3 otages récupérés reposent en Israël, 10 mois après avoir été capturés vivants
Les familles de Yagev Buchstav, Nadav Popplewell et Avraham Mundar déplorent les occasions manquées d'un accord qui aurait pu sauver leurs proches lors de funérailles successives à Nirim et Nir Oz
Des centaines de personnes se sont rassemblées mercredi pour rendre un dernier hommage à trois des six otages dont les corps ont été retrouvés à Gaza au début de la semaine, alors qu’ils étaient conduits à leur dernière demeure.
Les corps de Yagev Buchshtav, 35 ans, Nadav Popplewell, 51 ans, et Avraham Mundar, 78 ans, ont été retrouvés à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, au cours d’une opération menée dans la nuit de lundi à mardi, de même que ceux des otages décédés Alex Dancyg, 75 ans, Chaïm Peri, 79 ans, et Yoram Metzger, 80 ans.
Avraham, Alex, Chaïm et Yoram ont tous été enlevés vivants par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le kibboutz Nir Oz le 7 octobre, tandis que Yagev et Nadav ont été pris en otage dans le kibboutz Nirim.
S’exprimant à travers les larmes et tenant près d’elle l’un des chiens qu’elle avait partagés avec son époux, Rimon Kirsht Buchshtav s’est tenue devant son cercueil drapé d’un drapeau israélien, lui faisant ses adieux.
« Je voulais te dire merci », a-t-elle déclaré. « Merci de m’avoir sauvée. Pas seulement le 7 octobre, tu m’as sauvée pendant des années. »
« Merci de m’avoir appris l’amour et de m’avoir rendue plus forte, je t’aime », a-t-elle ajouté, précisant qu’il « méritait tellement mieux ».
Rimon a été prise en otage avec Yagev le 7 octobre et a été libérée le 28 novembre dans le cadre d’une trêve d’une semaine. Le couple était ensemble pendant toute la durée de sa captivité, et lorsqu’elle a été informée de sa libération, elle a dit qu’elle ne laisserait pas Yagev derrière elle, mais on lui a dit de partir de son plein gré faute d’être traînée au sol.
Esther Buchstav, la mère de Yagev, pleurant la perte de son fils, a critiqué le gouvernement pour ne pas l’avoir ramené vivant.
« Dans quel monde une famille fait-elle shiva [semaine de deuil traditionnelle] et attend-elle que son fils mort revienne ? », a-t-elle demandé. « Dans quel monde une mère devrait-elle être reconnaissante du retour de son fils, qui a été abandonné et assassiné ? »
« Dans quel monde les familles doivent-elles supplier, crier et pleurer pour le retour de leurs proches, vivants ou assassinés ? Ramenez-les tous », s’est-elle exclamée en se tenant devant la tombe de son fils.
Nadav a été enterré au cours d’une cérémonie qui a suivi celle de Yagev, également dans le cimetière du kibboutz Nirim. Il repose à côté de son frère Roï, assassiné le 7 octobre.
Nadav avait été fait otage avec sa mère Hannah Peri, 79 ans, qui a été libérée le 24 novembre.
« Tu as pris soin de moi en captivité comme tu l’as toujours fait », a déclaré Hannah sur la tombe de son fils. « Lorsque j’ai été libérée de captivité, tu étais en vie avec tous les hommes. Mais personne n’est venu te chercher, personne ne s’est inquiété pour toi. »
« Je te laisse à côté de Roï et vous prendrez soin l’un de l’autre, à côté de votre père bien-aimé », a-t-elle ajouté. « Et je sais que nous nous reverrons. »
Nirim a perdu neuf de ses membres et cinq été ont pris en otages, dont deux morts à Gaza et inhumés ce mercredi.
Dans le kibboutz voisin de Nir Oz, Avraham a été accompagné par des centaines de personnes jusqu’à sa dernière demeure. Il a été enterré à côté de son fils, Roï, qui a été réenterré dans le cimetière du kibboutz mercredi, après avoir été temporairement enterré ailleurs à la suite des événements du 7 octobre.
A l’entrée du cimetière, une stèle égrène les noms de toutes les victimes du 7 octobre originaire de ce kibboutz, dont quasiment toutes les maisons sont partiellement ou totalement détruites.
Une plaque rappelle que les corps de certaines d’entre elles sont encore dans Gaza.
