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GB : le nouveau chef du Labour « échoue » à sévir contre l’antisémitisme

C'est ce que clament des groupes juifs ; Keith Starmer est marié à une Juive, dit soutenir le sionisme et jure d'éradiquer le fanatisme au sein du parti ; sera-t-il entendu ?

Le secrétaire d'État pour la sortie de l'UE du Labour, Keir Starmer, parle du Brexit lors d'un événement du Parti travailliste à Harlow, au nord de Londres, le 5 novembre 2019. (Crédit :  Daniel LEAL-OLIVAS / AFP)
Le secrétaire d'État pour la sortie de l'UE du Labour, Keir Starmer, parle du Brexit lors d'un événement du Parti travailliste à Harlow, au nord de Londres, le 5 novembre 2019. (Crédit : Daniel LEAL-OLIVAS / AFP)

JTA — Difficile pour le nouveau leader du Parti travailliste britannique, Keir Starmer, de passer outre l’héritage laissé par Corbyn.

Peu après son élection à la tête de la formation il y a un mois, il avait promis de faire preuve d’une tolérance zéro face à l’antisémitisme. Et pour la communauté juive du pays, ce nouveau départ avait été un soulagement bienvenu. Jeremy Corbyn, l’ancien chef du Labour, quittait enfin son poste – après des scandales liés à la haine antijuive et qui ont ébranlé le parti sous sa direction pendant plusieurs années.

Mais la promesse faite par Keir Starmer a été rapidement mise à l’épreuve. Après une visioconférence controversée impliquant deux députés travaillistes, des organisations juives majeures ont estimé que le jeune dirigeant était en train de perdre la bataille.

Il y a d’abord eu, il y a quelques semaines, la promotion de trois parlementaires entretenant des relations tendues avec la communauté juive à des postes de haut rang au sein du Labour. Certains y ont vu un avertissement, tandis que d’autres ont indiqué que de telles initiatives étaient nécessaires pour stabiliser la formation à l’ère post-Corbyn.

Puis, le 29 avril, deux des députés les plus éminents du Parti travailliste – Diane Abbott et Bell Ribeiro-Addy, respectivement les ex-ministres de l’Intérieur et de l’Immigration du cabinet fantôme – ont pris la parole lors d’une rencontre organisée par visioconférence et à laquelle ont participé des militants bien connus qui avaient été exclus du parti dans le cadre du scandale d’antisémitisme.

Cette visioconférence – c’est le Jewish Chronicle qui en a fait état le premier – avait été organisée par l’aile d’extrême-gauche pro-Corbyn de la formation, sous les auspices d’un groupe récemment formé s’appelant « Ne partez pas, Organisez-vous » (un nom qui est un appel en soi lancé à l’extrême-gauche). Parmi les participants, Jackie Walker, expulsée des rangs du Labour en 2019 en raison de nombreux propos négatifs tenus à l’encontre des Juifs. Elle avait notamment déclaré qu’ils étaient « les financiers en chef dans le commerce du sucre et de l’esclavage ».

Jackie Walker, la vice-présidente du groupe du travailliste Momentum (Crédit : Capture d’écran YouTube)

Selon le site internet de Jackie Walker, son père, Jack Cohen, était un Juif ashkénaze russe. Le mois dernier, elle avait écrit sur Facebook que Keir Starmer « ne parle qu’aux Juifs sionistes et aux Conservateurs à la synagogue ». La famille de l’épouse de ce dernier, l’avocate Victoria Alexander, est juive. Elle a aussi de la famille en Israël. Keir Starmer avait déclaré au Jewish News qu’il espérait se rendre bientôt au sein de l’État juif en compagnie de ses deux enfants.

« Je soutiens absolument le droit à l’existence d’Israël », avait-il dit au journal. « Je soutiens le sionisme sans réserve ».

Présent également lors de la visioconférence, Tony Greenstein, un Juif renvoyé du Parti travailliste après avoir été accusé d’antisémitisme. Par le passé, il a qualifié Israël de « rejeton bâtard de Hitler » et a contribué à populariser un terme péjoratif et antisémite en anglais, « Zio ».

L’ancien maire de Londres, Ken Livingstone. (AP Photo/Kirsty Wigglesworth)

Pendant leur rencontre virtuelle, les participants ont pris la défense de Ken Livingstone, ancien maire de Londres qui avait déclaré en 2016 que Hitler avait « soutenu le sionisme avant de devenir fou et de finir par tuer 6 millions de Juifs ».

Pressé de quitter le parti, l’intéressé s’était retiré lui-même de la formation en 2018. Bell Ribeiro-Addy et Diane Abbott n’ont pas évoqué la question de l’antisémitisme pendant la visioconférence, selon le groupe Campaign Against Antisemitism, groupe de veille majeur de la communauté juive qui a occupé une place de premier plan dans la lutte contre Corbyn.

Dans sa seule réponse apportée à l’information révélant la tenue de cette visioconférence, Keir Starmer a indiqué au Bury Times qu’il allait se pencher sur le sujet.

« Ce que j’ai fait depuis que j’ai été désigné à la tête du Labour a été de saisir la première opportunité qui m’a été donnée pour présenter des excuses pour la manière dont la question de l’antisémitisme a été prise en charge dans le parti. Cela a été de tenter de construire des liens avec la communauté juive, de commencer à travailler sérieusement sur ces questions », a-t-il affirmé. « Et nous nous penchons actuellement sur les circonstances de cette réunion de la nuit dernière. Mais le plus important reste de reconstruire la relation. Et je sais que cela va être difficile à faire », a-t-il ajouté.

