Avec la reprise des combats à Gaza, des veuves redoutent de ne jamais récupérer leurs maris
Les veuves de soldats dont les dépouilles figurent parmi les 35 otages morts retenus à Gaza réclament "la libération immédiate de tous les otages, vivants et morts"

Alors que Tsahal a repris les combats contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, le 18 mars, la veuve d’un otage dont la dépouille est toujours retenue dans l’enclave côtière a appelé à un accord immédiat pour la libération de tous les captifs.
« Il est crucial d’aboutir à un accord permettant la libération de tous les otages, vivants et morts, en une seule fois et par un transfert unique », a affirmé Saphir Zohav Hamami, dont le mari, le colonel Asaf Hamami, 41 ans, commandant de la brigade Sud de la division de Gaza, a été assassiné en combattant les terroristes du Hamas le matin du 7 octobre 2023.
À ce jour, 24 otages seraient encore en vie à Gaza, tandis que la mort de 35 autres a été confirmée. Parmi eux, 34 avaient été enlevés lors du pogrom perpétré par le Hamas, et un soldat avait été tué lors de la guerre de Gaza en 2014.
Hamami fait partie d’un groupe informel de sept veuves, membres de l’Organisation des veuves et des orphelins de Tsahal (IDFWO), dont les dépouilles des maris sont toujours retenues à Gaza. Fondée en 1991, l’IDFWO soutient et accompagne les veuves et les orphelins des soldats tombés au combat.
Lors d’entretiens avec le Times of Israel, quatre de ces veuves ont exprimé leur angoisse et leurs craintes. Pour elles, la reprise des frappes de Tsahal fait peser le risque que les dépouilles de leurs maris soient perdues ou abandonnées à Gaza pendant des années, voire à jamais.
Quatre des époux faisaient partie des équipes d’intervention d’urgence de leur communauté. Ils ont été parmi les premiers à intervenir le matin du 7 octobre, lorsque plus de 5 000 terroristes du Hamas ont franchi la frontière israélienne, massacrant environ 1 200 personnes et enlevant 251 otages. Ces attaques ont également été marquées par des atrocités, incluant des viols et des actes de torture. Le cinquième était un officier de carrière, le commandant de la brigade Sud de la division de Gaza. Le sixième était un sergent-major bédouin qui avait deux épouses.
Ensemble, ils laissent derrière eux 30 orphelins.
Alors qu’Israël se trouve à un tournant entre une intensification des combats et la perspective d’un cessez-le-feu prolongé, les quatre veuves lancent un appel pressant pour que les corps de leurs maris soient rapatriés et inhumés dignement.
Ela Haimi, 41 ans, veuve de Tal Haimi

Le plus jeune fils d’Ela Haimi, Lotan, est né le 1ᵉʳ mai 2024, sept mois après l’assassinat de son mari Tal, 41 ans, membre de l’équipe d’intervention d’urgence du kibboutz Nir Yitzhak, lors de l’attaque du Hamas.
Haimi, membre de la troisième génération du kibboutz, avait quitté la maison ce matin-là pour combattre les terroristes infiltrés. Il a été enlevé et emmené à Gaza. Pendant plusieurs mois, sa famille a espéré qu’il était toujours en vie, mais en décembre 2023, l’armée israélienne a confirmé son assassinat.

