3e jour de combats meurtriers entre Arméniens et Azerbaïdjanais au Nagorny-Karabakh
L'Iran a annoncé que "La République islamique d'Iran fera tout pour apaiser la crise" entre les deux pays"

L’Azerbaïdjan a annoncé lundi la mort de trois de ses soldats dans des combats avec les forces arméniennes dans la région contestée du Nagorny-Karabakh, au troisième jour d’affrontements qui se poursuivent malgré les appels au calme de la communauté internationale.
Au moins 33 militaires des deux camps et trois civils ont été tués depuis la reprise vendredi soir des hostilités, les plus meurtrières depuis le cessez-le-feu instauré entre Erevan et Bakou en 1994. Plus de 200 militaires et civils ont été blessés.
Ce conflit, dont les sources remontent à plusieurs siècles mais qui s’est cristallisé à l’époque soviétique lorsque Moscou a attribué ce territoire majoritairement arménien à la république socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, intervient dans une région du Caucase stratégique pour le transport des hydrocarbures, près de l’Iran, de la Turquie et aux portes du Proche-Orient.
L’escalade militaire intervient par ailleurs au moment où la Russie, qui entretient de bonnes relations avec l’Arménie, et la Turquie, alliée traditionnel de l’Azerbaïdjan, traversent une grave crise diplomatique sur fond de guerre en Syrie.
Sur le terrain, trois soldats azerbaïdjanais ont été tués par des « tirs de mortier et de lance-grenades depuis les tranchées » occupées par les forces arméniennes le long de la ligne de front, selon le ministère azerbaïdjanais de la Défense.
« Si les provocations arméniennes se poursuivent, nous lancerons une opération d’ampleur tout le long de la ligne de front et nous utiliserons toutes nos armes », a annoncé le porte-parole du ministère, Vagif Dargahly.
Les troupes de Bakou « ont intensifié lundi matin leurs bombardements sur les positions de l’armée du Karabakh, utilisant des mortiers de 152 mm, des lance-roquettes et des chars », ont pour leur part indiqué les autorités de la région séparatiste, soutenue par Erevan.
Les forces arméniennes « ont largement avancé dans certaines zones du front et ont pris de nouvelles positions », a assuré le porte-parole du ministère arménien de la Défense, Artsrun Hovhannisyan.
L’Azerbaïdjan a dénoncé comme « fausses » ces affirmations, assurant à son tour contrôler depuis samedi plusieurs hauteurs stratégiques au Karabakh, qu’il entend désormais « renforcer » après avoir annoncé dimanche son intention de « cesser unilatéralement les hostilités ».
Soutenues par l’Arménie, les autorités du Nagorny-Karabakh ont déclaré être « prêt à discuter d’une proposition de trêve » à condition de récupérer les positions et territoires perdus dans la région, reconnue comme appartenant à l’Azerbaïdjan par la communauté internationale.
‘Motif politique’
« De grandes violations du cessez-le-feu au Nagorny-Karabakh ont tendance à ne pas être accidentelles, mais plutôt à avoir un motif politique », souligne Thomas de Waal, analyste de la fondation Carnegie, qui estime à plus de 20.000 le nombre de soldats de chaque côté de la ligne de front.
La Russie tente de maintenir un équilibre incertain dans ses relations avec les deux ex-républiques soviétiques, auxquelles elle vend des armes. Elle reste néanmoins l’alliée historique de l’Arménie, où elle possède deux bases militaires récemment renforcées.
La Turquie, engagée dans un bras de fer avec Moscou depuis la destruction d’un bombardier russe en novembre, a pour sa part annoncé qu’elle soutiendrait l’Azerbaïdjan « jusqu’au bout » et « priait pour que (ses) frères Azerbaïdjanais triomphent ».
Après une guerre ayant fait 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés, principalement azerbaïdjanais, le Nagorny-Karabakh est passé sous le contrôle de forces séparatistes proches d’Erevan. La région est désormais peuplée majoritairement d’Arméniens.
Aucun traité de paix n’a été signé et après une période de calme relatif, la région a connu ces derniers mois une nette escalade des tensions. Erevan a estimé fin décembre qu’on était revenu à la « guerre ».
Bakou, dont le seul budget défense est certaines années plus important que le budget entier de l’Arménie, menace souvent de reprendre par la force le Nagorny-Karabakh si les négociations diplomatiques n’aboutissent pas.
« L’Azerbaïdjan comprend qu’il ne peut pas compter purement sur la force militaire pour changer le status quo, notamment en raison de la présence russe en Arménie. Il peut toutefois manoeuvrer diplomatiquement et militairement pour obtenir des concessions », estime le centre de réflexion américain Stratfor.
« Mais malgré les intentions initiales de Bakou, cette stratégie peut provoquer un conflit plus global pour lequel aucun des belligérant n’est préparé », juge-t-il.
L’Iran prêt à apaiser les tensions entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan
L’Iran a demandé lundi à ses deux voisins, l’Arménie et l’Azerbaïdjan, de faire preuve de retenue et s’est déclaré prêt à apporter son aide, a déclaré le ministre iranien de la Défense Hossein Dehghan, selon l’agence Irna.
« La République islamique d’Iran fera tout pour apaiser la crise » entre les deux pays, a déclaré M. Dehghan lors d’un entretien téléphonique avec son homologue azéri Zakir Hasanov.
Il a demandé aux deux pays ayant une frontière avec le nord-ouest de l’Iran de faire « preuve de retenue et (…) de régler la crise par des voies pacifiques ».
L’Iran entretient de bonnes relations à la fois avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Le porte-parole de la diplomatie iranienne Hossein Jaber Ansari a également fait part dimanche de « la grande inquiétude » de l’Iran « alors que la région est témoin d’actions destructrices des groupes extrémistes et a besoin de calme ».
L’Iran compte une communauté de langue azérie de plus de dix millions de personnes, ainsi qu’une communauté arménienne d’un peu moins de 100 000 personnes.
L’Organisation de la coopération islamique (OCI), qui regroupe 57 pays dont l’Azerbaïdjan, a demandé dimanche à l’Arménie de retirer ses troupes du Nagorny-Karabakh où des affrontements avec l’armée azerbaïdjanaise ont fait 33 morts.