Des lettres d’un père écrites pendant les années fondatrices d’Israël retrouvées
Après avoir mis la main sur ces lettres après la mort de son père, Daniel Chertoff relate des récits de l'Israël pré-État à travers les expériences de son père
Après la mort de son père Mordechai à l’âge de 91 ans, Daniel Chertoff a découvert un tiroir de commode qui renfermait des lettres rédigées lorsque son auteur avait 20 ans et vivait dans le pré-État d’Israël, où il a assisté à la fondation de l’État juif.
La correspondance, décrivant des événements s’étant déroulés entre 1947 et 1950, constitue un véritable trésor d’histoires antérieures à la fondation d’Israël.
Daniel Chertoff, 65 ans, travaillait déjà avec son père sur ses mémoires avant que celui-ci ne s’éteigne. Après avoir passé toute sa vie d’adulte aux États-Unis, ce dernier était revenu en Israël à la fin de sa quatre-vingtième année pour se rapprocher de son fils et de sa famille.
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Mais Mordechai n’avait jamais mentionné ses lettres, qu’il a rapportées en Israël lorsqu’il s’y est installé six ans avant sa disparition.
« Je crois au plus profond de mon cœur qu’il les a oubliées ou peut-être qu’il s’agissait d’une stratégie pour que je les découvre plus tard et que je me lance dans ce périple sans son aide », commente Daniel Chertoff.
« C’est mon rêve ».
Quelle que soit la raison, ces correspondances ont suscité la curiosité de son fils. Elles sont le point de départ de recherches intenses et de la rédaction d’un ouvrage Palestine Posts, An Eye-Witness Account of the Birth of Israel [Courriers de Palestine, un témoignage de la naissance d’Israël]. Cette œuvre biographique examine l’année tendue et pleine de rebondissements ayant mené à la déclaration d’indépendance du pays en 1948.
“Mais c’est à Jérusalem que je me sens véritablement chez moi, et je me souviendrai de cette journée comme l’événement le plus heureux de ma vie. Je me sens un peu délirant, ivre “mais pas à cause du vin.” Si seulement, vous pouviez être là !
Il s’agit du récit d’une histoire juive avec un thème extrêmement personnel en filigrane, principalement parce que Daniel Chertoff avait une relation compliquée avec son père. Il l’aborde d’ailleurs en toute sincérité dans l’avant-propos du livre, puis y revient à la toute fin. Mais cela ne constitue pas le cœur du livre, l’auteur préfère se concentrer sur l’histoire de son père, racontant, selon ses propres termes, « un travail très personnel, subjectif et idiosyncratique ».
« J’ai décidé de ne pas faire d’analyse au fur et à mesure, car je ne voulais pas préempter l’interprétation du lecteur », explique-t-il. « J’invite les gens à tirer leurs conclusions et à m’en faire part. Je suis un partisan du principe de ne pas dire aux gens quoi penser ».
Il aura néanmoins fallu du temps à Daniel Chertoff pour s’engager dans ce projet. Il a commencé par numériser les courriers, pour les conserver pour ses trois enfants adultes. Mais après la lecture de quelques lettres, il s’est rendu compte qu’il était le seul à savoir de qui il était question dans ces bavardes correspondances familiales.
Il ne pouvait désormais plus décrocher. Il les a alors fait retranscrire par un service spécialisé en Inde, les a retapées à l’ordinateur et annotées. Après une lecture plus approfondie, Daniel Chertoff a découvert que les aspects profondément historiques des aventures de son père.
Il a dû s’appuyer sur des sources secondaires, des mémoires et des autobiographies pour combler les blancs laissés parfois par Mordechai Chertoff.
Les 499 pages du livre sont consacrées à une courte période ayant conduit à 1948 et au plan de partition. Chertoff était arrivé dans le pré-État d’Israël en 1947 où il travailla pour le Palestine Post, l’ancêtre du Jerusalem Post et servit dans la Haganah, la milice pré-État, l’ancêtre de l’armée israélienne.
