Des poupées pour protester contre l’aide de Litzman à des prédateurs sexuels
Le vice-ministre de la Santé est soupçonné d'être illégalement intervenu dans deux dossiers impliquant des délinquants sexuels liés à la secte hassidique de Gour
Des activistes ont installé des douzaines de poupées devant le bureau du Premier ministre à Jérusalem dans la matinée de lundi pour protester contre les efforts qui auraient été livrés par le vice-ministre de la Santé pour venir en aide à des délinquants sexuels qui risquaient l’emprisonnement.
Le vice-ministre de la Santé Yaakov Litzman, à la tête du parti YaHadout HaTorah, a été interrogé le mois dernier par la police, soupçonné d’avoir cherché à obtenir une évaluation psychiatrique falsifiée qui aurait empêché l’extradition de l’ancienne directrice d’école Malka Leifer, une pédophile multirécidiviste, vers l’Australie.
La semaine dernière, la Treizième chaîne a annoncé qu’une seconde enquête avait été ouverte sur Litzman et son chef de cabinet, tous deux soupçonnés d’avoir exercé des pressions sur un psychiatre, Moshe Birger, pour s’assurer qu’un délinquant sexuel emprisonné proche de la secte hassidique de Gour de Litzman prendrait bien part à un programme de réinsertion. La participation à ce programme pouvait entraîner des droits de visite à domicile et une libération anticipée.
Litzman a nié tout acte répréhensible dans les deux dossiers, disant que l’aide qu’il avait apportée à Leifer entrait dans le cadre d’initiatives d’assistance plus générales menée pour les citoyens réclamant un soutien à son bureau. Il a qualifié les soupçons portant sur Birger de « mensonges et de calomnies nullement ancrés dans la réalité ».
Le mouvement de protestation de lundi a été dirigé par un groupe activiste dénonçant les agressions sexuelles appelé Lotem, acronyme en hébreu « d’unité de combat contre le terrorisme de genre ».
« Dans un pays dans lequel un vice-ministre de la Santé tente d’empêcher la condamnation de pédophiles en abaissant volontairement l’évaluation de la menace qu’ils représentent, un pays dans lequel un vice-ministre utilise avec cynisme sa position pour protéger les délinquants sexuels et néglige des douzaines, si ce n’est des centaines de vies et d’âmes d’enfants, un pays dans lequel l’honorable ministre de la Santé Benjamin Netanyahu ne lève pas le petit doigt – nous, l’organisation Lotem, nous ne pouvons pas garder le silence », a dit le groupe dans un communiqué émis lundi.
« Comment comprendre que notre ministre de la Santé ne nous protège pas et qu’il n’empêche pas des intérêts extérieurs de tenter d’influencer et de prévenir la condamnation d’individus qui portent préjudice à la santé publique et à nos enfants ? », ajoute le communiqué.
Des pancartes, lors de la manifestation de lundi, disaient : « Litzman — protège les enfants, pas les pédophiles ! » et « Qui aura de la compassion pour les enfants des crèches ? »
Ce dernier slogan est une référence à un poème emblématique écrit par Yehuda Amichai qui dépeint Dieu comme ayant de la compassion pour les petits enfants fréquentant les crèches. C’est une critique contre la priorité présumée accordée par Litzman au devenir de délinquants sexuels et ce, au détriment des petites victimes, alors même qu’il représente le parti religieux YaHadout HaTorah.
Leifer, ancienne directrice de l’école pour filles ultra-orthodoxe Adass Israel de Melbourne est accusée de 74 cas d’agressions sexuelles dans le pays.
« J’ai beaucoup à dire mais je ne peux pas en parler. J’ai tout fait au nom du bien public, tout était légal », avait expliqué Litzman lors de la cérémonie d’inauguration d’un nouveau service de pédiatrie au sein de hôpital Barzilai d’Ashkelon, le 20 février, en évoquant l’enquête de police portant sur son intervention présumée.
Il a été interrogé par l’unité anti-corruption Lahav 433 sur le dossier la semaine dernière.
Il avait ajouté que sa conduite, dans l’affaire Leifer, avait été « très exactement celle que j’adopte face à une requête émanant du public – conforme à la loi ».
Leifer est également liée à la secte hassidique de Gour, et elle a enseigné au sein d’une école affiliée à cette branche haredi en Israël.
Un responsable du ministère de la Justice avait expliqué au Times of Israel, le mois dernier, que la police possédait des enregistrements de Litzman et de responsables de son bureau parlant aux employés du ministère de la Santé et leur recommandant vivement d’agir pour venir en aide à Leifer.
Les propos tenus par Litzman étaient survenus après le rejet, par un magistrat, d’un appel déposé par les avocats de Leifer qui réclamaient que leur cliente soit assignée à domicile. Le juge avait estimé qu’il ne pouvait pas la libérer pour des raisons médicales sans une évaluation psychiatrique récente concernant son état de santé. Les avocats de Leifer avaient prétendu que sa détention au cours de l’année précédente avait entraîné une détérioration de son état mental, à un tel point que « ses jours sont dorénavant en danger ».
Citoyenne israélienne, Leifer avait fui l’Australie pour Israël en 2008, quelques jours avant la révélation de soupçons d’abus sexuels, prévenue par des responsables de l’école Adass Israel où elle enseignait.
Après le début des poursuites par les autorités de Melbourne, l’Australie avait officiellement déposé une demande d’extradition en 2012. Deux ans plus tard, Leifer avait été arrêtée en Israël, avant d’être finalement libérée et assignée à domicile. Les juges l’avaient estimée inapte à comparaître en raison de son état mental. Ils avaient ensuite levé toutes les restrictions qui lui étaient appliquées, concluant qu’elle était trop malade pour seulement quitter son lit.
Elle aura été de nouveau appréhendée en février 2018 après une opération d’infiltration de la police qui avait mis en doute son état mental prétendument instable. Elle est restée en détention depuis. L’opération avait été lancée après l’obtention d’images la montrant se déplacer dans sa ville de résidence sans difficulté apparente. L’ONG Jewish Community Watch avait en effet engagé des détectives privés, lesquels avaient dissimulé des caméras dans l’implantation ultra-orthodoxe d’Emmanuel où Leifer et sa famille avaient trouvé refuge.