A la découverte des trésors antiques du tout nouveau campus national d’archéologie à Jérusalem
Ce nouveau chantier de l'Autorité des antiquités d'Israël est bien plus qu'un musée. En visitant les expositions, les visiteurs voient le processus archéologique en marche, en temps réel
Dès le IIIe siècle avant notre ère, et durant des centaines d’années ensuite, les combats de gladiateurs ont offert aux spectateurs de l’Empire romain de sanglants spectacles.
Lorsque le christianisme a pris le pas sur l’Empire romain, au IVe siècle de notre ère, il a considéré que ces jeux étaient bien trop violents et leur a donc substitué des courses de chars, à peine moins sanglantes.
Ces courses de chars avaient leurs inconditionnels, à commencer par l’empereur romain Justinien le Grand qui, entre les quatre équipes – rouge, bleue, verte et jaune – qui disputaient des courses dans les hippodromes du monde romain, soutenait toujours la bleue.
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Tout comme un commerçant de la ville de Scythopolis, connue en hébreu sous le nom de Beit Shean, en Terre d’Israël.
Il était tellement fan qu’il avait accroché une pancarte en mosaïque à l’entrée de sa boutique qui disait en grec : « Pour la victoire des Bleus ». Ce panneau de mosaïque est désormais visible au dernier étage du tout nouveau Campus national d’archéologie d’Israël à Jérusalem.
Avant de partir à la découverte de cette nouvelle installation pour les besoins de cet article, nous nous attendions à déambuler dans les salles et allées d’un bâtiment ressemblant à un musée, plein d’artefacts anciens absolument uniques. Si le niveau supérieur du campus présente bien cinq mosaïques exposées pour la toute première fois (plus une sixième, la mosaïque d’Ein Gedi), il ne s’agit pas d’un musée mais d’un lieu de travail, explique l’archéologue de l’Autorité des antiquités d’Israël, Saar Ganor.
Sur ce campus, les visiteurs vont découvrir les coulisses des découvertes archéologiques telles qu’elles ont eu lieu, que ce soit lors des fouilles ou dans les laboratoires où on les nettoie, restaure, protège, conserve et décrit avant de les montrer au public.
Ce campus est l’oeuvre de l’architecte et urbaniste de renom Moshe Safdie, par ailleurs à l’origine du Centre mondial de commémoration de la Shoah Yad Vashem, du Musée des beaux-arts du Canada et du Musée sikh en Inde.
Dans ce lieu pensé comme un chantier de fouilles archéologiques, on entre par le dernier étage, recouvert d’auvents qui évoquent ceux qui protègent du soleil les chantiers de fouilles un peu partout en Israël. A partir de là, on ne fait que descendre – comme on le ferait sur un site archéologique.
Il a fallu 12 ans pour que ce campus sorte de terre, mais l’attente en valait la peine. Situé en face du célèbre Musée d’Israël, à côté de l’extraordinaire musée des terres bibliques, et à proximité du Parlement israélien, de l’université hébraïque de Givat Ram et de la toute nouvelle Bibliothèque nationale, la terrasse du campus (qui sert également d’entrée) offre une vue imprenable sur les environs.
L’une des plus grandes mosaïques découvertes en Israël provient de fouilles effectuées à Lod. Jusqu’à très récemment, cette belle mosaïque de la fin du Ve siècle se trouvait dans une carrière, ce qui rendait difficile le travail de préservation. Elle est désormais exposée sur le campus.
Sur une autre mosaïque elle aussi exposée sur le campus, et découverte dans une église du VIe siècle, on peut admirer plusieurs hexagrammes complétés de deux triangles équilatéraux. Ce que nous appelons étoile de David et que nous considérons comme un symbole juif, était utilisé dans l’Antiquité comme élément décoratif dans des cultures très différentes.
En effet, l’étoile de David, ainsi baptisée en hommage au roi israélite, n’est pas associée au judaïsme avant le Moyen Âge, alors que la menorah – chandelier à sept branches allumé rituellement dans le Premier et le Second Temple – est considérée comme le symbole historique du judaïsme.
Cette mosaïque du VIe siècle est d’une beauté exceptionnelle, avec ses couleurs vives et ses carreaux rouges, jaunes, verts et oranges.
Le regretté professeur d’archéologie Michael Avi-Yonah a découvert trois mosaïques dans une synagogue du VIe siècle située tout à côté d’un cimetière chrétien de Beit Shean. Elles sont toutes trois très jolies, avec leurs chiffres représentant les mois du calendrier grec.
On découvre une petite mosaïque du IVe siècle sortie de terre à Jaffa, à côté d’une ancienne grotte funéraire. On peut y lire en grec : « Ils étaient vaillants, ceux qui sont [enterrés] ici. »
Les mosaïques anciennes ont évidemment toutes leur histoire, mais la sixième, située au dernier étage du campus, est réellement exceptionnelle. Son histoire commence au VIIe siècle avant notre ère, lorsqu’un groupe d’Israélites s’installe dans le désert de Judée, à un endroit appelé Ein Gedi.
