L’auteur des fausses alertes à la bombe, condamné à 10 ans de prison, fait appel
L'avocat fait valoir que le tribunal n'a pas tenu compte de l'autisme de son client et du défaut de l'État à produire la preuve de ses aveux
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
L’avocat du jeune américano-israélien reconnu coupable d’avoir fait des canulars contre des centres communautaires juifs américains et d’autres cibles dans le monde entier en recourant à des milliers de menaces à la bombe a fait appel de la condamnation de son client à 10 ans de prison.
Dimanche, Yoram Sheftel a informé le Times of Israel de l’appel et a fourni une copie du document soumis à la Cour suprême vendredi.
Dans ses démarches pour faire annuler la condamnation de M. “M.”, 20 ans, dont le nom complet est sous embargo en Israël, Sheftel a affirmé qu’il y avait des failles importantes dans les interrogatoires et les poursuites menées par les autorités israéliennes contre son client.
“M.” a été reconnu coupable en juin de centaines de chefs d’accusation d’extorsion, de publication de fausses informations qui ont provoqué la panique, d’infractions informatiques et de blanchiment d’argent, entre autres accusations. En novembre, “M.” a été condamné à 10 ans de prison et à une amende de 60 000 shekels (14 000 euros).
L’appel de 52 pages reproche aux enquêteurs qui ont interrogé M. “M.” de ne pas avoir pris en compte son diagnostic d’autisme et de ne pas être qualifiés pour interroger un tel suspect. Il a également laissé entendre que la condamnation était fondée sur un aveu de culpabilité que les autorités n’ont pas encore produit et qui aurait été fait par “M.” suite à son arrestation.
L’appel commence par rappeler que M. “M.” « est la seule personne autiste actuellement en détention dans une prison israélienne, sans compter qu’il est en détention depuis presque deux ans », depuis son arrestation en mars 2017.
Immédiatement après sa mise en détention, les parents de “M.” et l’avocat de la défense ont informé les autorités que le suspect était atteint d’autisme et que la loi l’obligeait à être interrogé par un enquêteur autorisé à interroger les personnes ayant des besoins spéciaux. En outre, la loi exige qu’un tel suspect soit interrogé en présence d’un parent.
Ces deux dispositions légales ont été violées par les autorités, a accusé Sheftel, faisant valoir que ces manquements présumés invalidaient l’ensemble de l’enquête menée contre son client.
Les autorités affirment que “M.” a passé plus de 2 000 appels menaçants adressés principalement à des écoles, des hôpitaux et des centres communautaires juifs américains entre 2015 et 2017, en utilisant un service d’appel en ligne qui lui a permis de dissimuler sa voix et son identité. Il a également ciblé des centaines de compagnies aériennes et d’aéroports, de centres commerciaux et de postes de police aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie et en Grande-Bretagne, et a tenté d’extorquer le sénateur républicain Ernesto Lopez du Delaware.
En plus des alertes à la bombe, “M.” a offert ses services d’extorsion par le biais d’un marché noir en ligne. Des documents de la justice rendus publics en août le reliaient à un message sur le marché illicite désormais fermé AlphaBay, annonçant un « School Email Bomb Threat Service ». L’annonce proposait d’envoyer des menaces personnalisées aux écoles pour 30 dollars, plus un supplément si l’acheteur cherche à piéger une personne en particulier.
Ses menaces ont provoqué le brouillage d’avions de chasse, le largage de carburant et des atterrissages d’urgence, l’évacuation des écoles et de nombreuses autres conséquences désastreuses. Dans certains cas, il aurait menacé d’exécuter des enfants qu’il prétendait détenir en otage. La police a également trouvé des centaines de photos et de vidéos de pornographie pédophile sur son ordinateur.
Les fausses alertes à la bombe, qui se sont produites en pleine vague d’extrême droite aux États-Unis, ont semé la panique dans les communautés juives et ont fait craindre une montée de l’antisémitisme.
L’appel de “M.” indique que sa santé mentale a été ignorée par le fait qu’il n’a jamais quitté sa maison pendant toute sa vie – sauf à quelques occasions – alors que ses parents cherchaient à établir un diagnostic de son état. Il y a plusieurs années, les médecins ont effectué un IRM sur “M.” et découvert une tumeur au cerveau en plus de l’autisme confirmé par les psychiatres de district après son arrestation.
Notamment, l’appel soulève un problème avec une déclaration dans un rapport rédigé par l’une des psychiatres du district de Tel Aviv qui a examiné “M.” et prétend qu’il lui avait dit, « Je comprends que ce soit interdit (ce que j’ai fait)… Je suis désolé. Je ne le ferai plus. »
La déclaration a été citée par le tribunal de district de Tel Aviv dans la condamnation de “M.” comme un signe qu’il pouvait distinguer le bien du mal et devrait donc être tenu responsable de ses actions. Sheftel, qui tout au long du procès n’a pas contesté les allégations contre son client, a contesté cette affirmation, affirmant que la citation reflétait une émotion que “M.” est incapable de démontrer.
Sheftel a également fait valoir qu’après avoir été mis au courant pendant le procès de l’aveu de culpabilité allégué de “M.”, il a demandé que la psychiatre de district présente ses notes de l’évaluation de “M.” au tribunal, mais elle ne les a pas produites.
Enfin, l’appel fait valoir que la cour a « ignoré ou rejeté sans véritable explication… la décision sans équivoque du Hadassah Medical Center, où “M.” a été examiné par cinq experts indépendants qui ont déterminé que son client disait la vérité lorsqu’il a expliqué qu’il avait exécuté les milliers de fausses alertes parce qu’il avait l’impression de « faire plaisir aux autres » – par exemple aux enfants qui purent quitter l’école grâce à ses menaces par téléphone.
L’appel demande que “M.” obtienne une nouvelle peine tenant compte du temps purgé et soit placé dans un établissement psychiatrique doté d’un personnel médical capable de traiter une personne atteinte de cette pathologie.
En plus de sa peine d’emprisonnement en Israël, “M.” a été inculpé de crimes de haine par le ministère américain de la Justice, ce qui lui aurait valu une lourde peine de prison.