Comment McDonald’s a adopté la même position que Ben & Jerry’s – sans scandale
En n'explicitant pas son refus d'ouverture de succursales au-delà de la ligne verte, la chaîne de fast-food a pu faire profil bas et éviter d'être qualifiée d'antisémite

NEW YORK – Bien avant Ben & Jerry’s, McDonald’s avait déjà pris position contre les implantations israéliennes.
En 2013, le directeur général de la chaîne de restauration rapide en Israël a refusé une offre d’ouverture d’une succursale dans l’implantation d’Ariel, dans le nord de la Cisjordanie, suscitant la colère de ses résidents et des législateurs de droite du parti HaBayit HaYehudi qui avaient alors appelé les Israéliens à boycotter McDonald’s en signe de protestation.
Le président du parti à l’époque, Naftali Bennett, avait juré d’être le premier client à manger un hamburger chez son concurrent local Burger Ranch, qui a annoncé qu’il ouvrirait une succursale dans le centre commercial d’Ariel à l’endroit où McDonald’s avait refusé de s’installer.
Mais la mobilisation s’était arrêtée là. McDonald’s a continué à exploiter près de 180 succursales dans tout Israël, à l’intérieur des frontières de 1967, dont des dizaines sont certifiées casher. Lorsque le président du conseil régional de Samarie, Yossi Dagan, a lancé une campagne visant à empêcher McDonald’s de participer à un appel d’offres pour l’exploitation de l’aéroport Ben Gurion en 2019, il n’a pas réussi à convaincre les autorités, et le fast-food s’est installé dans la zone de duty-free l’année suivante.
Comme Ben & Jerry’s, McDonald’s s’oppose aux ventes au-delà de la Ligne verte, ne faisant pas de différence entre les implantations israéliennes et les autres zones de Cisjordanie sous contrôle palestinien limité. Mais contrairement au distributeur de glaces, McDonald’s a évité de publier une déclaration à la presse pour annoncer officiellement cette politique.
Le refus d’ouvrir une succursale à Ariel a été divulgué à plusieurs médias israéliens par des sources déçues impliquées dans l’acquisition du centre commercial. Les journalistes qui se sont adressés à McDonald’s Israël pour obtenir des commentaires ont reçu une réponse laconique affirmant qu’il avait « toujours été dans la politique » de la société de ne pas ouvrir de succursales au-delà de la Ligne verte.

L’entreprise McDonald’s basée aux États-Unis donne à chacune de ses franchises à l’étranger des frontières spécifiques où elles peuvent ouvrir des succursales, et dans le cas d’Israël, ces frontières ne se sont jamais étendues au-delà de la Ligne verte. Mais McDonald’s et McDonald’s Israël ont pris soin de ne pas rendre ces limites publiques, et les représentants de la chaîne de restauration rapide aux États-Unis et en Israël ont refusé de s’exprimer officiellement à ce sujet.
Ben & Jerry’s a choisi une autre approche, avec une déclaration publiée fièrement sur son compte Twitter, expliquant qu’il « est incompatible avec nos valeurs que la crème glacée Ben & Jerry’s soit vendue dans les Territoires palestiniens occupés ».
Les responsables israéliens ont cette fois critiqué Ben & Jerry’s pour la décision de l’entreprise, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid déclarant que le fabricant de glaces avait « cédé à l’antisémitisme » et le président Isaac Herzog qualifiant le boycott de « forme de terrorisme ».
Plus concrètement, l’ambassadeur d’Israël aux États-Unis, Gilad Erdan, a contacté les gouverneurs de plus de 30 États américains où des lois anti-BDS ont été adoptées ces dernières années, les exhortant à sanctionner Ben & Jerry’s et sa société mère Unilever comme le prévoient ces lois. Une poignée d’États ont déjà répondu à l’appel et se penchent sur la question.
La plupart de ces lois n’existaient pas lorsque McDonald’s a refusé l’offre du centre commercial d’Ariel en 2013. Mais elles sont entrées en vigueur aujourd’hui, et on n’a pourtant pas entendu les responsables israéliens exhorter les gouverneurs américains à sanctionner McDonald’s.
Nitsana Darshan-Leitner, qui dirige le centre juridique israélien de droite Shurat Hadin, a déclaré que même si McDonald’s avait peut-être été inspiré par les réclamations du mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), son absence de déclaration publique claire sur la question avait suscité une réaction beaucoup plus modérée.

« Nous ne pouvions pas aller de l’avant [avec des réclamations contre eux] parce qu’ils n’ont fait aucune annonce et qu’il n’y avait aucune preuve », a-t-elle dit, suggérant que la courte réponse que McDonald’s a envoyée aux journalistes en 2013 était insuffisante pour les accuser de discrimination.
Le centre offre une représentation juridique et un plaidoyer pour les victimes du terrorisme et poursuit ceux qui boycottent Israël.
Mais la présidente de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient (FMEP), Lara Friedman, était moins convaincue par cette défense.
« Israël décide de faire la différence entre les implantations [et Israël proprement dit] quand il en a envie », a-t-elle déclaré, faisant référence aux accords économiques que le gouvernement de l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu a signés avec l’UE, la Corée du Sud et la Chine et qui ne s’appliquent explicitement pas aux implantations. « Dans ces cas, [Netanyahu] n’en a pas fait une affaire ou ne les a pas accusés de boycotter Israël. »
Darshan-Leitner a convenu que la politique israélienne concernant le statut de la Cisjordanie avait été « incohérente » et a déclaré que cela l’avait « déçue ». Elle ajoute que cela souligne la nécessité pour les organisations privées de prendre part à la lutte contre le mouvement de boycott là où le gouvernement a échoué.

En attendant, le gouvernement prend le relais, Lara Friedman de la Fondation pour la paix au Moyen-Orient expliquant que Jérusalem « avait saisi la nature publique de l’annonce de Ben & Jerry’s comme une opportunité, plutôt qu’un défi ».
« Là où McDonald’s est un défi parce que [le gouvernement] voudrait garder ses succursales en Israël, le cas Ben & Jerry’s a été l’occasion de recadrer la question au sujet du mouvement BDS et d’envoyer un message d’avertissement à toute autre personne qui pourrait vouloir participer [au boycott] », a-t-elle déclaré, notant que la même stratégie avait été employée contre Airbnb il y a trois ans.
À l’époque, la société de location de logements avait annoncé publiquement qu’elle supprimerait quelque 200 logements situés dans les implantations, avant de revenir sur sa décision plusieurs mois plus tard, après avoir été inondée de poursuites judiciaires et de menaces de désinvestissement de la part de divers États américains.
En gardant un profil plus bas avec une position presque identique, McDonald’s a apparemment réussi à passer entre les mailles du filet.
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