Vacillante, la Knesset reprend ; l’opposition cherche à faire tomber le gouvernement
Le gouvernement s'abstiendra de voter toute loi controversée pour assurer sa survie après avoir perdu la majorité ; des discordes internes et des manœuvres pourraient le faire tomber
La Knesset rouvre lundi pour la session d’été, alors que le gouvernement lutte pour sa survie après avoir perdu sa majorité pendant les vacances et que l’opposition a juré de le faire tomber.
La crise a été déclenchée par la défection surprise de la députée de Yamina Idit Silman, le 6 avril, qui a mis fin à la majorité d’un siège de la coalition de huit partis, laissant le Parlement de 120 membres dans l’impasse avec une parité de 60-60 sièges entre la coalition et l’opposition.
Pour la coalition, la perte a été exacerbée par le fait que le parti arabe islamiste Raam a gelé son adhésion à la coalition suite aux tensions sur le Mont du Temple à Jérusalem.
Raam est confronté à des pressions internes et est divisé sur la question de savoir s’il doit soutenir ou non la tentative du chef du parti, Mansour Abbas, de jouer un rôle actif dans la politique israélienne ou s’il doit abandonner et retourner à l’opposition.
Si Raam retire ses quatre sièges, le gouvernement se retrouvera en nette minorité.
Les manœuvres de l’opposition
Les partis d’opposition comptent bien profiter de cette situation. Après une réunion dimanche au siège du Likud à Tel Aviv, les chefs des partis d’opposition ont convenu de poursuivre la « lutte résolue et unifiée » pour renverser le gouvernement.
« Le gouvernement a perdu sa majorité à la Knesset – il n’a aucune légitimité publique et il est illégitime », indique un communiqué.
L’opposition va soumettre un vote de défiance lundi. Cette mesure serait largement symbolique et ne devrait pas avoir d’autre effet que de ralentir le travail législatif de la coalition et éventuellement d’embarrasser le gouvernement.
L’opposition examinerait également la possibilité de soumettre au vote un projet de loi visant à dissoudre le gouvernement mercredi, date à laquelle des projets de loi privés peuvent être présentés.
Pour dissoudre la Knesset en l’absence d’un autre élément déclencheur, il faut une loi. Si le Likud soumet mercredi un projet de loi non gouvernemental et qu’il est adopté en lecture préliminaire, le gouvernement ne sera pas automatiquement dissous. Au contraire, il devra passer par un premier, un deuxième et un troisième vote lors de futures sessions du plénum.
Mais la soumission de ce projet de loi comporte des risques pour l’opposition. Si le projet de loi n’obtient pas la majorité simple des voix lors de la première lecture ou de la lecture préliminaire, l’opposition ne pourra plus resoumettre ce projet pendant six mois, ce qui lui ôterait une flèche importante de son arc.
Il faut 61 voix pour qu’un projet de loi visant à dissoudre la Knesset soit adopté en troisième et dernière lecture, ce qui signifie que l’opposition aurait également besoin de convaincre un autre membre de la coalition de faire défection, ce qu’elle n’a pas encore réussi à faire.
On ignore si la Liste arabe unie, parti d’opposition, qui dispose de six sièges, se joindra au bloc religieux de droite lors du vote.
L’opposition dirigée par le Likud aurait déjà échoué à plusieurs reprises dans ses tentatives de convaincre d’autres transfuges de l’un des partis de droite de la coalition ou de Raam, malgré plusieurs offres généreuses.
De plus, en cas de défection, l’affiliation au parti du transfuge sera déterminante pour le choix du Premier ministre par intérim jusqu’aux élections et à la mise en place d’un nouveau gouvernement.
Selon l’accord de coalition actuel, s’il s’agit d’un membre d’un parti de droite, ce sera le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid qui prendra la tête du gouvernement.
Mais dans le cas où le transfuge vient du centre ou de la gauche, y compris Raam, alors Bennett restera Premier ministre.
Silman est considérée comme une députée de Yamina ; l’ancien député de Yamina, Amichai Chikli, qui a fait défection lors de la formation de la coalition, n’en fait pas partie, selon le camp Lapid.
Une troisième option pour l’opposition serait d’obtenir qu’une faction entière de la coalition change d’allégeance et établisse un gouvernement sans nouvelles élections. Selon le site d’information Walla, ce serait la solution de prédilection du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah, même si cela implique que le gouvernement soit formé et dirigé par quelqu’un d’autre que l’ancien Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Bien que la droite dispose d’une nette majorité à la Knesset, plusieurs partis ont refusé de rejoindre une coalition sous la direction de Netanyahu, qui est en procès pour trois affaires de corruption. Netanyahu a refusé de quitter ses fonctions à la tête du Likud.
La Douzième chaîne a rapporté que Zeev Elkin, de Tikva Hadasha, et Yariv Levin, du Likud, se sont rencontrés à la Knesset dimanche, les deux hommes affirmant qu’il ne s’agissait que de questions de procédure. Le reportage spécule néanmoins que les deux hommes auraient pu discuter d’une future coopération.
Elkin est l’un des nombreux membres du Likud qui se sont retirés du parti en signe d’opposition à Netanyahu.
Autodestruction
Malgré les efforts de l’opposition pour faire tomber le gouvernement, il reste plus probable que le gouvernement s’autodétruise.
Pour la coalition, la menace d’un projet de loi de dissolution est aggravée par l’incertitude sur la façon dont le Raam prévoit d’agir.
La Douzième chaîne a rapporté dimanche que d’importantes lacunes subsistent dans les négociations entre Raam et les autres chefs de la coalition destinées à permettre au parti islamiste de reprendre ses activités au sein du bloc au pouvoir.
