Israël en guerre - Jour 474

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Interview

Lapid : c’est soit « Bibi et ses menteurs », soit Gantz, « qui est honnête, lui »

Rejetant toute comparaison entre le procès pour corruption de Netanyahu et l'enquête sur une firme dirigée par Gantz, le n°2 de Kakhol lavan dit que son parti peut gagner le 2 mars

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Yair Lapid (à gauche) et Benny Gantz, chef du parti Kakhol lavan, devant leurs partisans à Tel Aviv, le 20 février 2020. (Tomer Neuberg/FLASH90)
Yair Lapid (à gauche) et Benny Gantz, chef du parti Kakhol lavan, devant leurs partisans à Tel Aviv, le 20 février 2020. (Tomer Neuberg/FLASH90)

Yair Lapid n’est pas dans son meilleur jour. Dimanche soir, pour la première fois depuis des mois, deux sondages d’opinion ont placé le parti Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu devant celui de Benny Gantz et Lapid, Kakhol lavan, sans toutefois présager d’un changement significatif quant à l’impasse entre les blocs rivaux de droite et de centre-gauche.

À une semaine des élections, il s’arrête en plein milieu de la rédaction d’un SMS et soupire que, de nos jours, « tout le monde écrit votre nécrologie ».

De manière caractéristique, il affirme aussitôt qu’il « croit sincèrement » que Kakhol lavan gagnera les élections du 2 mars. Mais l’ampleur du défi à relever ne fait aucun doute.

Lundi soir, le parti Kakhol lavan a fêté le premier anniversaire de sa fondation – la fusion du parti Yesh Atid de Lapid avec le Telem naissant de l’ancien ministre de la Défense du Likud, Moshe Yaalon, et le nouveau parti Hossen LeYisrael de l’ancien chef d’état-major de Tsahal, Benny Gantz, en un partenariat d’une grande diversité politique créé principalement dans le but de chasser Netanyahu du pouvoir.

Au cours de ces 12 mois, le parti Kakhol lavan est devenu le plus grand parti de la Knesset (il a remporté 33 sièges contre 32 pour le Likud en septembre), et a joué un rôle central dans le manque de sièges de Netanyahu à l’issue des scrutins d’avril et septembre derniers pour obtenir une majorité parlementaire. D’où le troisième scrutin de lundi prochain.

Une partie de son attrait provient du fait que Gantz, Yaalon et Gabi Ashkenazi, qui forment le quatuor de tête du parti avec Lapid, sont d’anciens chefs de Tsahal – capables de remettre en question les compétences de Netanyahu en matière de sécurité. Et pourtant, alors même que les roquettes en provenance de Gaza pilonnaient le sud d’Israël, mettant le chef du gouvernement potentiellement à la merci d’accusations selon lesquelles sa politique à Gaza est erronée, les derniers sondages suggèrent que Kakhol lavan ne parvient pas à progresser pour autant.

En effet, le parti, et son numéro un en particulier, est sur la défensive ces derniers jours. Son principal objectif de campagne était de mettre en contraste Netanyahu, le Premier ministre inculpé, dont le procès pour corruption doit s’ouvrir au tribunal de Jérusalem le 17 mars, avec Gantz, qui est irréprochable.

Yair Lapid, du parti Kakhol lavan, devant ses partisans à Tel Aviv, à l’approche des élections générales israéliennes, le 20 février 2020. (Tomer Neuberg/FLASH90)

Dans cette interview, comme dans toutes les apparitions médiatiques de la direction de Kakhol lavan ces derniers jours, Lapid insiste sur le fait que Gantz est effectivement l’intégrité personnifiée. Mais la semaine dernière, le procureur général par intérim a ouvert une enquête concernant les activités de Fifth Dimension, une entreprise technologique désormais liquidée pour faillite, anciennement dirigée par Gantz, qui est soupçonnée de s’être présentée sous un faux jour lors de la négociation d’un contrat pour un projet avec la police israélienne. Ce dernier ne figure pas parmi les suspects, mais le moment choisi pour l’enquête irrite grandement Kakhol lavan. Et tout en affirmant sa confiance dans autorités judiciaires que son rival a si souvent attaquées au cours des deux dernières années, Gantz a laissé entendre qu’un certain « parfum politique » plane sur l’enquête tout juste annoncée.

