Israël se prépare aux fêtes sur le Mont Meron, un an après la catastrophe meurtrière
Avec des règles qui ont drastiquement changé, les organisateurs se préparent à recevoir les pèlerins après la bousculade qui avait tué 45 personnes en 2021
Un an après la pire tragédie civile de toute l’Histoire d’Israël, les autorités se préparent à accueillir de nouvelles célébrations massives sur le mont Meron, dans le nord d’Israël, à l’occasion du lancement de la fête juive de Lag BaOmer mercredi soir.
33e jour de la période de sept semaines qui sépare les fêtes de Pessah et de Shavuoot, Lag BaOmer est l’anniversaire traditionnel de la mort du rabbin Shimon Bar Yochai, Rashbi, figure rabbinique de la mystique juive du 2e siècle. Bar Yochai avait appelé ses fidèles à célébrer l’anniversaire de sa mort, une tradition connue sous le nom de Yom Hilloula ou journée de festivité.
Sur le Mont Meron, dernière demeure de Bar Yochai, la fête est traditionnellement l’occasion pour des sectes hassidiques variées d’allumer de gros feux de joie pendant toute la nuit, du crépuscule jusqu’à l’aube, de chanter, danser et d’écouter de la musique. Ces cérémonies d’allumage de feux – il y en a une vingtaine – sont organisées dans six complexes qui entourent la tombe, avec de larges périmètres entourés de gradins, une scène, une sono géante et une torche métallique monumentale.
L’année dernière, sur le mont Meron, 45 jeunes garçons et hommes avaient été tués dans une bousculade géante qui avait également fait plus de 150 blessés quand des milliers de personnes avaient emprunté une passerelle étroite et pentue, connue sous le nom de « Passerelle Dov », pour sortir de l’un de ces complexes, l’enceinte Toldot Aharon, qui porte le nom de la secte hassidique qui en avait la charge.
Alors que la foule descendait la passerelle et ses marches médiocrement construites – et alors qu’un petit nombre de personnes tentaient, pour leur part, de les monter – la foule s’était retrouvée massivement bloquée, entraînant un effet de panique qui avait entraîné le désastre, avec un bilan humain sans précédent. (La responsabilité des barricades mises en place par la police, qui avaient initialement et longuement mises en cause, a été finalement écartée plusieurs mois plus tard, quand des vidéos ont montré que les barrières qui avaient été installées par les forces de l’ordre avaient été enlevées bien avant l’accident).
Même si cette catastrophe avait horrifié et bouleversé les Israéliens – et en particulier les membres de la communauté ultra-orthodoxe ou haredi, pour qui les fêtes de Lag BaOmer sur le Mont Meron sont l’un des événements de l’année les plus importants – elle n’avait toutefois pas réellement surpris. Il faut dire que cette célébration annuelle a pris de plus en plus d’importance au fil des années et elle réunit dorénavant plus de 100 000 participants – toutefois, les mesures de sécurité ne se sont jamais développées à hauteur de ce nouvel afflux de visiteurs, pas plus que le travail de supervision du gouvernement ne s’est renforcé en conséquence.
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Même si la bousculade géante a été entraînée par des circonstances précises, suite à une succession d’événements survenus à un moment donné, la catastrophe a entraîné un réexamen total et critique de l’organisation des célébrations, un réexamen qui a été confié aux soins d’une commission d’enquête.
Et il s’est avéré que les fêtes de Lag BaOmer sur le mont Meron, qui sont pourtant l’un des plus importants rassemblements à avoir lieu chaque année en Israël, étaient organisées par un un mélange fourre-tout de bureaux gouvernementaux et de groupes privés, sans aucune hiérarchie claire et sans aucune instance considérée comme pleinement responsable.
