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La fonte du cuivre dans les mines du roi Salomon était moins polluante que l’industrie actuelle

Selon l'Université de Tel Aviv, les échantillons de sol de Timna montrent que les précédentes études ont exagéré l'impact environnemental de l'industrie minière dans l'Antiquité

Prélèvement d'échantillons dans des mines de cuivre dans la vallée de Timna, sur une image publiée le 23 décembre 2024. (Avec l'aimable autorisation de l'Université de Tel-Aviv)
Prélèvement d'échantillons dans des mines de cuivre dans la vallée de Timna, sur une image publiée le 23 décembre 2024. (Avec l'aimable autorisation de l'Université de Tel-Aviv)

Les chercheurs ont longtemps supposé que l’exploitation minière et la métallurgie anciennes étaient, comme leurs homologues de l’ère moderne, hautement toxiques et dangereuses, affirmant que l’industrie avait un effet délétère de long terme sur l’environnement et les communautés voisines.

Mais de nouvelles recherches, fondées sur ce que d’aucuns considèrent comme les légendaires mines de cuivre du roi Salomon, viennent contredire cette hypothèse.

Rédigée par le professeur Erez Ben-Yosef de l’Université de Tel Aviv et son équipe, l’étude d’échantillons de sol provenant de deux mines de la région de Timna, dans le sud d’Israël, montre que la pollution induite par les métaux résultant de cette ancienne industrie du cuivre était, somme toute, minime. Par le passé comme aujourd’hui, il est probable que la population locale n’ait connu aucun problème de santé lié à l’exploitation des mines, explique Ben-Yosef au Times of Israel, par téléphone.

L’étude, intitulée « L’industrie préromaine du cuivre n’a eu aucun impact polluant sur l’environnement mondial », a été publiée dans Scientific Reports (Nature) à la fin du mois de novembre dernier. C’est Ben-Yosef, en sa qualité de membre du département d’archéologie et des cultures du Proche-Orient ancien de l’Université de Toronto, qui a dirigé l’équipe de recherche, composée des Dr Omri Yagel, Willy Ondricek et Aaron Greener.

« Le problème, c’est que nous disons que la plupart des études précédentes sont fausses, [et] exagéraient l’impact environnemental » de l’exploitation minière ancienne, poursuit-il.

En annonçant l’étude cette semaine, l’Université de Tel-Aviv a déclaré de façon plus diplomatique que cette récente étude venait à rebours des « croyances scientifiques dominantes » selon lesquelles l’extraction du cuivre dans l’Antiquité avait généré une importante pollution et montrait que « la pollution résultant de la production de cuivre dans les mines du roi Salomon était à la fois minime et limitée dans l’espace, sans risques pour les habitants de la région, que ce soit dans l’Antiquité ou encore aujourd’hui ».

Le Dr Omri Yagel de l’Université de Tel Aviv sur un site d’échantillonnage dans la vallée de Timna, sur une image publiée le 23 décembre 2024. (Avec l’aimable autorisation de l’Université de Tel Aviv)

La vallée de Timna est située à une vingtaine de kilomètres au nord du golfe d’Eilat, dans la partie sud du désert d’Arava. Niché entre des falaises abruptes, elle jouit d’un écosystème naturel qui fait partie de la ceinture désertique saharo-arabe. Le parc de Timna – l’un des plus grands de tout Israël – est une destination prisée des amateurs de randonnée, de camping et d’activités dans le désert.

A partir de la fin du 5ème millénaire avant notre ère, et particulièrement de la fin de l’âge de bronze et de fer (13ème au 9ème siècle avant notre ère), cette région a été le lieu de l’un des plus importants centres de production de cuivre de toute l’Antiquité et a longtemps été associée au nom du roi Salomon.

Bien que la Bible ne fasse pas spécifiquement référence aux mines de Timna, elle dit que le roi David a conquis cette région, connue à l’époque sous le nom d’Edom, et y a placé des garnisons. Son fils, le roi Salomon, a utilisé d’immenses quantités de cuivre, probablement issu de la vallée de Timna, pour construire le Temple de Jérusalem.

Des recherches antérieures à Timna ont permis la découverte de restes de tissu datés de 1 000 avant notre ère, à l’époque du roi David, colorés en violet grâce à une teinture extraite des escargots de mer, ainsi que de noyaux d’olives et autres denrées alimentaires, à Timna, datés sensiblement de la même période.

L’étude, « très intensive », a consisté à prélever des centaines d’échantillons de sol sur deux importants sites de production de cuivre dans la vallée de Timna, « l’un de l’époque de l’âge de fer et du roi Salomon et l’autre, tout proche, plus vieux d’environ 1 500 ans », expliquent les chercheurs.

L’étude a révélé que les niveaux de pollution métallique sur ces sites, qui, en raison des conditions sèches, ne sont pas très affectés par le ruissellement des pluies, étaient « extrêmement bas et confinés aux emplacements des anciens fours », et bien en deçà des niveaux maximum actuels fixés par l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis pour garantir des espaces de travail industriels et des zones résidentielles sûrs, ajoute l’université.

Le professeur Erez Ben-Yosef ,de l’Université de Tel Aviv, dans le parc national de Timna. (Autorisation)

À contre-courant

Les résultats de l’étude sont « une sorte de critique envers la communauté scientifique », concède Ben-Yosef.

Par le passé, « toute quantité élevée de plomb ou de cuivre dans le sol était qualifié de « pollution ». Mais ce n’est pas la bonne façon de faire parce que la pollution a un sens , celui d’une nocivité pour l’environnement, les plantes, les animaux et enfin les humains », explique-t-il.