Le nouveau chef du Labour, Keir Starmer, arrive aux studios de la BBC, à Londres, le 5 avril 2020 (Crédit : Aaron Chown/PA via AP)

Un communiqué officiel du parti du Labour a eu des mots plus forts.

« Les propos qui ont été tenus par certains à l’occasion de cette visioconférence sont complètement inacceptables », a dénoncé le communiqué. « Ces individus ne soutiennent pas les valeurs du Parti travailliste. C’est ce qui est actuellement établi très clairement et avec les termes les plus forts auprès des députés de la formation ayant pris part à cette visioconférence, à qui leurs devoirs et leurs obligations ont aussi été rappelés ».

Mais ce communiqué n’est pas parvenu à satisfaire le groupe Campaign Against Antisemitism.

Dans ses reproches les plus cinglants à l’égard de Keir Starmer jusqu’à présent, le groupe de veille a estimé que la gestion du scandale par le nouveau dirigeant s’apparentait à « un échec à sanctionner » les parlementaires, ajoutant dans un communiqué qu’il « condamnait Sir Keir Starmer pour son incapacité à passer à l’acte ».

Au lieu « d’éradiquer l’antisémitisme à la racine, Sir Keir a renoncé », a pour sa part commenté l’un des directeurs du groupe, Gideon Falter. « Par son inaction, il dit clairement aux Juifs britanniques que ses excuses n’avaient aucune signification, que ses promesses ne seront pas tenues et que les parlementaires qui fricotent avec les militants qui ont été expulsés, même les plus célèbres, auront toujours leur place sur les bancs du Labour ».

A titre d’illustration : Marie van der Zyl se joint aux manifestants lors de la manifestation « Trop, c’est trop » devant le Parlement britannique en mars 2019. (Autorisation)

La présidente de l’organisation centriste Board of Deputies des Juifs britanniques a exprimé le même point de vue.

« Nous recommandons vivement au Labour de mener des actions rapides et décisives pour montrer que c’est une nouvelle ère qui voit le jour et pas une fausse aurore », a écrit Marie van der Zyl dans un communiqué. Elle a qualifié la présence des députés lors de la rencontre virtuelle de « complètement inacceptable » même pour des membres ordinaires du Labour.

Le groupe Labour Against Antisemitism, un groupe critique de Corbyn et de son héritage, a aussi attaqué Keir Starmer.

« La décision de rappeler les deux députés à leurs responsabilités et à leur devoir est une mesure inadéquate qui n’est pas à la hauteur de ce qu’il avait convenu il y a seulement deux semaines », a écrit le groupe dans un communiqué. En ne sanctionnant pas les deux parlementaires, Keir Starmer a affiché « un niveau décevant de lâcheté morale et politique. »

Le numéro un du Labour a de bonnes raisons d’avancer doucement. Ses premières semaines passées à son nouveau poste se sont déroulées sur une corde raide et fragile. Concernant la crise du coronavirus, il a tenté de critiquer le parti conservateur au pouvoir tout en faisant preuve de solidarité avec le gouvernement.

Sur le front de l’antisémitisme, il a dû à la fois tenter de calmer la controverse tout en ne tournant pas ouvertement le dos aux nombreux fidèles de Corbyn qui peuplent encore les rangs du Parti travailliste.

Photo d’illustration : Un jeune partisan du parti Travailliste montre son tee-shirt au visage de Jeremy Corbyn avant un discours de campagne électorale de ce dernier à Basildon, le 1er juin 2017 (Crédit : AFP/Justin Tallis)

« Si les fidèles de Corbyn s’entendent dire qu’ils n’ont plus leur place au sein du Parti travailliste sous l’autorité de Starmer, c’est garantir qu’ils réagiront mal », avait confié un militant du Labour à la JTA au début du mois.

Malgré ces problèmes, Starmer aura pris plusieurs initiatives pour se distancier de Corbyn et des scandales qui ont entaché son mandat. Et les Juifs britanniques l’ont remarqué.

Quatre jours après sa prise de fonction à la tête du Parti travailliste, la dirigeante du Board of Deputies des Juifs britanniques, Marie van der Zyl, avait fait savoir dans un communiqué que Keir Starmer « a fait plus que son prédécesseur en quatre ans dans la lutte contre l’antisémitisme au sein du Labour ».

Dans les quelques jours ayant suivi sa victoire lors des élections internes, Keir Starmer a également pris soin de rencontrer les responsables des groupes juifs majeurs dans le pays afin de tenter de réchauffer des relations qui s’étaient gelées sous Corbyn.

Il a écarté les personnalités nominées par Corbyn de l’instance gouvernante du parti, le Comité national exécutif. Il a également limogé Richard Burgon, un proche de Corbyn qui, en 2014, avait déclaré que « le sionisme est l’ennemi de la paix » et qui avait refusé d’accepter la définition de l’antisémitisme adoptée par le parti. Richard Burgon occupait le poste de secrétaire à la Justice du cabinet fantôme.

« Je sais que l’échec du Parti travailliste à prendre en charge le problème de l’antisémitisme a entraîné beaucoup de douleur dans les communautés juives’, avait dit le dirigeant dans une vidéo diffusée à l’occasion de Pessah, le 8 avril, dans laquelle il présentait également ses excuses face à cet échec.

Si vous êtes antisémite, vous ne pouvez pas et vous ne devez pas appartenir au Parti travailliste. Et pas de ‘si’, pas de ‘mais’ », avait écrit Keir Starmer dans une lettre ouverte publiée le 7 avril dans le quotidien Evening Standard.

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