Gantz reproche à Netanyahu d’avoir nommé Ben Gvir ministre de la Sécurité nationale
Selon le ministre sortant de la Défense, Netanyahu a créé une "armée privée" pour Ben Gvir et légitime les "annexions de facto" en accordant l'autorité sur la Cisjordanie à Smotrich
Le ministre sortant de la Défense, Benny Gantz, a déclaré vendredi que le Premier ministre désigné Benjamin Netanyahu permettait au député d’extrême-droite, Itamar Ben Gvir, de devenir, de facto, le Premier ministre du prochain gouvernement après que le Likud a signé un accord, avec le parti Otzma Yehudit du législateur extrémiste, qui lui accorde un rôle élargi en matière de sécurité.
L’accord signé quelques heures plus tôt décrit les postes et l’autorité qu’Otzma Yehudit recevra dans le prochain gouvernement. Ben Gvir recevra le nouveau titre de ministre de la Sécurité nationale et sera responsable de la police nationale, en plus de superviser la division de la police des frontières en Cisjordanie.
Jusqu’à présent, cette unité était placée sous les auspices du ministère de la Défense et du Commandement du Centre de l’armée israélienne, le ministère de la Sécurité intérieure ne bénéficiant que d’une participation limitée.
Cette décision signifie que le chef du parti d’extrême-droite sera en charge des agents de la police des frontières impliqués dans le maintien de l’ordre lors des émeutes en Cisjordanie, ainsi que dans l’évacuation des avant-postes des implantations, qu’il soutient depuis longtemps.
Gantz a déclaré que l’établissement « d’une armée privée pour Ben Gvir en [Cisjordanie] est dangereux… et créera de réelles failles dans la sécurité ».
Le ministre sortant a également averti que la décision annoncée de Netanyahu de transférer le contrôle de l’Administration civile – l’organe du ministère de la Défense qui régit les aspects de la vie civile dans environ 60 % de la Cisjordanie – au ministère des Finances, que le leader du parti HaTzionout HaDatit, Bezalel Smotrich, est censé diriger, entraînera des critiques de la communauté internationale selon lesquelles Israël procède à une « annexion de facto » de la Cisjordanie.
« L’accord entre Ben Gvir et Netanyahu marque la direction dans laquelle le prochain gouvernement se dirige – le démantèlement des pouvoirs du gouvernement en fragments de ministères basés sur des besoins politiques ; et le démantèlement des cadres opérationnels au sein de Tsahal, ce qui portera atteinte à la fonctionnalité des soldats et de la police », a écrit Gantz dans des commentaires publiés vendredi.
« La conduite de Netanyahu laisse à penser que le véritable Premier ministre sera, en réalité, Ben Gvir », a-t-il ajouté.
Outre le ministère de la Sécurité nationale, Otzma Yehudit dirigera également une version élargie du ministère du Développement du Néguev et de la Galilée, le – nouvellement créé – ministère du Patrimoine, la commission de Sécurité intérieure de la Knesset, la commission spéciale de la Knesset pour le fonds des citoyens israéliens (qui supervise les revenus de l’État provenant des forages gaziers), en plus de recevoir le poste de vice-ministre de l’Économie.
Le ministère du Développement du Néguev et de la Galilée sera dirigé par le numéro 2 d’Otzma Yehudit, Yitzhak Wasserlauf. Amichai Eliyahu se verra confier le portefeuille du ministère du Patrimoine.
Le ministère du Patrimoine sera créé à partir d’une scission de l’actuel ministère des Affaires de Jérusalem. Selon le site d’information Ynet, les responsables du Trésor ont longtemps considéré que ce bureau n’était pas nécessaire, étant donné que Jérusalem a une municipalité et que les études sur le patrimoine sont déjà incluses dans le ministère de l’Éducation.
Selon Ynet, cette scission coûterait aux contribuables israéliens plus de 60 millions de shekels par an et environ un quart de milliard de shekels en quatre ans.
Le ministère du Développement du Néguev et de la Galilée recevra un budget annuel de 2 milliards de shekels et sera également chargé de la réglementation des nouvelles implantations de Cisjordanie.
Le député Almog Cohen sera vice-ministre de l’Économie et l’ancien général de Tsahal, Zvika Fogel, présidera la commission de la Sécurité intérieure. La députée Limor Son Har-Melech prendra la place d’Otzma Yehudit en tant que présidente tournante de la commission des redevances gazières.
L’accord entre le Likud et Otzma Yehudit prévoit également la création d’une garde nationale à grande échelle et l’extension de la mobilisation des troupes de réserve dans la police des frontières.
