La rédactrice en chef d’un magazine US démissionne après le retrait d’un essai d’une auteure israélienne
Guernica a retiré l'essai décrivant l'ambivalence après le 7 octobre suite à la démission massive d'écrivains et de la critique d'une co-éditrice sur "l'apologie du sionisme"

JTA – La rédactrice en chef du prestigieux magazine littéraire Guernica, dont la décision de publier l’essai d’une écrivaine israélienne sur la guerre à Gaza le mois dernier a entraîné la démission massive du personnel du magazine, a elle-même démissionné de la revue, déclarant qu’elle n’était pas d’accord avec la décision de retirer l’essai.
Jina Moore a annoncé sa démission dans un billet de blog vendredi, près d’un mois après que Guernica a retiré l’essai de l’écrivaine et traductrice israélo-britannique Joanna Chen.
« Le magazine maintient sa rétractation de l’essai, ce qui n’est pas mon cas », a écrit Moore dans son billet.
Sur X, Moore a émis une critique plus acerbe à l’égard des membres de l’équipe de Guernica qui se sont opposés à l’article de Chen. « Après des semaines de conversations difficiles, il est clair pour moi que l’espace d’écriture de Guernica sur la guerre, l’injustice et l’oppression s’est éloigné des engagements que je considère comme essentiels », a-t-elle écrit.
L’essai de Chen, « Des bords d’un monde brisé », a ébranlé le monde littéraire, qui a réagi de manière très polarisée à la guerre. Après la publication de l’article début mars, la co-éditrice de Guernica l’a qualifié « d’apologie déchirante du sionisme et du génocide actuel en Palestine », et plus de quinze membres de l’équipe entièrement bénévole ont démissionné en signe de protestation. La revue a également supprimé l’essai de Chen, en ajoutant une note en ligne promettant « une explication plus complète » de la décision, bien que rien n’allant en ce sens n’ait été publié à ce jour.
Pour certains Juifs qui s’interrogent sur leur place dans les espaces progressistes et littéraires depuis l’assaut barbare du groupe terroriste palestinien du Hamas sur le sud d’Israël le 7 octobre, la rétractation de l’essai par Guernica est une nouvelle preuve d’un discours toxique dans lequel aucun Israélien ou Juif ne peut être considéré comme acceptable. « Le problème, en fin de compte, c’est qu’il présente une Israélienne comme un être humain », avait tweeté à l’époque l’écrivaine juive Emily Fox Kaplan.
I have resigned as EIC of Guernica. After weeks of difficult conversation, it is clear to me that Guernica’s space for writing on war, injustice, and oppression has evolved away from commitments I consider essential. https://t.co/CKU2cn4YMb pic.twitter.com/lMjeOpGHSm
— Jina Moore (@itsjina) April 5, 2024
Moore a déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec les critiques formulées à l’encontre de l’essai.
« De nombreuses critiques ont affirmé que l’essai normalisait la violence qu’Israël a déclenchée à Gaza. Je ne suis pas d’accord », a écrit Moore dans son billet de vendredi. « Je considère cet article comme un exemple du travail difficile pour lequel Guernica est connu : saisir, avec complexité et nuance, la façon dont une telle violence est normalisée et comment un État violent obtient la complicité de ses citoyens. »
Moore a été rédactrice en chef de Guernica pendant trois ans et co-éditrice en chef depuis 2003. Ancienne chef de bureau pour l’Afrique de l’Est au New York Times, elle s’est employée à soutenir les journalistes dans les situations de violence et est directrice de la rédaction du Harvard Public Health Magazine. Moore a bénéficié de la bourse Truman à l’université de Boston, où elle a dirigé un club d’enseignement sur la Shoah, étudié avec Elie Wiesel et mené des recherches sur la Shoah. « Je veux parler du génocide – pourquoi il se produit et ce qu’il signifie pour ceux d’entre nous qui vivent en sécurité pendant qu’il se produit », avait-elle déclaré au journal de l’université alors qu’elle était étudiante en 2001.
Moore était auparavant à la tête d’une initiative de reportage sur les droits des femmes au sein de Buzzfeed. Dans l’annonce de sa démission de Guernica, elle a écrit qu’un « essai personnel d’une écrivaine sur la nature politique des soins m’a également semblé s’inscrire dans une longue tradition d’écrits féministes dans les pages de Guernica. » Dans cet essai, Chen, une militante pacifiste qui travaille bénévolement comme conductrice de véhicules sanitaires pour les Palestiniens, décrit les émotions contradictoires qu’elle a ressenties après le 7 octobre.

La démission de Moore a elle-même été clouée au pilori par certains écrivains progressistes. « Il n’y avait rien de féministe dans cet essai », a écrit la romancière américano-palestinienne Susan Muaddi Darraj sur X. « Je suis choquée par les gens qui ne peuvent pas voir à quel point il était nuisible. »
L’écrivain juif anti-sioniste Joshua Gutterman Trannen a quant à lui ajouté : « Bon débarras ! »
Après avoir été retiré, l’article de Chen a été republié par The Washington Monthly, une publication de centre-gauche.