Interrogé à ce sujet, Lapid proteste contre ce qu’il considère comme une tentative de créer « une équivalence entre une transaction commerciale qui n’a pas bien fonctionné » – les activités de Fifth Dimension – « et trois inculpations pour des crimes réels » – dont Netanyahu fait l’objet. Avec une rare pointe de cynisme, il ajoute ensuite qu’il ne fait aucun doute que « la liberté de la presse permettra d’éviter que le public ne soit induit en erreur ».

Voici une retranscription légèrement modifiée de notre interview, réalisée lundi matin à Tel Aviv.

Le Times of Israel : Alors, pas le meilleur des jours ?

Yair Lapid : Deux sondages ont été publiés hier dans lesquels, pour la première fois depuis longtemps, Bibi avait une avance d’un siège. Cela ne change rien au sein des blocs. Cela signifie simplement qu’il a commencé à détourner les votes [des autres partis de son bloc] plus tôt que nous. Cela s’équilibrera. Mais c’est le moment où vous devez rassembler tout le monde et dire : rappelez-vous que c’est une montagne russe. C’est la règle du jeu. Nous avons traversé des moments plus difficiles.

Nous sommes maintenant à une semaine des élections. Et la politique est à la page 5, après le coronavirus, les attaques de Gaza et quelques autres questions intérieures. Tout le monde va probablement se décider au cours des derniers jours.

Nous avançons vers une sorte de version israélienne des républicains et des démocrates américains. Deux grands partis. Personne ne va obtenir 61 [sièges à la Knesset, qui en compte 120]. Le président laissera donc le plus grand parti essayer de former un gouvernement. Espérons que nous ne nous dirigeons pas vers une quatrième élection.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu assiste à une réunion au ministère de la Santé à Tel Aviv, le 23 février 2020. (Tomer Neuberg/Flash90)

Je veux dire qu’il n’y a qu’une seule personne qui nous empêche d’avoir un gouvernement d’unité et c’est Bibi, et son acte d’accusation. Donc, si les gens ne reviennent pas à la raison et ne votent pas pour Kakhol lavan [en nombre suffisant], nous pourrions en venir à une quatrième élection.

Avidgor Liberman [dont le parti Yisrael Beytenu détient l’équilibre des pouvoirs entre les deux blocs] a-t-il changé de position ces dernières semaines ? Est-il toujours favorable à une coalition
d’unité ?

Je ne suis pas un commentateur de Liberman. Vous devrez donc lui demander. Nous avons dit à plusieurs reprises que Liberman et le Likud sont les deux premiers coups de téléphone que nous passerons pour former un gouvernement. J’ai toujours voulu un gouvernement d’unité et, vous savez, le Likud veut un gouvernement d’unité. Bibi ne veut pas d’un gouvernement d’unité à cause de ses problèmes juridiques. Bibi est la seule personne qui nous empêche d’avoir un gouvernement d’unité, ce dont le pays a besoin.

Vous parliez de ce qui se trouve en une des journaux. Elles sont occupées par la bande de Gaza, et pourtant les personnes les plus malmenées [dans les zones proches de la frontière] sont encore très majoritairement enclines à voter pour le Likud.

Eh bien, les gens qui sont attaqués ont tendance à être plus prudents face au changement, car leur expérience est que chaque changement est pour le pire. Nous essayons de leur dire : « Vous vous trompez sur ce point, sur la question de Gaza ; vous devez vous rappeler que les trois ans et demi les meilleurs que vous avez passés au cours de la dernière décennie et demi sont ceux que Benny Gantz vous a donnés [lorsqu’il était chef d’état-major de Tsahal]. Et nous pouvons rétablir cela et faire encore mieux.

Il est toujours difficile de convaincre les gens de changer leurs habitudes de vote.

Ce soir, nous célébrons le premier anniversaire de Kakhol lavan. C’est un parti qui existe depuis un an, c’est donc un message d’espoir et de changement que nous apportons aux gens. Mais ce n’est pas si facile. Le fait que nous soyons le plus grand parti de la Knesset est assez frappant, mais nous devons faire un peu mieux que ce que nous faisons aujourd’hui.

