Lag BaOmer : Face au Hezbollah, l’État délocalise le pèlerinage de Meron à Sheikh Jarrah
Le mont Meron en Galilée étant fermé par crainte des missiles, 30 000 pèlerins devraient affluer vers la tombe de Shimon HaTzadik, dans la nuit de samedi à dimanche
Dans ce qu’il a décrit comme une décision douloureuse mais nécessaire, le gouvernement a annulé le pèlerinage annuel de Lag BaOmer à Meron, en Galilée, par crainte des roquettes en provenance du Liban.
Aujourd’hui, les critiques avertissent qu’un autre événement organisé par le gouvernement sur la tombe de Shimon HaTzadik à Jérusalem est également problématique en raison de son emplacement à Sheikh Jarrah, un quartier à prédominance arabe de Jérusalem-Est qui est fréquemment le théâtre d’affrontements violents entre la police et les Palestiniens.
Jusqu’à 100 000 personnes se rassemblent chaque année au mont Meron pour les principaux événements de la fête, qui s’y déroulent généralement parce qu’il s’agit du lieu de sépulture présumé de Rabbi Shimon Bar Yochaï, un sage du IIe siècle qui serait mort le jour de Lag BaOmer.
Un mouvement de foule survenu en 2021 a coûté la vie à 45 personnes, incitant la police et les autres autorités à se montrer de plus en plus prudentes dans leur déploiement, leurs préparatifs et leurs prévisions à l’approche du pèlerinage. Cette année, Lag BaOmer commence ce samedi soir et se terminera dimanche au coucher du soleil.
Plusieurs controverses autour des événements de cette année montrent, à l’instar des années précédentes, l’émergence de sujets de discorde, divisant ceux qui considèrent la célébration de Lag BaOmer comme secondaire par rapport aux aspects sécuritaires, et les pèlerins qui sont poussés par leur foi à braver les risques.
Jeudi, au moins deux grands sites de Lag BaOmer susceptibles d’attirer de nombreux fidèles de Meron semblaient être sur les rails – à Sheikh Jarrah et à Beit Shemesh, où 30 000 personnes sont attendues sur chaque site. Toutefois, on craint que de nombreux pèlerins aient l’intention de braver l’interdiction d’assister au pèlerinage à Meron et à Tibériade, dont la municipalité a également interdit les célébrations de Lag BaOmer sur la tombe de Rabbi Akiva pour des raisons de sécurité.
Dans de nombreuses communautés laïques et religieuses nationales, Lag BaOmer est une date relativement mineure. Les enfants et les familles font des feux la veille de Lag BaOmer, dont le nom signifie le 33e jour du mois de Omer, qui coïncide avec le 18 du mois hébraïque de Iyar, la période de 49 jours qui sépare Pessah de Shavouot – selon le calendrier juif.
Pour de nombreux haredim – ou ultra-orthodoxes -, il s’agit d’un événement majeur. Le Talmud l’associe à une épidémie qui a emporté des milliers d’étudiants de Rabbi Akiva, l’une des plus grandes figures rabbiniques de l’époque et l’un des dix saints exécutés plus tard par les Romains pour avoir enseigné la Torah. Selon la légende, la peste a pris fin le jour de Lag BaOmer.
Alternative officielle du gouvernement dans un point ultra-sensible de Jérusalem
Le rassemblement de Sheikh Jarrah est organisé par le ministère des Affaires de Jérusalem, sous la direction de Meïr Porush (YaHadout HaTorah), qui est également responsable du pèlerinage annuel de Meron. L’événement de Jérusalem est destiné à offrir une alternative à celui de Meron, a confirmé un porte-parole du ministère au Times of Israel.
La tombe de Shimon HaTzadik, un sage de la période du Second Temple, accueille habituellement jusqu’à 10 000 pèlerins au cours des 24 heures de Lag BaOmer. Cette année, il pourrait en accueillir 30 000 et dispose de l’infrastructure et de la capacité nécessaires pour les accueillir en toute sécurité, a déclaré le porte-parole.
Une invitation envoyée par le ministère indique que le grand rabbin séfarade Rabbi Yitzhak Yosef assistera à l’événement de Sheikh Jarrah.
Ir Amim, une organisation pacifiste qui qualifie de « source constante de provocation » la présence d’une minorité juive à Sheikh Jarrah et dans d’autres quartiers à majorité palestinienne, a mis en garde dans un communiqué mercredi contre l’arrivée de nombreux pèlerins juifs sur la tombe de ce quartier de Jérusalem.
« Le fait que les autorités parrainent cet événement dans un contexte où elles encouragent également l’expulsion et le déplacement des Palestiniens de Sheikh Jarrah n’est PAS un geste en faveur de la diversité, mais une tentative d’israélisation de Jérusalem-Est », a écrit Ir Amim dans sa déclaration.
L’événement Lag BaOmer de Jérusalem à Sheikh Jarrah est une affaire annuelle, a noté Ir Amim, « impliquant [le déploiement] de nombreux agents de la police des frontières, [la mise en place] de barrages routiers et [la perspective] d’affrontements violents ». Cette année, en raison de l’annulation du pèlerinage de Meron, des dizaines de milliers de Juifs sont attendus et ça c’est une toute autre histoire », a écrit Ir Amim.
