A Tel-Aviv, des manifestants réclament des élections et la libération des otages
Les manifestants expriment un fort sentiment anti-gouvernemental et anti-guerre, alors que certains appellent à de nouvelles élections malgré le manque d'enthousiasme pour les autres candidats
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Dans une atmosphère plutôt sombre, des centaines de personnes se sont rendues samedi soir à une manifestation sur la place Habima de Tel Aviv pour exiger des élections immédiates et « un meilleur Israël », pour reprendre les mots d’un orateur.
Il s’agit peut-être de la première grande manifestation explicitement antigouvernementale depuis le début de la guerre le 7 octobre. Les manifestants en faveur des « élections maintenant » se sont rassemblés en masse sur la place centrale de Tel Aviv, et beaucoup arboraient des banderoles hautement hostiles au Premier ministre Benjamin Netanyahu et à sa coalition de la droite dure.
« Le cri des mères : faites sortir nos soldats de Gaza maintenant », pouvait-on lire sur une affiche, tandis qu’une autre appelait à « un accord diplomatique ». « Israël ne survivra pas si nous ne le [le Premier ministre Benjamin Netanyahu] renversons pas », lisait-on sur une autre.
S’exprimant lors d’un point de presse samedi soir, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a déclaré qu’il y avait un possible « mouvement » vers un nouvel accord pour la libération des otages restants, mais il a également souligné qu’il ne « voulait pas susciter des attentes exagérées ».
« Le Hamas a lancé toutes sortes d’ultimatums que nous n’avons pas acceptés », a-t-il déclaré, soulignant que si un accord viable était possible, « il serait mis en œuvre ».
À l’heure actuelle, a-t-il ajouté prudemment : « Nous voyons peut-être une possibilité de mouvement. »
On estime que 129 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre sont encore à Gaza – mais pas tous ne sont en vie – après que 105 civils ont été libérés de captivité par le Hamas lors d’une trêve d’une semaine fin novembre. Quatre otages avaient été déjà libérées et une soldate avait été secourue par des troupes. Les corps de huit otages ont également été retrouvés et trois otages ont été tués par erreur par l’armée. L’armée israélienne a confirmé la mort de 23 des personnes toujours détenues par le Hamas, citant de nouveaux renseignements obtenus par les troupes opérant à Gaza.
Lors de la manifestation de samedi à Tel Aviv, de nombreux manifestants ont apporté des drapeaux israéliens du mouvement anti-réforme judiciaire d’avant le 7 octobre, conférant à la manifestation un aspect antigouvernemental qui a été absent de la plupart des grandes manifestations depuis les atrocités commises, il y a presque trois mois, par le Hamas.
Guy Ginat, un manifestant originaire de Rehovot, tenait une banderole en anglais avec les mots « Vous nous apportez la mort et dites ‘c’est la vie' », faisant référence à une remarque faite par Netanyahu le mois dernier après que Yuval Castleman, un civil armé eut aidé à neutraliser un terroriste à Jérusalem avant d’être lui-même abattu par erreur par un soldat.
« Nous devons mettre fin à ce gouvernement, il nous mène vers un endroit très antidémocratique, dans un endroit où mes enfants et moi n’avons pas notre place, si cela continue ainsi », a déclaré Ginat.
« Il y a trois fronts dans cette guerre : à Gaza, au nord avec le Hezbollah et en Cisjordanie. Le quatrième front, l’arène politique, est le front existentiel », a-t-il affirmé.
Bien qu’il ait exigé des élections immédiates, Ginat ne manifestait aucun enthousiasme pour les dirigeants politiques susceptibles de vaincre la coalition actuelle, mais a exprimé son optimisme quant au fait qu’une fois de nouvelles élections déclenchées, des candidats plus prometteurs pour sa vision du pays pourraient se présenter.
Et il s’est également dit convaincu que la coalition actuelle serait vaincue lors des prochaines élections et qu’ « un gouvernement plus libéral qui préservera le caractère du pays en tant qu’État libéral » remplacerait l’actuel.
La manifestation a été organisée par plusieurs groupes, dont l’organisation de protestation antigouvernementale Hofshi Israel ainsi que par certaines familles endeuillées par la guerre actuelle.
Parmi les intervenants figuraient Ofri Zur, dont le frère Amir Zur a été tué lors de l’assaut mené par le Hamas contre le kibboutz Kfar Aza, et le général de division (de réserve) Guy Tzur, ancien chef du commandement sud de Tsahal, alors que l’événement était animé par Gal Pihovitz, la mère d’un soldat combattant actuellement à Gaza.
Une exposition sur la place Habima rendait hommage aux victimes des atrocités du 7 octobre et disait : « Pas en vain, nous le promettons ».
Même si de nombreux manifestants au cœur de la Tel-Aviv, libérale et progressiste, ne semblaient pas particulièrement enthousiastes quant aux vainqueurs potentiels des élections qu’ils réclamaient, ceux qui ont parlé avec ce journaliste ont néanmoins estimé que les vainqueurs probables constitueraient une amélioration certaine par rapport au gouvernement actuel.
« Nous aurions dû déjà changer de direction hier, notre économie est en déclin, tout comme notre sécurité et notre diplomatie. Nous ne survivrons pas jusqu’aux prochaines élections si cela devait prendre encore trois ans », a déclaré Gili Keshet, un habitant de Tel Aviv.
« C’est notre vie avec Netanyahu au pouvoir. C’est catastrophe après catastrophe après catastrophe », scandaient les manifestants.
Rotem Telem, une habitante de Tel-Aviv, dit être venue à la manifestation sur la place Habima avec un profond sentiment de « désespoir et de peur » face à la situation, en particulier avec la mort de soldats israéliens et de civils palestiniens à Gaza dans le cadre de la guerre contre le Hamas.
« Des gens des deux côtés meurent sans raison. J’ai bien peur qu’ils ne nous disent que nous sommes en train de gagner une guerre que nous avons déjà perdue le 7 octobre », dit Telem avec découragement.
« Nous ne pouvons pas gagner cette guerre. On ne change pas les paradigmes par la guerre. Tuer des enfants n’est pas une politique », a-t-elle poursuivi.
Telem veut des élections immédiates et dit qu’il est possible d’organiser une campagne électorale malgré la guerre, mais qu’elle ne soutiendra aucun des candidats.
« Gantz n’est pas une solution, Lapid est trop à droite, mais ils seraient au moins en mesure de garantir le bon fonctionnement des ministères, vidés de leur substance par Netanyahu, et de restaurer l’État pour que nous puissions continuer », a-t-elle conclu.
« Bibi n’est pas apte à rester en poste. Il ne peut pas prendre de décisions fondées sur le bien du pays. Son intérêt étroit est sa survie personnelle et c’est ce qui motive ses décisions. N’importe qui d’autre serait mieux », a-t-elle déclaré.