L’ancien Premier ministre Naftali Bennett et au moins deux ministres du gouvernement ont assisté à ses funérailles. Les discours ont été entrecoupés de chansons en hébreu en l’honneur d’Avraham, un mélomane et chanteur amateur.
Avraham a été enlevé à son domicile le 7 octobre, alors que son épouse Ruti, leur fille Keren et son fils Ohad, âgé de huit ans, avaient déjà été kidnappés. Tous trois ont été libérés le 24 novembre, et ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils ont appris qu’Avraham avait été enlevé, et non tué comme ils l’avaient cru.
« Comme nous avons été naïfs de penser que tu reviendrais », a déclaré Keren. « Comme nous avons été naïfs de penser qu’il y avait quelqu’un en qui nous pouvions avoir confiance. »
Appelant le gouvernement à finaliser l’accord de « trêve contre libération d’otages » actuellement sur la table, Keren a déclaré que son père aurait pu être sauvé.
« Il aurait été possible de le sauver de la torture que son corps et son âme ont endurée, s’ils n’avaient pas cherché l’image d’un semblant de victoire », a-t-elle déclaré à propos du gouvernement.
Les interventions des proches d’Avraham Munder sont entrecoupées de chansons car « Munder », comme tout le monde l’appelait, était mélomane et chanteur amateur.a
En faisant ses adieux à son époux, Ruti l’a remercié pour les 62 années qu’ils ont partagées, « dont 58 où nous avons vécu ensemble en harmonie malgré nos différences ».
« Tu m’as acceptée telle que je suis, tu m’as fait sentir aimée et appréciée », a-t-elle déclaré, choisissant de se concentrer non pas sur la façon dont il est mort, mais sur la façon dont il a vécu. « Nous avons élevé les enfants, voyagé en Israël et dans le monde entier, regardé des matchs de football et de basket-ball – nous avons tout fait avec amour et dignité. »
La sœur d’Avraham, Shoshi Ben Ezra, a déclaré qu’elle ne pouvait pas comprendre comment son « frère sensible et au grand cœur, un homme de travail et de paix, dont l’amour pour son kibboutz et son pays coulait dans son sang, a passé les derniers mois de sa vie dans un tunnel avec des sentiments d’abandon et de trahison ».
De nombreuses personnes venues rendre hommage aux otages décédés mercredi ont déploré le fait que des mois de négociations n’aient pas encore abouti à un accord de libération des autres otages.
« On nous avait promis des efforts pour parvenir à un accord », a déclaré Nissan Calderon, 56 ans, dont le frère Ofer Calderon, franco-israélien, est toujours retenu en captivité à Gaza.
« Nous espérons vraiment que l’accord sera conclu immédiatement, afin que nous puissions sauver ceux qui sont encore en vie et ramener les morts pour les enterrer, car chaque jour qui passe, ils meurent. C’en est la preuve », a déclaré Calderon, qui portait un tee-shirt avec la photo de son frère.
Adriana Adar, une habitante de Nir Oz, dont le neveu Tamir Adar est toujours à Gaza, a déclaré qu’elle ressentait avant tout du « désespoir ». « Je pleure sans arrêt depuis des jours. »
« Cette semaine, nous sommes allés d’un enterrement à l’autre. Cela aurait pu être évité. Tous ceux qui sont enterrés aujourd’hui auraient pu revenir vivants, et le fait qu’ils soient enterrés ici ne suffit pas à nous réconforter. »
Tami Metzger, ex-otage dont le mari Yoram, 80 ans, sera inhumé jeudi au kibboutz confie à l’AFP ne pas savoir « quoi ressentir ».
« On me dit que c’est un apaisement mais je ne s’en suis pas sûre », dit-elle.
Tami a passé 53 jours dans un tunnel à Gaza avec son mari et quatre otages dont les corps ont été ramenés mardi.
On estime que 105 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre se trouvent toujours à Gaza, y compris les corps de 34 otages dont le décès a été confirmé par l’armée.
105 civils ont été libérés des geôles du groupe terroriste au cours d’une trêve d’une semaine, fin novembre. Quatre captives avaient été remises en liberté précédemment. Sept otages vivants ont été secourus par les soldats et les corps de 30 otages ont été récupérés, notamment ceux de trois Israéliens tués accidentellement par l’armée.
Le Hamas détient également deux civils israéliens entrés dans la bande en 2014 et 2015, ainsi que les corps de deux soldats de Tsahal tués en 2014.