Shmuel Karmasky, porte-parole du ministère des Affaires de Jérusalem et du Patrimoine, a été interrogé sur les objections soulevées par Ir Amim. « Nous n’avons honte de rien, le développement du site funéraire de Shimon HaTzadik est une priorité nationale sous la direction du ministère. »
« Il n’est pas question de provocation et nous entretenons de bonnes relations avec les dirigeants de la communauté dans le voisinage. Nous ne nous attendons pas à [ce qu’il y ait] des troubles », a expliqué Karmasky.
Pas de budget pour la commémoration des victimes du drame de Meron en 2021
Par ailleurs, un événement commémoratif pour les victimes du drame du mouvement de foule survenu à Meron en 2021 a été annulé. L’événement, que le ministère des Affaires de Jérusalem a annulé cette semaine, devait également avoir lieu à Jérusalem.
Karmasky a déclaré que le ministère des Finances avait refusé d’allouer les fonds nécessaires à l’organisation de l’événement commémoratif et que le complexe Shimon HaTzadik n’était pas adapté à cet événement.
« Il doit s’agir d’un événement distinct et le Trésor ne veut pas débloquer les fonds », a-t-il déclaré.
Le ministère des Finances n’a pas répondu à une demande du Times of Israel.
Boaz Strakovsky, dont le fils Elhanan a été tué dans la bousculade de 2021, a qualifié l’annulation de la commémoration « d’insulte » aux familles des victimes. Le fait qu’une célébration alternative soit organisée à Jérusalem « rend la chose encore plus incompréhensible », a-t-il déclaré au Times of Israel. « S’il y a de l’argent pour assurer la sécurité de l’événement alternatif de Lag BaOmer à Jérusalem, pourquoi ne pas le faire pour la commémoration ? »
Le budget du ministère des Affaires de Jérusalem prévoit un montant de 11 millions de shekels pour l’événement annulé de Meron.
Karmasky a déclaré que la quasi-totalité du budget de Meron était destinée à couvrir le coût d’une opération de police visant à empêcher les pèlerins de se rendre sur le lieu de pèlerinage. L’événement sur la tombe de Shimon HaTzadik coûtera environ 2 millions de shekels à organiser, a souligné Karmasky.
David Stav, un rabbin orthodoxe qui préside le groupe rabbinique centriste Tzohar, a déclaré qu’il était « très difficile de comprendre » pourquoi la commémoration à Jérusalem avait été annulée. Mais, a-t-il ajouté, il est « parfaitement légitime » d’organiser un événement pour Lag BaOmer à Sheikh Jarrah.
« Mes seules inquiétudes concernent l’affluence, car le site n’est pas très grand, et d’éventuels affrontements avec la population arabe, mais tant que des mesures suffisantes sont prises pour éviter cela, il me semble qu’il n’y a pas de raison de ne pas l’autoriser. Il s’agit d’un site du patrimoine juif bien connu à Jérusalem. »
L’événement de Sheikh Jarrah ne figure pas sur la liste des 48 lieux approuvés par la municipalité de Jérusalem pour les célébrations de Lag BaOmer, qui impliquent généralement l’allumage de feux. La municipalité n’est pas impliquée dans l’événement de Sheikh Jarrah, a-t-elle indiqué.
Idan Ilouz, porte-parole de la police, a confirmé qu’une « enceinte spéciale a été préparée » à Sheikh Jarrah et que « les autorités compétentes sont en train d’approuver les modalités » de l’événement. Il n’a pas répondu aux questions sur la façon dont la police se prépare à faire respecter l’interdiction à Meron ou à s’assurer que les événements à Jérusalem, Beit Shemesh et au-delà se déroulent en toute sécurité, malgré une augmentation probable de la participation des pèlerins potentiels de Meron.
Événement de masse financé par des fonds privés à Beit Shemesh
À Beit Shemesh, la municipalité attend environ 30 000 fidèles lors de la principale cérémonie d’allumage des flambeaux, dirigée par le rabbin Elimelech Biderman, dont les cérémonies d’allumage à Meron sont largement considérées comme l’événement principal sur place. La municipalité et l’équipe de production de l’événement ont construit une enceinte pour l’événement qui, selon Tzvi Frankel, responsable de la municipalité pour l’événement Lag BaOmer, a été approuvée par la police et les services d’urgence.
Le budget de l’événement a été financé par des donateurs privés, a indiqué Frankel, après l’échec des tentatives de financement par le gouvernement.
La tombe de Rabbi Akiva à Tibériade attire également des fidèles le jour de Lag BaOmer. Mais cette année, le maire de Tibériade, Yossi Nabaa, a interdit toute forme de célébration à cet endroit, estimant qu’il n’était pas adapté au nombre de visiteurs attendus à la suite de la fermeture de Meron.
La tragédie de Meron en 2021 – dont une commission d’enquête a déclaré en mars que le Premier ministre Benjamin Netanyahu, plusieurs ministres, des officiers supérieurs de la police et des gardiens du lieu saint étaient responsables – a conduit à des changements majeurs dans la manière dont l’événement est organisé. La décision d’annuler l’événement cette année est due aux fréquents tirs de roquettes et de missiles du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah en Galilée, y compris à Meron.
Moshe Levy, père de dix enfants, originaire de l’implantation de Shiloh, en Cisjordanie, a déclaré qu’il se rendait à Meron avant même sa naissance. « Ma mère s’y rendait lorsque j’étais dans son ventre », a-t-il confié.
Pourtant, Levy, 54 ans, a l’intention de rester à Shiloh cette année et de célébrer Lag BaOmer seul, a-t-il indiqué au Times of Israel.
« Personne ne devrait être blessé pour accomplir cette coutume, quelle que soit son importance ou sa puissance spirituelle », a-t-il affirmé.