Le parti prévoit de boycotter la session plénière de mercredi et le vote de dissolution.
Bien qu’il ne s’agisse que d’une lecture préliminaire et qu’il faille plusieurs autres approbations pour qu’elle soit adoptée, elle mettrait en route le processus de renversement du gouvernement, ce que la coalition préfère éviter.
Le récent conflit à Jérusalem a exacerbé ces pressions, rendant la tâche difficile au chef du parti, Abbas, qui souhaiterait retrouver sa place au sein de la coalition.
Samedi, Abbas a écrit sur Facebook que son parti déterminerait sa position sur le Mont du Temple en fonction des positions du roi jordanien Abdallah II, qu’il estime être le gardien légitime du lieu saint.
Connu sous le nom de Haram al-Sharif ou de complexe Al-Aqsa par les musulmans, le mont du Temple est le site le plus sacré du judaïsme et le troisième de l’islam. Les récentes tensions sur le site se sont traduites par des attaques terroristes dans tout Israël, des pressions de la part des alliés d’Israël, des menaces du Hamas et l’exacerbation de la crise actuelle de la coalition.
En plus de la pression exercée par l’ensemble du parti, Abbas devra faire face à deux de ses trois autres parlementaires. Le député Walid Taha s’est montré ferme sur le maintien du gel et le député Mazen Ghanaim, qui serait concentré sur sa candidature de 2023 pour redevenir maire de Sakhnin, a déclaré qu’il voulait que le parti quitte la coalition.
Au-delà du conflit avec le Raam, la coalition est affaiblie par le fait qu’avec seulement 60 membres, chaque député a la capacité de renverser le gouvernement si ses demandes ne sont pas satisfaites. Pour tenter de contrer ce problème, la coalition a accepté de n’essayer de faire passer que des projets de loi non controversés qui bénéficient d’un large soutien.
Bennett a rencontré dimanche les chefs des partis de la coalition, à l’exception d’Abbas qui est à l’étranger, et ils ont convenu « de travailler ensemble afin de maintenir le gouvernement et la coalition pour le bien des citoyens d’Israël », selon un communiqué.
Bennett a abordé la question de la stabilité de la coalition lors de la réunion, mettant en garde contre les conséquences d’une dissolution du gouvernement.
« Le gouvernement doit continuer à fonctionner afin que les entreprises touchées par la vague Omicron soient indemnisées, [et] afin que les festivités de Lag Ba’omer de cette année au Mont Meron se déroulent en toute sécurité et ne se terminent pas à nouveau par une tragédie évitable », a déclaré le Premier ministre.
Alors que le programme législatif complet sera finalisé dans les heures qui précèdent l’ouverture du premier plénum de la session, l’une des premières mesures attendues est un projet de loi visant à indemniser les travailleurs indépendants financièrement touchés par la dernière vague de COVID.
Malgré cela, de nouvelles fissures sont déjà apparues.
Dimanche, le député Eli Avidar – élu à la Knesset avec le parti Yisrael Beytenu mais agissant de manière indépendante – a réaffirmé son intention de faire avancer un projet de loi visant à empêcher un prévenu de former un gouvernement, ce qui a été largement perçu comme une attaque personnelle contre Netanyahu.
Une source au sein du parti Yamina de Bennett a indiqué que le projet de loi d’Avidar était exactement le type de comportement contre-productif qui pourrait mettre en péril le fragile consensus.
Un projet de loi potentiellement inflammatoire similaire est proposé par le député du Likud Avi Dichter mais soutenu par le ministre des Affaires religieuses de Yamina, Matan Kahane, au sein de la au sein de la commission des lois, un dispositif de contrôle des lois soutenues par le gouvernement. Le projet de loi modifierait le code pénal afin de classer les « entités politiques étrangères » parmi les agents étrangers avec lesquels l’État pourrait restreindre les contacts, selon un reportage du quotidien hébreu Israel Hayom. La définition élargie inclurait des organismes non étatiques comme l’Autorité palestinienne et est comprise comme une contrainte pour les organisations de gauche. Elle serait difficile à avaler dans une coalition comprenant les partis Meretz et Labor, très tolérants.
Le propre parti du Premier ministre, Yamina, est également une source de tension, avec la ministre de l’Intérieur Ayelet Shaked et les députés Nir Orbach et Abir Kara qui coordonneraient leurs actions. Actuellement, les demandes d’Orbach sont satisfaites par l’extension des subventions pour la garde d’enfants aux étudiants des yeshiva et par l’approbation de la construction d’implantations en Cisjordanie. Kara veut des avantages économiques pour les petites entreprises et les travailleurs indépendants, ce qui inclut le projet de loi sur les subventions Omicron attendu lundi.
La députée Yamina Shirly Pinto a également fait sensation en déclarant qu’elle voulait la présidence de la commission de la santé de la Knesset, convoitée par Silman. Silman, bien qu’ayant quitté la coalition, a pu conserver sa présidence de la commission parce que Yamina espère que cela incitera Silman à ne pas voter contre la coalition. La Douzième chaîne a rapporté que Pinto a présenté des demandes supplémentaires à Bennett, y compris le financement des services communautaires pour les personnes handicapées.
La coalition n’a toujours pas de nouveau président, depuis la démission de Silman. Le député de Yesh Atid Boaz Toporovsky occupe temporairement cette place, mais Bennett souhaite que ce poste soit occupé par un membre de Yamina. Orbach, qui serait le premier choix du parti, n’a pas accepté d’assumer ce rôle. Son équipe a souligné ses exigences en suspens, notamment la finalisation des plans de construction en Cisjordanie et le raccordement des avant-postes d’implantation illégale au réseau électrique.