Je dois reconnaître, Mordecai, que je n’ai pas le cœur à écrire des lettres actuellement. Je n’ai pas la sérénité ou la tranquillité d’esprit pour cela. Car en ce moment – les jours de l’Assemblée des Nations unies – sont des jours déterminants – pour nous. Notre destin – celui de la terre et de la nation – leur a été confié, c’est eux qui détermineront notre destinée. Je lis le rapport de l’assemblée chaque jour, et mon cœur est horrifié d’humiliation et de fureur… humilié par notre statut inférieur parmi les nations. Ils ont tous envoyé leurs délégués, et nous n’en avons pas un seul, comme si nous n’étions pas une nation, et comme si cela ne nous concernait pas du tout.
“30 novembre 1947. Ainsi en fut-il – Cela a été adopté à minuit ! Et un rédempteur arrivera à Sion ! Ma chère famille – vendredi après-midi, avant Shabbat, nous nous sommes réunis, craintifs, autour de notre immense poste de radio au bureau du journal et avons entendu la proposition du report du vote – Nos yeux se sont assombris et notre sang s’est glacé dans nos veines : ils “nous bernent ». Après la retransmission, nous avons arpenté les rues muettes et tristes de Jérusalem, où nous n’avons trouvé aucun réconfort. Nous imaginions des soldats postés à tous les coins de rue et des mitraillettes, des explosions et des sirènes, la terreur et la souffrance étaient revenues. Puis vînt la claire matinée de Shabbat sous un soleil de plomb, les gens marchent avec un certain espoir et des prières sur les lèvres et affluent vers le mur Occidental pour prier avec leurs rabbins. Je suis allé rendre visite au Rabbi Herzog avant d’aller au bureau pour écouter les dernières informations et pour travailler sans espoir logique de victoire, mais avec le grand sentiment que, malgré tout, nous triompherons.
Parmi les expériences vécues de près par Mordechai Chertoff figurent le siège de Jérusalem, les actions de Dov Yosef, le gouverneur militaire de Jérusalem en 1948, et le bombardement des bureaux du Palestine Post la même année, un jour où l’intéressé se trouvait à son bureau.
« Il a écrit près de 5 000 mots à ses parents sur ce qu’il s’est passé », indique son fils.
« Il aborde le travail des secours, ce qu’il s’est passé à l’intérieur et comment il a exfiltré son typographe préféré », un collègue très apprécié qui succomba plus tard à ses blessures.
Comme de nombreux anglophones aujourd’hui, Chertoff senior écrit qu’il préférait les Israéliens, mais était principalement ami avec d’autres Américains. Ils prenaient soin les uns des autres et appelaient les parents lorsqu’ils rentraient aux États-Unis.
Daniel Chertoff a passé beaucoup de temps à retrouver ces amis, et leurs enfants, pour ses recherches.
« J’ai raconté aux gens les histoires de leurs parents », relate Daniel Chertoff.
« Ce sont des gens intéressants à leur manière, et les amis de mon père, leurs parents, ont joué des rôles importants, et ça a fasciné leurs enfants ».
Pour Chertoff, qui décrit ses parents comme des gens égocentriques et pas des plus chaleureux, cela s’est avéré être un moyen d’accéder à son père, une occasion de le découvrir lorsqu’il était jeune homme.
Mordechai Chertoff, qui a fini par travailler comme rabbin conservateur aux États-Unis après son départ d’Israël, était un auteur talentueux, mais pas un très grand rabbin, sûrement parce qu’il n’était pas la personne la plus compatissante qui soit.
Pour son fils marié, père de trois enfants et huit fois grand-père, la découverte de son père plus jeune a été un processus essentiel pour sa propre identité.
« J’ai été incroyablement béni de trouver ces lettres », confie-t-il. « Ça m’a donné l’occasion de comprendre comment nous sommes passés de là à ici ».
À la fin du livre, il demande aux lecteurs de parler à leurs parents et de les interroger sur leur histoire.
« Je me sens incroyablement privilégié d’avoir ces artefacts », confirme l’auteur. « C’est un trésor ».
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