La police va enquêter sur les élus ayant fait irruption à Sde Teiman
Amichaï Eliyahu, Nissim Vaturi et Zvi Sokot reprennent la théorie du complot selon laquelle un "État profond" les cible, et fustigent la procureure générale ; 2 ne se présenteront pas aux convocations

La police est revenue sur ses précédentes déclarations selon lesquelles de hauts responsables judiciaires ne l’avaient pas informée directement d’une enquête sur plusieurs hommes politiques de droite pour avoir pénétré par effraction dans la base de Sde Teiman de l’armée israélienne en juillet dernier.
« Nous précisons que l’autorisation de la procureure générale d’ouvrir une enquête a été envoyée hier [mercredi] soir au chef de l’unité des enquêtes et du renseignement », a déclaré jeudi un porte-parole, ajoutant « qu’il n’avait pas encore réussi à informer le chef de la police de l’affaire », ce qui a semé la confusion.
Le porte-parole a ajouté que la police entretenait « d’excellentes relations de travail » avec la procureure générale Gali Baharav-Miara et du procureur adjoint Amit Aisman.
Dans une prise de position inhabituelle, la police israélienne avait précédemment réprimandé de hauts responsables judiciaires, déclarant qu’elle n’enquêterait pas sur les politiciens pour avoir pénétré par effraction dans la base de Sde Teiman de l’armée israélienne, dans le sud d’Israël, en juillet dernier avant « qu’une demande officielle ne soit reçue » de la part de la procureure générale et du procureur adjoint.
La veille, Baharav-Miara et Aisman avaient annoncé qu’ils avaient approuvé l’ouverture d’une enquête sur deux membres du gouvernement et un ancien député pour avoir pénétré par effraction dans la base de Sde Teiman en juillet dernier.
Selon un reportage de la chaîne N12, le ministre du Patrimoine, Amichaï Eliyahu (Otzma Yehudit), le député Nissim Vaturi (Likud), et l’ancien député Zvi Sokot (HaTzionout HaDatit ) devaient être interrogés en garde à vue au sujet de leur rôle dans l’émeute et l’effraction qui a suivi dans la base.

« Nous sommes attristés par le fait que le bureau de la procureure générale et la procureure générale choisissent de contacter la police israélienne par le biais des médias et non directement et ouvertement », avait déclaré la police dans un communiqué.
Elle avait ajouté que les autorités « n’ont pas reçu de demande officielle concernant l’enquête sur les ministres et les membres de la Knesset, et qu’aucune enquête ne sera donc menée » tant qu’une demande n’aura pas été reçue, comme le veut la procédure.
Les parlementaires faisaient partie des dizaines d’activistes d’extrême droite qui ont manifesté devant la base le 29 juillet 2024, après que dix soldats ont été arrêtés par des enquêteurs de la police militaire dans le cadre d’allégations de graves abus contre un détenu palestinien soupçonné de terrorisme.
Cinq des réservistes ont été inculpés en février pour avoir sévèrement battu et agressé le prisonnier après son transfert au centre de détention le 5 juillet 2024, le laissant avec de graves blessures, notamment des côtes cassées et une déchirure interne du rectum.
En réponse à l’enquête ouverte à leur encontre, Eliyahu et Vaturi ont tous deux juré de ne pas se présenter à l’interrogatoire et ont critiqué la procureure générale, que le gouvernement a accusée d’entraver son travail et a décidé de licencier cette semaine.
Dans un message publié sur le réseau social X, Eliyahu a déclaré qu’il « ne se soumettrait pas à une enquête politique ».
« Dans un État de droit, un membre de la Knesset a le devoir d’agir en cas de suspicion de crime », a-t-il affirmé, soutenant que ses actions au centre de détention de l’armée israélienne étaient justifiées dans le cadre de son travail et donc protégées par la loi sur l’immunité parlementaire.
« C’est le but de la loi d’immunité : non pas protéger les membres de la Knesset, mais protéger les représentants publics et le peuple lui-même contre les abus de pouvoir du gouvernement », a-t-il soutenu.

