La Croatie restitue des œuvres d’art pillées au petit-fils d’une victime de la Shoah
Trois musées restituent des œuvres à Andy Reichsman, qui a poursuivi le combat mené pendant des décennies par sa tante pour récupérer les œuvres spoliées par le régime nazi
Selon un article publié vendredi, trois musées ont restitué au petit-fils d’un homme d’affaires juif plusieurs œuvres d’art qui lui avaient été volées pendant la Shoah, ce qui constitue le premier cas de ce genre en Croatie.
Cette décision marque la fin d’une lutte de 70 ans menée par les descendants de Dane Reichsmann, riche propriétaire d’un grand magasin à Zagreb, la capitale du pays, avant le génocide perpétré par les nazis et qui avait été déporté et assassiné à Auschwitz avec son épouse.
« Cela semble trop beau pour être vrai », a déclaré au New York Times Andy Reichsman, petit-fils de Dane et héritier des œuvres spoliées. « Je pensais que nous n’aurions qu’une chance sur un million. Ils n’ont jamais voulu rendre quoi que ce soit aux Juifs. »
Les œuvres restituées comprennent des peintures d’André Derain, « Nature morte à la bouteille », et « Paysage au bord de l’eau » de Maurice de Vlaminick, qui étaient conservées au Musée national d’art moderne (NMMA), ainsi que des lithographies de Pablo Picasso, Pierre-Auguste Renoir, Paul Cézanne et Pierre Bonnard, provenant de l’Académie croate des sciences et des arts.
Une plaque en bronze, un plateau en cuivre et un bol du musée des arts et de l’artisanat de Zagreb ont également été rendus. Toutefois, l’avocat de Reichsman est toujours à la recherche de 19 autres pièces provenant de cette institution.
Ces pièces avaient été pillées par le groupe fasciste croate au pouvoir, l’Ustaše.
Danica Scodoba, la tante de Reichsman, et Franz Reichsman, son père, ont fui l’Europe avant le début de la Seconde Guerre mondiale pour se rendre respectivement à Londres et aux États-Unis (Franz a supprimé le N supplémentaire de son nom de famille « Reichsmann » lorsqu’il a immigré).
Reichsman a repris le combat de sa tante, qui a essayé pendant un demi-siècle de récupérer le patrimoine. Il se souvient que « chaque été, elle se rendait à Zagreb et rencontrait des directeurs de galeries, des fonctionnaires et tous ceux qui, selon elle, pouvaient l’aider dans ses tentatives de récupération des œuvres d’art ».
Décédée il y a plus de vingt ans, Scodoba n’aura pas pu assister à la décision du tribunal municipal de Zagreb en décembre 2020, qui avait établi que les œuvres lui appartenaient légalement.
Une décision ultérieure, rendue en 2021, a confirmé que son neveu était son héritier.
L’avocate croate de Reichsman, Me Monja Matic, a déclaré – après avoir travaillé sur l’affaire pendant une vingtaine d’années – qu’elle appréciait la patience de sa cliente.
« Il s’agit d’une étape positive dans la résolution des problèmes de restitution de l’ère de la Shoah en Croatie », a déclaré Gideon Taylor, président de l’Organisation mondiale de la restitution juive (WJRO).
Le NMMA a déclaré sur Facebook qu’il « travaillait intensivement à la recherche de la provenance » des œuvres d’art soupçonnées d’avoir été pillées pendant la Seconde Guerre mondiale.
L’institution regrette que la résolution ait pris autant de temps.
La Croatie a rejeté toutes les demandes de restitution des descendants des victimes de la Shoah jusqu’à l’année dernière, lorsque son gouvernement et la WJRO ont publié un rapport conjoint détaillant le pillage d’œuvres d’art par le régime fasciste. Les biens spoliés ont ensuite été saisis et nationalisés par le gouvernement communiste du pays.
Le régime Ustaše, allié aux nazis, qui a dirigé l’État indépendant de Croatie de 1941 à 1945, a persécuté et tué des centaines de milliers de Serbes, de Juifs, de Roms et de Croates anti-fascistes.