Ils ont de la chance et mettent au point un parfum tellement fabuleux qu’il se fabriquera et se vendra pour une fortune tout au long des 1 200 années suivantes. On le connait sous le nom d’huile de baume – ou afarsémon, « kaki » en hébreu -.
Selon Ganor, qui a travaillé sur une étude consacrée au désert de Judée, ce parfum s’est sans cesse exporté en passant par une route que les archéologues appellent « Route de l’Afarsimon ». Des recherches en cours ont révélé l’existence d’un grand nombre de tours et de postes de garde entre Ein Gedi et les grandes villes situées dans les collines de Judée.
Et, fait incroyable, les Israélites ont, d’une génération sur l’autre, conservé le secret de cette formule. Même lorsqu’ils ont quitté Ein Gedi suite à un terrible incendie, le secret n’a pas été rompu. Peut-être craignaient-ils que Dieu les maudisse pour toujours, eux et leurs descendants, s’ils révélaient cette formule. C’est d’ailleurs ce qui semble être écrit, en judéo-araméen, sur la mosaïque d’une synagogue d’Ein Gedi datant du Ve siècle de notre ère.
A l’étage suivant du campus, on peut voir un film de présentation, et en dessous, la plus grande bibliothèque archéologique de tout le Moyen-Orient, avec ses 60 000 ouvrages renfermant les détails de l’intégralité des recherches archéologiques effectuées en Israël et sur Israël.
Au même étage, on trouve une exposition temporaire que Ganor qualifie de
« Découverte du mois ». Celle que l’on peut voir en ce moment est un film qui raconte la découverte d’un navire vieux de 3 500 ans et explique de quelle manière, parfois difficile mais toujours très méticuleuse, on a récupéré certaines antiquités.
On admirera également deux amphores – ces récipients à deux anses qui servaient au transport des liquides –, des artefacts très spéciaux car retrouvés dans les cales d’un navire coulé près du Liban il y a plus de 2 000 ans.
Il y a de cela quelques semaines, le campus a présenté de nouveaux artefacts – des sceaux découverts il y a peu, utilisés en Judée au VIIIe siècle avant notre ère.
A l’étage inférieur, on trouve cinq laboratoires spécialisés dans la conservation et la restauration de matériaux tels que la poterie, les métaux, le verre ou les matières organiques – tissus, plantes anciennes, rouleaux religieux – sans oublier des morceaux des manuscrits de la mer Morte et des documents de divorce.
La découverte du verre remonte en 4 000 avant notre ère, mais il s’agit à l’époque d’un processus complexe et extrêmement coûteux, impliquant de chauffer longuement du sel et du sable à l’intérieur de fours spéciaux. Par conséquent, seules les tombes des rois ou des pharaons en Égypte renfermaient des récipients en verre.
À l’époque romaine et byzantine, la production de verre brut est une activité des plus florissantes en Terre d’Israël, devenue le centre névralgique de la production de verre pour tout l’empire grâce à un sable – celui de la côte méditerranéenne – aux proportions manifestement idéales.
Le campus présente une très intéressante exposition de récipients en verre parmi lesquels des boîtiers pour fard à paupières, des flacons de parfum, un magnifique récipient bleu fabriqué selon une méthode fort ancienne (sans soufflage) et des objets dotés de couvercles de verre. Leur couleur dépend des minéraux contenus dans le sable.
Les visites guidées se terminent par une expérience pratique riche en histoires et fragments de poterie au sein desquels on peut admirer une alliance de plus de
1 800 ans découverte il y a quelques mois seulement par un enfant, lors d’une randonnée en famille sur le mont Carmel, ornée d’une gravure d’Athéna, la déesse de la guerre.
Chaque année, ce sont près de 400 fouilles qui ont lieu en Israël – ce qui est considérable, rapporté à la superficie réduite du pays.
Tous les artefacts issus de ces fouilles se trouvent sur ce campus qui, non content d’abriter la bibliothèque archéologique la plus importante et riche de tout le Moyen-Orient, permet aux spécialistes d’accéder aux équipements technologiques les plus modernes pour assurer la bonne conservation des artefacts anciens.
Dans quelques années, les deux niveaux inférieurs du campus abriteront un centre d’accueil ultra-moderne proposant des programmes multimédias et une grande quantité d’artefacts découverts en Israël.
Mais les visiteurs d’aujourd’hui ont déjà un merveilleux aperçu du travail passionnant qui s’y déroule, à savoir l’extraction du sol d’objets du passé afin de les montrer aux civilisations des temps actuels.
Les visites guidées, en anglais et en hébreu, sont soumises à réservation (lien en hébreu). Les réservations peuvent être faites en anglais par e-mail ou par téléphone au : +972 (0)52 214 9719.
Aviva Bar-Am est l’auteur de sept guides en langue anglaise sur Israël. Shmuel Bar-Am est guide touristique agréé et offre des visites privées personnalisées en Israël pour les visiteurs individuels, les familles et les petits groupes.
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