« Il y a un bébé qui n’a jamais connu Tal, et Tal ne sait pas qu’il existe », confiait Ela au Times of Israel lors d’une téléconférence le 6 mars dernier.
Le couple a également des jumeaux, aujourd’hui âgés de 11 ans, ainsi qu’un fils de 8 ans.
Pendant sa grossesse, Ela a reçu le soutien de Ledzidech (À tes côtés), un programme géré par l’IDFWO.
« Le 7 octobre a été une journée terrible et traumatisante », explique-t-elle, évoquant la douleur de ses enfants. « Leur père n’est plus là et ils ne savent pas où il est. »
Son fils Udi a cessé d’aller à l’école après le pogrom du Hamas.
« Il a presque huit ans et il ne sait ni lire ni écrire », déplore-t-elle.
Udi et l’un des jumeaux sont désormais scolarisés à Bustan Bamidbar, une école en plein air installée dans la forêt près du kibboutz Mashabei Sadeh, où la famille a trouvé refuge. « Ils ont enfin trouvé leur place », confie-t-elle.
« C’est très dur », ajoute Ela. « Je suis convaincue que lorsque la dépouille de Tal nous sera rendue et que nous pourrons l’enterrer au kibboutz, les choses seront un peu plus faciles. Ce sera une forme de conclusion. »
Hadas Adar, 40 ans, veuve de Tamir Adar

Hadas Adar raconte que, dès que Tamir a appris que des centaines de terroristes dirigés par le Hamas avaient envahi la région, le matin du 7 octobre, son mari, Tamir Adar, 38 ans, a quitté précipitamment la maison pour aider l’équipe de sécurité locale du kibboutz Nir Oz.

« Tamir est parti sans nous dire au revoir », raconte sa veuve, Hadas. Une réalité qui pèse lourd sur elle et sur leur fils, Asaf, aujourd’hui âgé de sept ans.
« Asaf me répète sans cesse qu’Abba [papa] a menti en disant qu’il reviendrait bientôt », confie-t-elle. « Nous étions persuadés qu’il rentrerait. Mais il nous a été enlevé. »
D’après ce que Hadas a pu reconstituer, Tamir, un agriculteur, a été blessé alors qu’il se battait à l’entrée du kibboutz. Il a ensuite été kidnappé vivant et emmené à Gaza.
Ce jour-là, 117 membres du kibboutz ont été assassinés ou enlevés, soit un habitant sur quatre.
La grand-mère de Tamir, Yaffa Adar, faisait partie des otages. Son enlèvement a été immortalisé par une image devenue emblématique de l’attaque. Elle a été libérée 48 jours plus tard, en même temps que 104 autres civils, lors d’une trêve d’une semaine fin novembre 2023.

Lorsque plusieurs otages qui ont été secourus des griffes du Hamas en février ont retrouvé leurs familles fin janvier et février, Hadas a raconté qu’Asaf ne cessait de lui demander si lui aussi irait « à l’hôpital pour voir Abba quand il reviendra ? ».
Hadas ajoute qu’Asaf lui demande régulièrement quand « son père » reviendra. Sa fille Neta, qui a cinq ans aujourd’hui, lui demande quand « le corps de son père » reviendra.
« Tout le monde parle des enfants qui attendent le retour de leur père encore en vie », explique Hadas. « Mais les enfants dont les pères ne sont plus en vie attendent, eux aussi, leur retour. »
« Tamir était un héros, et il mérite un enterrement digne de ce nom au kibboutz, sur la terre qu’il a cultivée, aimée et qu’il a défendue jusqu’à la mort », ajoute-t-elle. « C’est la seule façon pour nous de commencer à guérir. »
Yaffa Rudaeff, 62 ans, veuve de Lior Rudaeff

Yaffa Rudaeff du kibboutz Nir Yitzhak a confié au Times of Israel lors d’une téléconférence que son mari, Lior Rudaeff, 61 ans, s’était levé de bonne heure le 7 octobre, prêt à partir en balade à moto avec des amis. Il a alors reçu un appel de l’équipe d’intervention d’urgence, dont il était membre depuis 40 ans, l’avertissant que des terroristes du Hamas s’étaient infiltrés dans le kibboutz.
Alors que Lior partait se battre près de la barrière du kibboutz aux côtés de Tal Haimi, Yaffa s’est réfugiée dans la pièce sécurisée de leur maison.