« Nous avons fait l’étude de sol et avons trouvé d’excellents résultats, qui montrent que ce n’est qu’à proximité immédiate du four que c’était un peu dangereux, pour les personnes qui travaillaient dans ces fours », précise Ben-Yosef.

Cela ne veut pas dire que le fait de travailler dans les mines ne présentait aucun danger, s’empresse-t-il d’ajouter, car les mineurs devaient faire attention aux poches de gaz toxiques, à la chaleur, aux chutes de pierres et à quantité d’autres dangers. Mais les résultats de l’étude montrent que l’exposition à des quantités toxiques de métaux issues de l’industrie minière n’en fait probablement pas partie.

La vallée de Timna et l’emplacement des deux sites où les échantillons de sol ont été prélevés, avec un encart montrant l’emplacement de Timna et de Faynan, les deux principaux districts de minerai de cuivre du Levant méridional. (avec l’aimable autorisation de Nature/accès libre)

« Des études passées ont pu dire que cette région était et reste toxique, pour les personnes qui travaillent et vivent dans la région de Timna et de l’autre côté de l’Arava, en Jordanie. Il y a aussi d’anciennes mines de cuivre en Jordanie, et des études soutiennent que les Bédouins d’aujourd’hui souffrent de cette ancienne pollution », explique Ben-Yosef.

Le risque de pollution de Timna était un souci d’ordre personnel pour Ben-Yosef. « Je travaille à Timna depuis 20 ans, dans l’ancienne mine de cuivre. Cette question a donc toujours été présente, que ce soit pour mon équipe comme pour moi », souligne-t-il.

Impact humain

La pollution ancienne est « une question intéressante, liée à des activités du début de l’Anthropocène. Quand les humains ont-ils commencé à avoir un impact tangible sur leur environnement naturel ? L’exploitation des ressources naturelles, y compris des métaux, en fait bien sûr partie », explique Ben-Yosef.

Mais, « nous voyons à Timna, qu’au moins avant la période romaine et probablement même après la période romaine, ces anciennes industries du cuivre n’étaient pas si polluantes », poursuit-il.

Une étude des années 1990 s’est par exemple penchée sur le cas d’anciennes carottes de glace du Groenland pour expliquer que les traces de cuivre venaient de sites de production précoce de cuivre, au Levant, comme par exemple à Timna, mais « nous avons pu montrer que cette observation au Groenland était isolée. C’est très probablement une
erreur », estime Ben-Yosef.

Parc de Timna dans la région d’Arava, dans le sud d’Israël, le 26 janvier 2021. (Crédit : Mendy Hechtman/Flash90)

Plusieurs études conduites dans la région de Wadi Faynan, en Jordanie – un autre lieu de production de cuivre ancien – dans les années 2000, ont conclu que les mines avaient donné lieu à une « pollution environnementale généralisée ». Des études plus récentes ont mis en évidence l’existence de problèmes méthodologiques, lors de ces études, et conclu à des niveaux de pollution très faibles à Faynan. Il s’agit peu ou prou de la « même chose » qu’à Timna, relèvent les auteurs du nouvel article.

Des niveaux élevés de métaux trouvés dans des échantillons de sol ont permis de découvrir des sites de métallurgie ancienne, comme récemment en Chine. Mais cela ne signifie pas que ces sites ont connu une pollution d’un niveau dangereux, explique Ben-Yosef.

En 2022, un autre projet de recherche de Ben-Yosef a mis en évidence l’existence d’un impact environnemental d’un tout autre type : la production de cuivre à Timna a requis l’abattage d’une énorme quantité d’arbres et de végétation pour fournir le combustible, ont constaté les chercheurs. Lorsque la ressource combustible s’est tarie, la production minière en a été durement affectée.

La période romaine a eu un impact plus important

La production de cuivre dans le monde antique a toujours impliqué du plomb, et ce métal est le véritable polluant toxique, explique Ben-Yosef. Cette nouvelle recherche a révélé qu’à Timna, les résidus de plomb étaient concentrés dans la zone du four et dans le résidu rocheux, sous-produit du processus, et non dispersés à des niveaux dangereux sur une large zone.

La production de plomb « en tant qu’industrie a peut-être eu un impact mondial à partir de la période romaine », lorsque l’utilisation du plomb s’est répandue, dit-il, mais « d’autres industries métallurgiques n’étaient pas nécessairement aussi nocives, même pendant la période romaine et après ».

Fouilles d’anciennes mines de cuivre dans le cadre du projet de la vallée centrale de Timna de l’Université de Tel Aviv. (E. Ben-Yosef et le projet de la vallée centrale de Timna)

Même à l’époque romaine, l’impact de la métallurgie et de l’exploitation minière sur le paysage « était très minime… À l’époque moderne, c’est énorme. L’échelle est différente, tout comme la technologie », explique Ben-Yosef, qui rappelle que la production moderne de cuivre implique des produits chimiques et des solvants « agressifs » qui peuvent facilement passer dans la nappe phréatique.

La révolution industrielle, généralement considérée comme commençant au milieu du XVIIIe siècle, a été « le moment de bascule dans la relation entre humains et environnement, et nous savons que les industries métallurgiques sont très toxiques et polluantes… Il faut être très prudents lorsque l’on projette les problèmes d’aujourd’hui sur le passé », conclut-il.

Sue Surkes a contribué à cet article.

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