Apparaissant devant la commission d’enquête et tentant d’écarter les accusations qui avaient laissé entendre que la police était à l’origine du désastre, Kobi Shabtai, le chef de la police, avait déclaré que « personne ne souhaite assumer la responsabilité » des festivités à Lag BaOmer, entraînant confusion et négligences. Shabtai avait finalement estimé que c’était la construction de la rampe qui était à blâmer pour la tragédie.
Après six mois de témoignages, la commission d’enquête a fait part de ses conclusions initiales au mois de novembre, et presque toutes ont été prises en compte pour la préparation de l’événement de cette année.
Et ces conclusions n’ont pas seulement servi pour les célébrations prévues sur le mont Meron, cette année, mais pour tous les rassemblements religieux massifs qui ont été organisés depuis la catastrophe de Lag BaOmer. Des changements qui n’ont pas été, malgré tout, exempts de controverse.
Même s’il n’y a eu que peu de réactions contre les limitations mises en place lors de la cérémonie annuelle de bénédiction sacerdotale qui a lieu, chaque année, au mur Occidental à Pessah, les restrictions appliquées lors de la cérémonie du Feu sacré chrétien, le mois dernier, ont été férocement critiquées non seulement par les églises locales, mais aussi par les pèlerins venus de l’étranger et de Jordanie, qui ont estimé que les mesures israéliennes devaient être « rejetées » et « condamnées. »
Le député Matan Kahana qui, jusqu’à vendredi, était ministre des Affaires religieuses et qui est en charge de cet événement de la Hillula, a dû se battre pour obtenir des changements dans la cérémonie du mont Meron.
La commission d’enquête – c’est peut-être le plus déterminant – a ainsi recommandé que l’événement soit placé sous la responsabilité du ministère des Affaires religieuses qui a donc nommé un chef de projet délégué aux fêtes du mont Meron, Tzviki Tessler. Les responsabilités sont dorénavant clairement réparties entre les organisateurs de la cérémonie, la police, les services de secours et les autres bureaux gouvernementaux impliqués dans les célébrations – en principe tout du moins.
Et l’événement, cette année, sera aussi bien plus modeste, que ce soit en nombre de participants ou en ampleur.
Il n’y aura plus d’allumages multiples de feux pendant toute la nuit : il y en aura seulement un, qui aura lieu dans un seul endroit central, ce qui permettra d’éviter des déplacements massifs des participants entre les différents complexes.
16 000 personnes seulement auront le droit de se regrouper à la fois au tombeau de Bar Yochai – elles étaient des dizaines de milliers, les années précédentes. Afin d’augmenter le nombre de personnes autorisées à entrer, chaque pèlerin n’aura le droit de rester aux abords de la tombe que pendant quatre heures. Une fois parti, le pèlerin laissera ainsi sa place à un autre.
Les membres des familles des 45 victimes de l’année dernière bénéficient, cette année, d’autorisations spéciales pour participer à l’événement, leur permettant de rester aussi longtemps qu’ils le désireront.
Ce sont les organisateurs privés des célébrations qui auront la responsabilité de faire respecter cette limitation de 16 000 personnes – ce ne sera pas la police – et ils devront aussi gérer les allées et venues des pèlerins à l’intérieur du complexe qui accueille le tombeau de Bar Yochai, où le nombre de personnes présentes ne devra jamais et en aucun cas dépasser les 16 000.
Shimon Lavi, à la tête du district du nord au sein de la police israélienne, a expliqué que ce nombre de visiteurs n’avait pas été déterminé de manière hasardeuse mais qu’il résultait de considérations très réfléchies.
« Nous ne nous sommes pas contentés de choisir un nombre au hasard. Ce nombre se base sur les analyses et sur les réflexions des ingénieurs en charge de la sécurité sur le site. L’idée, là-dedans, est de préserver l’ordre et la sécurité publique », a commenté Lavi qui s’exprimait, lundi, auprès des journalistes sur le mont Meron.
