Envoyée en Pologne : il ne faut pas tenter d’annuler la loi sur la Shoah
Anna Azari explique qu'une annulation de la loi controversée déclencherait un nouveau débat enflammé. L'envoyée espère que sa portée sera réduite par les tribunaux
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
L’ambassadrice d’Israël en Pologne a déclaré jeudi qu’il était dans l’intérêt d’Israël que Varsovie garde sa loi controversée sur l’Holocauste, quoique sous une forme allégée.
S’adressant à la radio israélienne à l’occasion de la Journée du souvenir de l’Holocauste, Anna Azari a déclaré que l’annulation de la loi conduirait à de nouveaux débats au Parlement polonais sur la défense de l’honneur du pays.
« Pour nous, je pense qu’il serait préférable que les tribunaux donnent une interprétation précise et réduite de la loi », a-t-elle dit.
La loi sur l’Holocauste, entrée en vigueur le mois dernier, impose des amendes ou jusqu’à trois ans de prison à quiconque attribue « la responsabilité ou la coresponsabilité à la nation ou à l’État polonais pour des crimes commis par le Troisième Reich allemand ».
Le président Andrzej Duda a approuvé la législation en février malgré les protestations d’Israël, des États-Unis et du monde juif, mais il a déclaré qu’il demanderait à la Cour constitutionnelle de Pologne de l’évaluer – laissant ouverte la possibilité qu’elle soit amendée.
Fin mars, le bureau du procureur général polonais a décrit la loi comme étant en partie inconstitutionnelle, « dysfonctionnelle » et capable de miner l’autorité de l’État polonais.
Mme Azari a déclaré qu’elle avait l’impression que les autorités polonaises travaillaient déjà sur des changements législatifs, mais qu’elle ne pouvait pas en être certaine avant que le tribunal n’annonce sa décision. « On a l’impression qu’ils vont dans la bonne direction », a-t-elle dit.
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La question a mis à rude épreuve les relations entre Jérusalem et Varsovie.
Le gouvernement polonais a déclaré que la loi est un outil nécessaire pour combattre les cas dans lesquels la Pologne est blâmée à tort pour les crimes nazis allemands qui ont été commis en Pologne occupée pendant la Seconde Guerre mondiale.
Israël, les États-Unis et d’autres opposants craignent toutefois que la loi – qui est de toute façon inapplicable en dehors de la Pologne – ne vise en réalité à étouffer la recherche et la discussion en Pologne sur la violence anti-juive en temps de guerre, ce qui jette une ombre sur le comportement polonais en temps de guerre qui était par ailleurs en général honorable et marqué par de grandes souffrances.
Azari a dit être plus préoccupée par la vague d’antisémitisme qui a fait son apparition dans le discours public que par la loi elle-même.
L’ambassade surveille constamment les études et les sondages et sait que « environ 20 % ou plus » de la population nourrit des sentiments antisémites, a-t-elle précisé.
Ce qui a changé, c’est que ces sentiments sont maintenant exprimés en public.
Mais les autorités polonaises ont compris qu’elles avaient un problème, a-t-elle ajouté, et elle espère qu’elles commenceront à s’en occuper.
Le président israélien Reuven Rivlin et son homologue polonais Duda ont participé à la marche annuelle des vivants, jeudi, dans l’ancien camp de concentration nazi d’Auschwitz-Birkenau en Pologne.
C’est un autre élément de la relation bilatérale qu’Israël tient à développer, a dit Mme Azari.
« Personne ne veut jeter à la poubelle les relations très amicales entre les deux pays », a-t-elle poursuivi, ajoutant que la participation conjointe des deux présidents à Auschwitz était la bonne chose à faire à la lumière de la vague d’antisémitisme.