Vous n’avez évidemment pas été aidé par le timing de l’annonce de l’enquête sur Fifth Dimension.

Oui.

Cela n’a-t-il pas rendu Gantz vulnérable d’avoir pris la direction – que je suppose lucrative – d’une société qui se serait présentée sous un faux jour alors qu’elle négociait un contrat avec la police
israélienne ? Il s’est permis d’être associé à quelque chose qui est supposé être quelque peu problématique.

Nous voilà donc assis ici en train de créer une équivalence entre une transaction commerciale qui n’a pas bien fonctionné et trois inculpations [contre Netanyahu] pour des crimes réels.

A LIRE : Etat d’Israël vs. Netanyahu : détails de l’acte d’accusation du Premier ministre

Non, je ne suis pas en train de faire une équivalence. Mais cela a permis à d’autres personnes d’essayer de suggérer une sorte de parallèle.

Oui, et remercions Dieu pour la liberté de la presse qui permettra d’éviter que le public ne soit induit en erreur de cette manière.

La seule raison pour laquelle ils ont ouvert une enquête maintenant est qu’il avait été annoncé que Benny Gantz n’est pas suspecté de quoi que ce soit, car il n’a rien à voir avec cela. Et le fait que Bibi et sa bande de menteurs fassent des pieds et des mains ne change rien aux faits, si les gens prêtent encore attention aux faits.

En fait, ils ont fait tellement de bruit que personne n’a remarqué le fait que, sur un autre sujet, ils ont annoncé qu’ils allaient se pencher sur Bibi lui-même, plus précisément sur les actions qu’il détenait avec son cousin, Nathan Milikowsky, ce qui le lie directement au scandale des sous-marins ; le fait que le Premier ministre d’Israël a gagné des millions.

Est-ce que j’ai raté ça ?

Oui, dans la même fuite la semaine dernière où ils ont annoncé que la société de Benny Gantz, et non pas lui-même, allait faire l’objet d’une enquête, ils ont annoncé qu’ils allaient vérifier les actions que le Premier ministre a achetées à très, très bas prix et desquelles il a tiré des profits incroyables, dans une société rattachée à ThyssenKrupp. (Kakhol lavan a demandé au procureur général l’ouverture d’une enquête ; il a été rapporté que le ministère public est prêt à le faire une fois les élections terminées. – D.H.)

Le procureur général par intérim Dan Eldad. (Site internet du bureau du procureur d’Etat)

Vous avez dit « Bibi et sa bande de menteurs ». Cela inclut donc maintenant le procureur général par intérim [Dan Eldad, qui a ouvert l’enquête sur Fifth Dimension] ?

Non, pas du tout.

Dan Eldad n’est pas un des menteurs ?

Non.

Alors, que se passe-t-il ?

Eh bien, il y a deux choses. [Le ministre de la Sécurité publique] Gilad Erdan et [le ministre de la Justice Amir] Ohana ont ouvertement essayé d’entraîner Benny Gantz dans ce bourbier en utilisant leur influence politique. Lorsque Benny Gantz a parlé du « parfum politique » [entourant l’ouverture d’une enquête et son calendrier pré-électoral], c’est de cela qu’il parlait.

Nous refusons de nous en prendre au système juridique, qui est de toute façon attaqué. Nous n’allons pas faire ce que Bibi et ses hommes font, c’est-à-dire attaquer les enquêteurs parce qu’ils n’aiment pas leurs conclusions. Laissez-moi vous rappeler que les personnes qu’ils attaquent sont [l’ancien chef de la police] Roni Alsheich, de Kyriat Arba, que Netanyahu a lui-même nommé ; [le procureur général Avichai] Mandelblit, le fils d’un militant du Likud, qu’il a lui-même nommé, [l’ancien procureur général] Shai Nitzan, qu’il a lui-même nommé. Et apparemment, les juges qu’il a lui-même nommés.

Tout le monde sain d’esprit regarde ça et dit : « D’accord, nous pouvons avoir des critiques sur Benny Gantz, mais nous savons qu’il est un honnête gérant, un honnête homme, un homme qui a consacré sa vie [à Israël]. S’il pensait à l’argent, il n’aurait pas passé 38 ans dans l’armée

Donc le fait qu’ils remettent en question l’intégrité du système judiciaire après 14 ans que Bibi est Premier ministre est ridicule, et je ne vais pas faire de même.