Et pour mieux contrôler l’assistance, la police a interdit l’entrée dans le complexe à pied ou en voiture. Il faudra impérativement emprunter un bus affrété par le ministère des Transports ou une navette qui partira des parkings de stationnement.
Plus de 8 000 policiers vont être déployés dans le secteur, mercredi soir et jeudi matin, pour s’assurer que les nouvelles règles seront respectées. En plus des agents présents sur le terrain, les forces de l’ordre utiliseront des drones, un hélicoptère, des véhicules tout-terrain, des chevaux et des motos.
Lavi a noté que le pèlerinage, cette année, était un « défi particulièrement ambitieux » au vu des changements majeurs qui ont été décidés.
« Nous ne sommes pas habitués encore à ces nouvelles modalités. Nous vous demandons d’être patients. Nous sommes ici au service du public. Nous voulons que le public vienne et qu’il puisse ensuite repartir en toute sécurité », a ajouté Lavi.
En plus de ces changements logistiques, le gouvernement a aussi procédé, au cours de l’année passée, à un certain nombre d’aménagements dans l’infrastructure même du Mont Meron : ainsi, les escaliers sont dorénavant aux normes et la passerelle de sortie illégalement construite où la catastrophe de l’année dernière s’était produite a été détruite.
Au vu de ces mesures de sécurité supplémentaires et du nouveau travail de supervision du gouvernement, l’événement, cette année, sera plus coûteux – et de loin – que les années précédentes, a fait savoir le ministère des Affaires religieuses.
« Cette année, cet événement coûtera 60 millions de shekels. Soit quatre fois le montant habituel. L’État investit ces fonds pour garantir que la population générale puisse venir, profiter et repartir en toute sécurité », a dit Kahana aux journalistes lundi.
En tant que ministre des Affaires religieuses, Kahana a mis en place un certain nombre de réformes profondément impopulaires auprès des autorités ultra-orthodoxes, des réformes qui l’ont rendu persona non grata dans les cercles haredim. Les changements apportés aux célébrations de Lag BaOmer lui ont valu également des critiques considérables, et certains rabbins ultra-orthodoxes ont même appelé leurs disciples à ignorer les nouvelles restrictions.
Le rabbin Shmuel Yaakov Kohn, leader de la secte Toldot Haharon farouchement antisioniste – c’est par ailleurs dans le complexe de cette dernière que la bousculade géante s’était produite en 2021 – a encouragé ses fidèles à entrer sans acheter de billet au préalable, ajoutant que même ceux qui possédaient des billets devaient tenter de pénétrer sur les lieux sans les montrer.
« De quel droit les autorités peuvent-elles limiter notre ascension sur le mont Meron ? Dans ce contexte, nous n’avons pas le devoir de coopérer avec elles », a déclaré Kohn, selon le site d’information ultra-orthodoxe Behadrei Haredim.
S’exprimant devant la presse, lundi, Kahana a rejeté cet appel et d’autres qui ont pu être lancés de manière similaire – ainsi qu’une récente série d’actes de vandalisme commis contre les clôtures et les barrières installées autour du site – disant qu’ils proviennent « d’une minorité minuscule qui tente de faire tout ce qu’elle peut pour détruire le bonheur du reste des Israéliens ».
Lavi a affirmé que la police surveillait de près la situation, déclarant qu’elle « ne permettra pas aux émeutiers et à ceux qui veulent perturber l’ordre public de gâcher la Hiloula sur le Mont Meron ».
Kahana a noté que de nombreux rabbins et responsables haredim avaient appelé leurs fidèles à se soumettre aux nouvelles directives.
« Il est très important que les gens puissent venir à Meron aux horaires qui leur ont été alloués, et ils n’est pas moins important qu’ils partent à l’heure qui leur a été donnée. Ceux qui voudront rester doivent bien garder à l’esprit qu’ils ne font que porter préjudice à un frère qui est en train d’attendre son tour pour entrer », a dit Kahana.
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