La suspension des visas de travail israéliens alarme les humanitaires
Selon les ministères de l'Intérieur et des Affaires sociales, il s'agit d'un problème administratif, et non d'une volonté politique
Israël a suspendu la délivrance de visas de travail aux nouveaux arrivants employés d’organisations caritatives étrangères, inquiètes des répercussions sur l’aide destinée aux Palestiniens, indiquent des responsables humanitaires.
Des dizaines d’humanitaires de grandes ONG internationales n’ont pas obtenu de visa ces derniers mois ou ont dû prendre leur mal en patience avant d’en obtenir un.
Les autorités israéliennes assurent que l’engorgement est purement bureaucratique, et s’inscrivent en faux contre le soupçon d’obstruction délibéré. Les humanitaires interrogés par l’AFP se plaignent de l’absence de communication des autorités.
« La situation pourrait s’aggraver et paralyser les opérations humanitaires », a dit à l’AFP un haut responsable humanitaire sous couvert de l’anonymat.
L’aide est capitale pour les Palestiniens. Dans la bande de Gaza par exemple, territoire sous blocus israélien et égyptien, 80 % des Palestiniens sont tributaires d’une aide, selon la Banque mondiale.
Une grande partie de cette aide provient d’ organisations humanitaires étrangères opérant à travers Israël, qui contrôle tous les accès à la bande de Gaza, sauf la frontière sud de Gaza avec l’Egypte, fermée quasiment en permanence.
Depuis juin, aucun nouveau venu de ces organisations n’a obtenu de visa de travail de type B1, le plus communément délivré aux humanitaires par Israël, a admis le ministère des Affaires sociales.
De telles perturbations sont déjà survenues d’août à décembre 2016 et en mars-avril 2017.
Des humanitaires restent bloqués à l’étranger dans l’attente de leur visa. D’autres travaillent illégalement alors qu’ils n’ont qu’un visa de touriste, et redoutent d’être expulsés.
« Quand un directeur [d’une organisation humanitaire] est coincé en dehors du pays pendant des mois, cela se traduit par des retards dans les livraisons », a dit le même haut responsable humanitaire.
Une salariée arrivée en juin dit attendre toujours une réponse du ministère israélien des Affaires sociales.
Ayant quitté Israël pour des raisons privées le mois dernier, elle s’est entendu dire à son retour qu’elle avait un mois pour régulariser sa situation. Elle s’attend à devoir partir dans les prochains jours.
Son ONG ne peut pas la remplacer, « car tout étranger qu’elle ferait venir à [s]a place serait confronté au même problème », dit-elle.
Environ 300 membres d’ONG, y compris les directeurs de poste, ont besoin d’un visa B1 approuvé annuellement, mais il leur faut, pour l’obtenir, une recommandation du ministère des Affaires sociales.
‘Fausses accusations’
Sans cette recommandation, le ministère de l’Intérieur n’émet pas de visa.
Or le ministère des Affaires sociales refuse désormais de fournir cette lettre de recommandation en affirmant que sa délivrance ne relève plus de sa responsabilité.
Les humanitaires se retrouvent donc les jouets de procédures, mais « nous pensons que ces retards vont bientôt cesser, avec, espérons-le, un impact minimal sur l’important travail prodigué par les organisations caritatives et les ONG », disent les Affaires sociales.
Les humanitaires soulignent toutefois que le problème ne date pas d’hier, mais d’il y a un an, et certains soupçonnent le gouvernement israélien de chercher à compliquer leur travail.
Le ministère des Affaires sociales dit démentir « totalement ces fausses accusations ».
De précédents engorgements avaient été résorbés quand les Affaires sociales avaient recommencé provisoirement à délivrer les lettres de recommandation.
Israël a voté début 2017 une loi autorisant le ministère de l’Intérieur à interdire l’entrée du territoire aux militants appelant à boycotter Israël à cause de « l’occupation des Territoires palestiniens ».
Des responsables israéliens ont accusé un grand nombre de membres d’ONG d’être pro-palestiniens et d’être manipulés par les islamistes du Hamas, groupe terroriste au pouvoir dans la bande de Gaza.
Les organisations de défense des droits de l’Homme s’inquiètent elles aussi de voir leurs activités restreintes par le gouvernement.
Israël avait refusé en février d’accorder un visa au directeur de Human Rights Watch pour le pays. Israël accusait HRW d’être « fondamentalement partiale et anti-israélienne », avant de finalement lui accorder un visa.