S’adressant à Baharav-Miara, que le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu cherche à renvoyer, Eliyahu a averti que « l’époque où vous utilisiez l’autorité qui vous était accordée pour bafouer la loi est révolue ».
Dans son message, Vaturi a affirmé que l’enquête avait été lancée par le « parquet de l’État profond » et la « procureure générale de la Force Kaplan », en référence à un groupe de protestation anti-gouvernement, tout en accusant l’enquête d’être une tentative « de se venger des membres de droite de la Knesset ».
Il a déclaré que les procureurs devraient enquêter sur les députés et les militants de l’opposition avant de se tourner vers lui.
Sokot, qui a récemment été contraint de quitter la Knesset en vertu de la Loi norvégienne, a énuméré des incidents qui n’ont pas fait l’objet d’une enquête, déplorant que « l’on ne nous invite qu’à des interrogatoires ».
Il a affirmé que l’enquête sur la fuite d’images montrant des militaires israéliens abusant sexuellement d’un prisonnier palestinien détenu pour des raisons de sécurité à Sde Teiman avait été « enterrée » par la Haute Cour, tandis qu’une enquête sur la députée Naama Lazimi (Avoda) pour avoir provoqué des incendies lors d’une manifestation avait également été « enterrée » par Baharav-Miara malgré une demande de la police.
« La fuite du protocole de la Knesset par Gilad Kariv, malgré la demande du responsable de la Knesset, n’a fait l’objet d’aucune enquête », a-t-il poursuivi, faisant référence aux soupçons, en janvier, selon lesquels le député du parti Avoda aurait divulgué des protocoles secrets de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset.
« L’État profond veut nous mettre en prison. Point final. »
Face à l’afflux de détenus palestiniens dû à la guerre menée contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza, Tsahal a ouvert un centre de détention sur une base située à Sde Teiman, dans le sud d’Israël, où sont détenus des Gazaouis soupçonnés d’activités terroristes. Divers rapports ont fait état de fautes et d’abus généralisés sur le site, notamment d’un recours excessif à la contrainte physique, de passages à tabac, de négligence des problèmes médicaux, de punitions arbitraires, etc.

Cela a conduit l’armée à lancer un certain nombre d’enquêtes liées à des incidents survenus dans ce centre de détention.
Lorsque la police militaire est arrivée à Sde Teiman le 29 juillet pour arrêter les soldats en lien avec un incident de « sévices graves sur un détenu » présumé, des émeutes ont éclaté. Des politiciens d’extrême droite et d’autres activistes ont pris d’assaut deux installations de Tsahal pour exiger la libération des soldats.
Tout au long de la guerre entre Israël et le Hamas, plus de 1 000 détenus de Gaza soupçonnés d’activités terroristes ont été incarcérés à Sde Teiman. La majorité d’entre eux étaient soupçonnés d’avoir participé au pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre contre Israël, au cours duquel des terroristes ont tué plus de 1 200 personnes et en ont enlevé 251 autres, bien que certains aient été arrêtés lors de la campagne ultérieure de l’armée israélienne à Gaza.
Un recours a été déposé l’année dernière auprès de la Haute Cour de justice pour exiger la fermeture de l’établissement au vu des accusations. Dans un arrêt rendu en septembre 2024, la Cour a averti l’État qu’il devait respecter la loi, mais n’a pas ordonné au gouvernement de le fermer.

Dans sa décision finale, le tribunal a noté que les conditions à Sde Teiman avaient considérablement changé depuis le dépôt du recours. Sous la pression juridique, le gouvernement a considérablement réduit le nombre de détenus dans l’établissement, qui est passé d’environ 700 à son maximum à quelques dizaines à la fin du mois d’août.
Dans un mémorandum, le gouvernement a également informé le tribunal qu’il avait réduit le recours aux mesures de contrainte et qu’il fournissait de la nourriture et des soins médicaux conformément à la loi.