Il y aura également une « loi du Sud élargie », qui permettra d’abattre les personnes surprises à voler des armes dans les bases militaires.
L’année dernière, l’armée a mis à jour ses règles d’engagement pour permettre aux soldats d’ouvrir plus facilement le feu sur les voleurs d’armes et les contrebandiers présumés, dans le but de lutter contre la criminalité. L’impact de ce changement législatif n’a pas encore été révélé.
L’accord de coalition a été signé par Chanamel Dorfman, conseiller d’Otzma Yehudit, et le député Likud, Yariv Levin. Dorfman, décrit par Ben Gvir comme son « bras droit« , a aidé à créer une organisation qui soutient financièrement des Juifs reconnus coupables de terrorisme, dont l’assassin de l’ancien Premier ministre Yitzhak Rabin, Yigal Amir.
Dans des images de 2013 diffusées vendredi par la Douzième chaîne, Dorfman apparaît comme le marié lors du « mariage des couteaux », où lui et d’autres participants agitent des couteaux en dansant sur des chansons évoquant des attaques de vengeance contre des Palestiniens.
Parallèlement, l’Autorité palestinienne (AP) a également fait part de ses inquiétudes quant à l’autorité élargie de Ben Gvir en Cisjordanie.
« Nous considérons avec la plus grande sévérité les conséquences catastrophiques des accords sur le conflit, et en particulier les conséquences des pouvoirs que Netanyahu a accordés à Ben Gvir en ce qui concerne les territoires palestiniens occupés », a déclaré le ministère des Affaires étrangères de l’AP dans un communiqué.
« Le ministère renouvelle sa mise en garde contre les conséquences de ces accords sur les efforts de rétablissement du calme, d’autant plus que les milices armées des résidents d’implantations ont déjà commencé à s’organiser en formations militaires, compte tenu de leur sentiment que les résultats des élections israéliennes apportent un soutien à cette conduite et peuvent les encourager à commettre des crimes contre les citoyens palestiniens », a-t-il ajouté.
L’accord avec Otzma Yehudit témoigne des progrès lents mais constants du leader du Likud, Benjamin Netanyahu, dans ses efforts pour former une coalition suite aux dernières élections législatives.
La longueur des négociations a réduit les espoirs de Netanyahu de former rapidement un gouvernement après les élections du 1er novembre qui ont donné au bloc qu’il dirige une majorité de 64 sièges à la Knesset, qui compte un total de 120 membres. Les pourparlers se sont heurtés à des obstacles en raison des exigences croissantes et parfois contradictoires de ses partenaires.
La Treizième chaîne a rapporté que le Shas devait signer un accord avec le Likud dimanche, et avec Yahadout HaTorah par la suite. La chaîne a déclaré qu’il y avait encore des difficultés avec le parti HaTzionout HaDatit de Smotrich, car il cherche à obtenir un contrôle majeur sur les implantations en Cisjordanie.
Smotrich avait demandé à diriger soit le ministère de la Défense, soit le ministère des Finances. Netanyahu semblait avoir accepté ces derniers jours de lui donner ce dernier pour au moins les deux premières années du gouvernement. Malgré les progrès annoncés, les discussions avec Smotrich ont continué à s’enliser dans des accusations mutuelles, HaTzionout HaDatit affirmant que Netanyahu était revenu sur ses promesses et le Likud accusant le parti d’extrême-droite de formuler des demandes exagérées en échange de sa fidélité au gouvernement naissant.
Outre les deux premières années au ministère des Finances, Smotrich aurait exigé les portefeuilles des Affaires d’implantations et de l’Immigration et de l’Intégration, ainsi que la présidence de quatre des onze commissions de la Knesset contrôlées par la coalition.
Citant des sources impliquées dans les pourparlers, Haaretz a rapporté que Smotrich a également demandé le contrôle du système de conversion – au judaïsme – de l’État.
La Douzième chaîne a déclaré que Netanyahu ne serait probablement pas en mesure de former une coalition dans la semaine à venir car il doit encore faire passer une loi qui permettrait au leader du Shas condamné à deux reprises, Aryeh Deri, de devenir ministre. La loi actuelle interdit aux personnes récemment condamnées pour des infractions pénales d’occuper un poste de ministre ou de vice-ministre, à moins que la commission centrale électorale ne l’y autorise.
Netanyahu devra également adopter une loi permettant d’étendre les pouvoirs de Ben Gvir en tant que ministre de la Sécurité nationale.
Le leader du Likud a jusqu’au 11 décembre pour former le nouveau gouvernement, mais il pourra demander une prolongation de 14 jours s’il ne parvient pas à le faire dans les temps.