fréquemment des manifestations violentes contre la tentative d’enrôler les ultra-orthodoxes, affrontant la police et allant jusqu’à harceler les recruteurs haredim. Par ailleurs, Tsahal a envoyé quelque 10 000 ordres de conscription à des hommes issus de la communauté ultra-orthodoxe en âge d’être appelés au cours de l’année écoulée, mais seuls 2 % d’entre eux s’y sont conformés.
Cette polémique n’a été qu’indirectement évoquée lors de la cérémonie.
« Être un combattant haredi dans l’armée israélienne, c’est tenir un rouleau de la Torah dans une main et l’épée du roi David dans l’autre », a déclaré Yossi Levi, président de Netzah Yehuda, depuis la scène.
« C’est ainsi que nous combattons, c’est notre modèle, c’est l’exemple du peuple d’Israël. »
Plus de 3 000 personnes se sont rassemblées sur le site, dont des centaines de soldats en uniforme, qui ont également pu assister plus tôt dans la journée à des cours de Torah et à d’autres activités spéciales.
Cet événement était destiné à un public ultra-orthodoxe. Les hommes et les femmes étaient assis séparément, et l’animation musicale était assurée par le chanteur haredi bien connu, Avraham Fried.
Certaines dispositions suggéraient toutefois que les organisateurs avaient à l’esprit une population ultra-orthodoxe plus moderne que les communautés les plus traditionnelles. À titre d’exemple, au début de la cérémonie, les participants ont ainsi été invités à sortir leurs smartphones et à scanner un QR code apparaissant sur les écrans derrière la scène afin de recevoir quelques chapitres à étudier de la Mishna, la loi orale juive.
L’achèvement de l’étude des six ordres de la Mishna est une tradition juive ancestrale qui permet d’honorer les défunts. Parallèlement, dans de nombreux milieux ultra-orthodoxes, la possession d’un smartphone reste un tabou profond, au même titre que le fait de servir dans l’armée.

Les participants qui se sont entretenus avec le Times of Israel ont démenti avoir jamais subi de représailles de la part de leur communauté pour leurs choix. Ils ont également insisté sur le fait que les jeunes hommes qui consacrent leur vie à l’étude sérieuse de la Torah ne devraient pas être obligés de servir dans l’armée.
« Nous vivons à Bnei Brak », a déclaré Kroizer, dont l’époux occupe un poste non combattant dans une unité liée aux médias.
« Nous n’avons jamais eu de problèmes liés au service de mon mari. Nous vivons dans une communauté très haredi et tout le monde respecte ce qu’il fait. »
Yitzkah, un soldat servant dans le rabbinat de Tsahal qui a refusé de donner son nom de famille, a déclaré qu’il avait lui aussi toujours trouvé un soutien.

« Les personnes qui m’entourent pensent que c’est une bonne chose », a-t-il déclaré au Times of Israel.
Yitzkah a expliqué qu’il avait choisi de servir parce qu’il estimait important de faire partie de la société. Il a toutefois ajouté que, bien qu’il ait commencé son service à un âge plus avancé après avoir étudié dans une yeshiva, s’engager plus jeune et dans des unités de combat pourrait rendre le conciliation avec les valeurs haredim plus difficile.
« Il existe une stigmatisation à l’égard du service militaire parmi les Haredim, mais je pense que si un nouveau cadre garantissant certaines conditions est proposé, les choses changeront », a poursuivi Yitzkah.
Bien que l’armée israélienne propose actuellement plusieurs filières destinées aux hommes ultra-orthodoxes, ses détracteurs lui reprochent de ne pas avoir toujours respecté ses engagements visant à garantir aux soldats un mode de vie haredi.
« Il est important pour la communauté haredi de voir qu’un soldat qui s’engage dans l’armée en tant qu’ultra-orthodoxe peut continuer à être haredi une fois son service terminé », a développé le rabbin Motti Kornfeld en réponse au Times of Israel.
Né à New York, Kornfeld a fait son alyah dans les années 1970 et soutient les soldats haredim dans l’armée depuis 25 ans.
« Nous formons tous une seule et même famille et nous devrions pouvoir discuter et résoudre nos différends comme des frères et sœurs », a-t-il répondu lorsqu’on lui a demandé quel était le climat actuel autour de la question de l’enrôlement des Haredim.
Kornfeld a déclaré que, bien qu’il ne sache pas exactement ce que cela impliquerait, si toutes les parties étaient prêtes à faire de réels compromis, une solution pourrait être trouvée (jusqu’à présent, la plupart des représentants ultra-orthodoxes à la Knesset et des grands rabbins haredim ont insisté pour maintenir un système d’exemption totale).