Vous n’avez pas vraiment répondu à ma première question : en prenant ce poste de direction, Gantz a manifestement facilité l’ouverture d’une porte et les allégations de corruption à son encontre.

Quatre-vingt-dix pour cent des entreprises, en particulier les entreprises numériques, ne réussissent pas. Ce sont les règles du jeu. Et ce n’est pas grave.

Pas la question de la faillite. La fausse présentation de l’entreprise lorsqu’elle cherchait à obtenir un contrat.

Ils remettent en question quelques personnes de rang inférieur dans l’entreprise. Je n’en ai aucune idée. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si Gantz est suspecté ou non, et la réponse est qu’il ne l’est pas. Et la raison pour laquelle je le sais, c’est que les autorités ont dit avoir examiné la question et savoir qu’il n’a rien fait de mal.

Tout le monde sain d’esprit regarde ça et dit : « D’accord, nous pouvons avoir des critiques sur Benny Gantz, mais nous savons qu’il est un honnête gérant, un honnête homme, un homme qui a consacré sa vie [à Israël]. S’il pensait à l’argent, il n’aurait pas passé 38 ans dans l’armée. »

A quel point craignez-vous, si Netanyahu gagne, qu’il modifie l’équilibre entre le pouvoir judiciaire, l’exécutif et le Parlement ? S’il parvient à obtenir 61 des 120 sièges de la Knesset, ils se mettront tous ensemble au travail et limiteront le pouvoir de la Cour
suprême ?

Israël cessera d’être une démocratie et nous serons un pays de type Erdogan

Absolument. Il aura un accord d’immunité. Il instituera la neutralisation de la Cour suprême, qui signifie la fin de la Cour suprême telle que nous la connaissons. Il aura une version israélienne de la loi française, parce que la loi française originale ne permet pas au Premier ministre en exercice de faire des infractions. Il aura donc son propre projet de loi française sur mesure.

Il aura tout, et Israël cessera d’être une démocratie et nous serons un pays de type Erdogan.

Et pourtant, le public n’a pas abandonné Netanyahu. Pourquoi votre parti n’est-il pas loin devant ?

Premièrement, comme je le disais, le changement est une chose difficile. Les gens ont peur du changement. Et parfois, ils préfèrent même les mauvaises choses qu’ils connaissent aux bonnes choses qu’ils ne connaissent pas. Et nous leur proposons les bonnes choses.

Deuxièmement, puisque nous discutons d’une attaque directe contre la démocratie israélienne, nous devons également nous rappeler que la démocratie – je ne parle pas de la démocratie grecque ancienne, mais de la façon dont nous la connaissons – est une idée nouvelle et fragile, que tout le monde ne considère pas comme le cours naturel des choses ou la façon naturelle de gouverner.

Il faut non seulement la protéger, mais aussi l’expliquer constamment – les choses à faire et à ne pas faire, les avantages et les inconvénients, l’équilibre des pouvoirs. Le fait que les dirigeants ont plus d’obligations, pas moins. Ce n’est pas une tâche facile.

Vous interagissez avec les électeurs, vous êtes là tout le temps. Que vous disent les gens ? « Oui, on pense que vous êtes géniaux, mais… ». Y a-t-il des parties de l’électorat qui sont tout simplement perdues pour vous ?

Non. On ne peut pas être aussi importants que nous le sommes si on ne bénéficie pas d’un large soutien. Ashkénazes, séfarades, religieux, laïcs, ultra-orthodoxes, nous avons tout. C’est une grande maison. Et nous en payons parfois le prix. Nous avons des points de vue différents. Nous avons des différends, et les différends ont tendance à fuiter. Je pense que c’est une bonne chose. Cela fait partie de la création d’un parti au pouvoir. Et nous sommes, par nature, un organe de gouvernement.

Nous insistons sur, vous savez, des choses bizarres comme dire la vérité et ne pas diffamer les gens en utilisant de fausses allégations

Ce que nous essayons de faire, ce n’est pas seulement gagner une élection, mais changer complètement la structure de la politique israélienne.