Elle raconte s’être surtout inquiétée, au moment des faits, pour le plus jeune de ses quatre fils, Ben, qui participait au festival de musique Nova. Si Ben a réussi à échapper aux terroristes palestiniens lourdement armés qui ont déferlé sur l’événement, ces derniers y ont sauvagement assassiné au moins 364 personnes et enlevé plus de 40 otages, dont certains sont toujours détenus à Gaza.
Tout au long de cette « journée horrible », Yaffa raconte avoir entendu des terroristes « ainsi que des femmes et des enfants [palestiniens] se déchaîner dans le kibboutz ».
Plus tard dans la soirée, sa famille a réussi à localiser le téléphone de Lior à Khan Younès et a compris qu’il avait été kidnappé. Sept mois plus tard, ils ont appris qu’il avait été assassiné dès le 7 octobre.
Aujourd’hui, Yaffa travaille à temps partiel comme professeure d’art, une activité qui lui donne « une raison de se lever le matin ». Mais elle confie avoir le sentiment d’avoir été « abandonnés. Nous avons l’impression que les otages ont été abandonnés ».
Sa plus grande crainte est qu’avec la reprise des combats, la bande de Gaza « soit méconnaissable et qu’ils ne soient plus en mesure de retrouver Lior ni aucun des autres disparus. »
« Il ne mérite pas d’être enterré n’importe où à Gaza », conclut-elle.
Saphir Zohav Hamami, 40 ans, veuve d’Asaf Hamami

Le 25 février, Saphir Zohav Hamami a lancé un appel poignant au président américain Donald Trump, exhortant à ramener la dépouille de son mari, le colonel Asaf Hamami, toujours détenue à Gaza.
« Asaf, ainsi que ses deux soldats, Tomer Ahimas et Kiril Brodski, ont livré une bataille héroïque au kibboutz Nirim contre des dizaines de terroristes du Hamas », a-t-elle écrit. « Ce faisant, ils ont empêché un terrible massacre. »
Alors que Tsahal a récupéré les corps d’Ahimas et de Brodski le 25 juillet 2024 à Khan Younès, celui d’Asaf demeure à Gaza.

« Asaf est l’officier israélien le plus haut gradé, et peut-être même au monde, à avoir été pris en otage », a souligné Saphir dans sa lettre. « Du plus profond de mon cœur meurtri, je vous implore de ramener Asaf à la maison, de rapatrier tous ceux qui sont tombés au combat chez eux, dans l’État d’Israël, dans la dernière phase de l’accord. »
Saphir dit avoir reçu confirmation que Trump avait bien reçu son courrier, mais il n’y a pas encore répondu.
Si Tsahal a organisé des funérailles militaires pour Asaf le 4 décembre 2023, pour Saphir ce n’est pas « Asaf qui a été enterré. Nous avons enterré du sang et du sable ».

Nous sommes toujours le 7 octobre
Liat Beinin Atzili fait également partie du groupe des veuves. Capturée par le Hamas le 7 octobre, elle a été libérée lors d’un accord temporaire de cessez-le-feu et d’échange d’otages. Son mari, Aviv Atzili, membre de l’équipe d’intervention d’urgence du kibboutz Nir Oz, a été assassiné lors du pogrom du 7 octobre. Sa dépouille est toujours détenue à Gaza. Il laisse derrière lui trois enfants.

Le sergent-major Muhammad Alatrash, 39 ans, originaire de Sawa, une communauté bédouine du sud d’Israël, était pisteur dans la brigade nord de la division de Tsahal à Gaza. Il a combattu des terroristes du Hamas près du kibboutz Nahal Oz, où il a été assassiné ; sa dépouille a été emportée à Gaza.
Sa mort a été confirmée le 24 juin 2024.
Il laisse derrière lui ses deux épouses, Amna Alatrash et Ktimal Alatrash, ainsi que leurs 13 enfants.

Depuis le 7 octobre, l’IDFWO compte 315 nouvelles veuves et 670 nouveaux orphelins.
Tant que les corps de leurs proches ne seront pas rapatriés de Gaza, explique Shlomi Nahumson, directeur général de l’IDFWO, « pour ces sept veuves et ces 30 orphelins, nous sommes toujours le 7 octobre ».
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