Kroizer pense également qu’une solution peut être trouvée, affirmant que la clé réside dans l’octroi d’une exemption à ceux qui étudient sérieusement la Torah.
« Je suis très fière du service de mon mari, je pense que c’est a du sens », a-t-elle déclaré.
« Ceux qui n’étudient pas doivent servir dans l’armée. Ceux pour qui la Torah est toute leur vie, qui étudient vraiment toute la journée, ceux-là sont nos personnes les plus sacrées. »
Interrogée sur les raisons pour lesquelles il est si difficile de trouver un compromis, Kroizer a répondu que « les gens s’étaient habitués à cette situation ». Elle a toutefois souligné qu’elle comprenait et respectait le désir du monde talmudique de préserver ses étudiants.
« Nos soldats sont incroyables, ils ont un tel amour pour Israël et pour le peuple israélien », a renchéri Kornfeld.
« Tout aussi important, tous les garçons qui étudient la Torah dans les yeshivot contribuent également à la défense d’Israël. Telle est notre vision du monde. Ce qui m’attriste, c’est que ces deux communautés semblent incapables de trouver ce qu’elles ont en commun. »
Yaakov Margi, membre du parti ultra-orthodoxe Shas et ministre des Affaires sociales, a également exprimé des positions similaires.
« L’État d’Israël est confronté à des défis sur plusieurs fronts », a-t-il rappelé lors de cet événement.

« Alors que nous assistons aux événements qui se déroulent autour de nous et que nous entendons les menaces de nos ennemis acharnés qui cherchent à nous détruire, nous devons nous souvenir de notre destin commun. »
« Je salue et soutiens ceux qui sont à l’origine de cette importante initiative visant à marquer le jour sacré de Yom HaZikaron pour les familles haredim, conformément à la voie tracée par Dieu et la Torah, ainsi que leurs efforts pour intégrer les ultra-orthodoxes dans le cadre militaire. »
Les noms d’une cinquantaine de soldats tombés au combat ont été lus à haute voix, tandis que les familles endeuillées et les représentants de Tsahal récitaient des psaumes et des prières traditionnelles du souvenir, telles que Yizkor et El Maleh Rahamim.
Le rabbin Hananya Peretz, père d’Uriel, soldat du bataillon Netzah Yehuda de la Brigade Kfir, tombé au combat dans le nord de la bande de Gaza en décembre, s’est exprimé au nom des familles endeuillées. Il a partagé ses souvenirs du talent exceptionnel de son fils pour le Talmud, ainsi que de sa générosité envers les élèves en difficulté.
Au sein du public, beaucoup d’hommes portaient des vêtements typiques des ultra-orthodoxes, tandis que les femmes arboraient de longues robes et des perruques. D’autres avaient quant à eux opté pour des kippot tricotées et des foulards plus courants dans la communauté religieuse nationale. Quelques laïcs étaient également présents.
Comme lors de toutes les cérémonies nationales en Israël, celle-ci s’est conclue par l’Hatikva, l’hymne national, suivi de la chanson emblématique Ani Maamin (« Je crois »), une adaptation musicale des treize principes de foi de Maïmonide.
L’assistance s’est levée et a chanté à l’unisson.
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