Il est assez étonnant que nous y parvenions si l’on considère que tous ceux qui sont dans le métier vous diront que la politique de la peur est plus efficace que la politique du changement et de l’espoir. Et s’il y a une chose pour laquelle Bibi est doué, c’est bien de manipuler la peur et la haine au profit de sa politique. Nous nous sommes interdit de faire la même chose, c’est-à-dire que nous sommes entrés sur le ring avec des chaînes aux pieds juste par le fait que nous insistons sur des choses bizarres comme dire la vérité et ne pas salir les gens en utilisant de fausses allégations.

Cela peut paraître assez noble, mais peut-être que ça ne marchera pas.

Voici pourquoi je pense que ça va marcher. Actuellement, c’est un océan bleu. Vous savez, les stratégies océan bleu, océan rouge – c’est une théorie commerciale qui dit que si vous créez une nouvelle entreprise, essayez d’aller vers un océan bleu. Un océan rouge est un océan rempli de prédateurs et de requins. C’est un endroit très fréquenté. L’océan bleu est celui où vous pouvez créer votre propre atmosphère.

Nous [Kakhol lavan] sommes donc dans un océan bleu – d’être en politique, tout en étant honnête et animé par des valeurs, et de dire les choses comme nous les voyons vraiment, sans manipuler les gens. Je crois sincèrement que ça va marcher.

Si vous êtes un étudiant en histoire politique – les gens ici n’aiment pas Obama – mais souvenez-vous de ce qui s’est passé avec lui en 2008 : il a dit « Ayons un discours différent. Parlons aux gens avec un langage différent ».

Boris Johnson vient de faire cela en Angleterre. Boris est un responsable politique avisé, et il a trouvé le moyen de parler avec un nouveau vocabulaire à des circonscriptions qui n’étaient pas les siennes.

C’est donc ce que nous essayons de faire maintenant. Nous changeons le vocabulaire. Et encore une fois, nous sommes le plus grand parti en Israël.

Quand nous avons commencé, Bibi avait l’habitude de dire aux gens dans les interviews que nous allions nous effondrer en quelques jours, que [Kakhol lavan] est sur le point de s’effondrer. Il ne dit plus cela. Il y a une raison à cela. Il réalise que nous sommes ici pour durer. Et si nous sommes là pour durer, alors nous sommes aussi là pour gagner.

Tout ce qui réunissait l’Allemagne et la Grande-Bretagne dans le même camp était positif ; quand cela a commencé à s’effondrer, ce n’était plus si positif – c’est ainsi que je vois les avantages et les inconvénients du Brexit. Quant à Boris Johnson, il a écrit un article d’opinion qui disait que nous devrions partir, et un autre qui disait que nous devrions rester, et il a choisi de publier celui qui était le plus opportun. Vous le citez comme modèle alors que vous êtes un parti de principes ?

Cela illustre la capacité à parler une autre langue, à trouver une nouvelle façon de faire les choses…

Le président français Emmanuel Macron, (à gauche), s’entretenant avec la chancelière allemande Angela Merkel lors d’un sommet européen à Bruxelles, le 28 juin 2018. (AP Photo/Geert Vanden Wijngaert)

Emmanuel Macron en est un bon exemple : un nouveau parti, parlant du centrisme comme étant la seule façon de diriger un pays au 21e siècle. Propre. Pas d’entraves politiques. Convaincre les Français qu’ils ont la capacité de prendre leur destin en main.

Nous avons eu trois élections en un an. Et à chaque élection, la capacité à faire en sorte que la vérité soit révélée devient plus difficile, semble-t-il. La capacité des gens à faire la distinction entre ce qui est réel et ce qui est marginal, entre ce qui est vrai et ce qui est sans fondement, me semble être un défi de plus en plus important.

C’est pourquoi j’utilise l’exemple de Macron. Je peux aussi utiliser Angela Merkel, qui dit ce qu’elle pense, en toute sincérité. Une responsable politique compétente.

Parlons de ces trois élections. L’élection d’avril portait sur la corruption. L’élection de septembre portait sur la religion et l’État. Ces élections portent sur la question de savoir qui va diriger le pays. Quelqu’un avec trois inculpations, qui est au pouvoir depuis 14 ans et qui manque totalement d’idées nouvelles, peut-il diriger un pays aussi compliqué qu’Israël ? Ma réponse est non.

Nous avons un énorme avantage sur les anciens partis [contestataires] tels que le Parti travailliste, parce que nous répondons de manière catégorique à la grande question que les Israéliens se posent dans des circonstances comme celle-ci, qui est celle de la sécurité. Vous ne pouvez pas dire d’un parti, dont trois des quatre dirigeants sont d’anciens chefs de l’armée israélienne, que nous ne nous occuperons pas de la sécurité, surtout lorsque les résultats obtenus par Gantz et « Bogie » [Yaalon] et Gabi [Ashkenazi] à Gaza ont été bien meilleurs que ceux de Bibi.

Les dirigeants du parti Kakhol lavan, de gauche à droite, Gabi Ashkenazi, Benny Gantz, Yair Lapid et Moshe Yaalon lors d’une conférence de presse au siège du parti à Tel Aviv, le 10 avril 2019, au lendemain du jour des élections. (Flash90)

Il s’agit de savoir qui va diriger le pays. Notre version : un groupe de personnes qui savent travailler ensemble, qui forment une équipe, qui comprennent que l’amitié et la capacité à coopérer sont un avantage pour un Premier ministre, et non un inconvénient comme le pense Bibi… Une équipe avec un leader en qui nous pouvons avoir confiance parce qu’il est sincère, honnête, et je sais que cela ne paraît pas important, mais pour moi, c’est un homme formidable. Même les supporters de Bibi vous diront que personne n’a jamais rien dit sur lui, jamais : un homme formidable.

Bibi n’est évidemment plus lui-même. Quelque chose de vraiment grave lui est arrivé.

Pourquoi dites-vous cela ?

Lorsque je servais dans son gouvernement, il se souciait encore dans une certaine mesure du bien du pays. S’il devait choisir entre ses propres intérêts et ceux du pays, il se mettait au service du pays. Plus maintenant. Il ne s’agit plus que de lui maintenant. Il s’agit de ses problèmes juridiques. Il ne semble pas comprendre pourquoi on ne lui accorde pas les privilèges de la royauté. Il n’est pas le roi, parce que nous ne sommes pas une monarchie. Nous sommes une démocratie.

Que pensez-vous du plan Trump ?

Je pense que c’est un bon point de départ pour entamer un processus. Ce n’est pas parfait. Il n’a pas été conçu pour être parfait, car il n’y a pas de solution parfaite. C’est un regard original – sur l’économie, sur la carte, sur ce qui s’est passé au cours des deux dernières décennies. Il ne fuit rien de ce qui est trop compliqué. Ils ont essayé de s’attaquer aux vrais problèmes.

Pensez-vous qu’Israël puisse conserver toutes les implantations, y compris les 15 enclaves au cœur de ce qui serait une entité palestinienne ?

Israël doit faire de son mieux pour éviter de faire partir les gens de chez eux. Et s’il existe un plan qui le permet, c’est une bonne chose.

Le président américain Donald Trump dévoile son plan de paix israélo-palestinien lors d’un événement en présence du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans la salle Est de la Maison Blanche à Washington, le 28 janvier 2020. (AP/Alex Brandon)

Ce qui se passera éventuellement, après l’achèvement de ce projet, doit être déterminé par les personnes qui y vivent : c’est à eux de décider s’ils veulent ou non vivre dans de telles circonstances. Mais Israël doit essayer de leur permettre de rester dans leurs maisons. Nous avons vu ce qui s’est passé après le désengagement [de Gaza]. Nous pensons que tout ce qui est unilatéral est mauvais. Et nous pensons qu’Israël devrait faire de son mieux pour éviter d’évacuer les gens si possible.

Qu’en est-il de l’unilatéralisme dans l’autre sens – Israël récupérant ses 30 % de territoire en Cisjordanie immédiatement ou bientôt ?

Les Américains ont dit qu’il fallait considérer ce plan dans son ensemble. Vous ne pouvez pas vous contenter de prendre les pages que vous aimez parce qu’on est en période électorale et que vous avez besoin de ce plan comme d’un coup de pouce électoral. Je pense que nous devrions avoir la souveraineté sur bien plus que la vallée du Jourdain – sur Ariel, le Gush Etzion, Maale Adumim… – mais comme résultat d’un processus qui nous aidera à nous séparer des Palestiniens.

Un processus négocié avec les Palestiniens ?

Oui… Les Américains ont été très clairs [en s’opposant] à l’idée de mesures unilatérales, parce que cela tue ce plan lui-même… J’ai lu le plan et je leur ai parlé. Et ce que je veux faire, c’est lui donner autant de chances que possible de faire de cela un processus négocié… Le plan lui-même est bon. Il est intelligent. Il est original, dans un domaine où personne n’a fait preuve d’originalité depuis des années.

Parlez-moi de vos réflexions sur la Liste arabe unie [à majorité arabe]. Il y a des aspects de ce parti dont je suis sûr qu’ils ne sont pas un anathème pour vous et il y en a d’autres qui le sont… Vous avez dit que vous ne les vouliez pas dans votre coalition.

Nous voulons un gouvernement d’union. Au moment des élections, ce que vous faites, c’est que vous poussez aussi fort que vous le pouvez pour obtenir ce que vous voulez. Et ce que nous voulons, c’est un gouvernement d’union avec le Likud sans Bibi.

Mais le Likud ne lâche pas Bibi.

Eh bien, voyons ce qui se passera s’il perd une autre élection. Et si nous sommes le plus grand parti, et que le président dit, je ne vais le proposer qu’à un seul parti cette fois-ci. Un seul coup. Un seul parti aura la chance de former une coalition. Il n’a pas besoin de laisser deux partis essayer : Kakhol lavan va essayer de former un gouvernement, et s’il ne peut pas le faire, nous irons aux urnes pour une autre élection, une quatrième. Et en attendant, le procès de Bibi aura déjà commencé. Cela va tout changer.

Pourquoi le président ne donnerait-il une chance qu’à un seul parti de former une coalition ?

S’il est vraiment évident que personne n’aura la majorité, pourquoi donnerait-il cette chance à deux partis ? C’est dans ses attributions de le faire.

Quant à la Liste arabe unie…

Nous avons été confrontés – en parlant de mensonges – à un mensonge grossier de Bibi. Il l’a dit, il a mis un panneau d’affichage disant : « Kakhol lavan va former un gouvernement avec la Liste arabe unie ». Nous n’allons pas former un gouvernement avec la Liste arabe unie. Il n’y aura pas de gouvernement avec la Liste arabe unie.

La députée du parti Raam-Balad Heba Yazbak pendant une conférence de presse à Jerusalem le 16 avril 2019. (Crédit : Noam Revkin Fenton/Flash90)

J’espère qu’un jour il y aura une représentation pour les Arabes israéliens – qui représentent 20 % de la population, qui, je pense, ont des besoins réels dont il faut s’occuper – que nous pourrons intégrer dans un gouvernement israélien. Pour l’instant, tant que des personnes comme [la députée] Heba Yazbak font partie de la Liste arabe unie, nous ne le pourrons pas.

Bernie Sanders a déclaré hier que l’AIPAC offrait un porte-voix aux sectaires. Il est le favori à l’investiture démocrate pour la présidence en ce moment. Que pensez-vous de cela ? Et qu’est-ce que cela signifie pour le Parti démocrate ?

Le candidat démocrate à la présidence, le sénateur Bernie Sanders [I-Vt.], lors de son discours de campagne à Carson City, Nevada, le 16 février 2020. (AP/Rich Pedroncelli)
Je ne vais rien dire qui puisse ressembler à une ingérence dans les élections américaines ou dans les primaires américaines.

Je peux parler du côté israélien. Du côté israélien, nous devons faire beaucoup, beaucoup mieux pour faire d’Israël une question bipartite à nouveau. Ce n’est pas le cas. Nous avons un ambassadeur à Washington qui n’est pas l’ambassadeur aux États-Unis, mais l’ambassadeur du Parti républicain.

Nous avons un Premier ministre qui a placé toutes ses cartes sur un côté du monde politique. C’est une erreur. Et cette erreur va nous retomber dessus. C’est l’une des choses que nous voulons changer, et qui changera si nous gagnons les élections.

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