Le chef spirituel de Shas s’en prend à Edelstein : « Son âme est une abomination »
Le rabbin Yitzhak Yosef attaque l’ex-prisonnier de Sion pour son opposition à l’exemption militaire des ultra-orthodoxes, disant que c'est "dommage qu'il soit venu en Israël"
L’ancien grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef, chef spirituel du parti ultra-orthodoxe Shas, a qualifié jeudi le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, Yuli Edelstein, de « scélérat » pour avoir exigé des sanctions sévères contre les étudiants de yeshivot qui cherchent à échapper au service militaire.
Ses propos ont été tenus quelques heures après qu’il a appelé son parti à durcir ses menaces de quitter la coalition si le projet de loi accordant l’exemption aux haredim n’était pas adopté.
« Son âme est une abomination », a déclaré Yosef, dans une vidéo diffusée par le média haredi Kol BaRama lors d’un rassemblement à Beit Shemesh, ville qui compte une importante population ultra-orthodoxe.
Yosef, qui a également critiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahu, a déclaré que ce dernier et Edelstein, tous deux membres du Likud, faisaient partie d’une « droite mensongère ».
« Ce sont des scélérats sans scrupules », a-t-il ajouté.
Ce n’est pas la première fois que le rabbin tient des propos polémiques contre l’enrôlement des Haredim dans l’armée.
« Il a été prisonnier de Sion, puis est venu en Israël – dommage qu’il soit venu, il aurait mieux fait de rester là-bas. C’est lui qui cause des ennuis aux élèves des yeshivot, tout cela, c’est lui », a-t-il ajouté au sujet d’Edelstein.
Edelstein, dont la commission examine actuellement un projet de loi gouvernemental visant à sanctionner les réfractaires haredim, est un ancien prisonnier de Sion, un refuznik soviétique, qui a passé trois ans dans des camps de travail en Sibérie dans les années 1980 pour avoir enseigné l’hébreu.

Sous l’URSS, les refuzniks étaient souvent emprisonnés pour leurs activités sionistes, notamment pour leur combat en faveur du droit d’émigrer en Israël. En 2020, alors qu’il était encore grand rabbin, Yosef avait qualifié les olim (immigrants) venus de l’ex-Union soviétique de « goyim qui haïssent la religion ».
Dan Illouz (Likud), favorable à la mise en place de sanctions contre les déserteurs haredim, a déclaré jeudi sur X que Yosef avait franchi une « ligne rouge morale, juive et sioniste » en qualifiant les élus de « scélérats sans scrupules » et en déplorant qu’un prisonnier de Sion soit venu en Israël.
« Je suis moi-même venu en Israël par sens de la mission », a écrit Illouz, né à Montréal de parents juifs marocains. « Entendre de tels propos de la part d’un chef religieux est très pénible. »
« Élevé dans la tradition des sages séfarades, je me demande avec tristesse : ‘Qu’est devenue la modération séfarade ?’ », a-t-il ajouté, affirmant que « le Shas d’aujourd’hui n’a rien à voir avec la tradition juive séfarade ».
La presse israélienne a rapporté mercredi que Shas s’était rallié à la menace du parti ashkénaze Yahadout HaTorah de voter la dissolution du gouvernement.
Le parti ultra-orthodoxe, qui représente globalement les Israéliens juifs orthodoxes et ultra-orthodoxes d’origine séfarade, n’a pas commenté publiquement, mais ces dernières semaines, il coordonne ses actions avec Yahadout HaTorah : les deux partis boycottent partiellement les travaux de la coalition pour faire pression sur Netanyahu.

Avec seulement sept sièges à la Knesset, Yahadout HaTorah ne peut pas à elle seule faire tomber le gouvernement. La coalition de Netanyahu détient actuellement 68 sièges sur 120. Mais si Shas suit, cela ferait tomber le gouvernement, et déclencherait des élections anticipées. Les prochaines élections sont officiellement prévues pour octobre 2026.
Pour tenter de prendre les devants face à des élections anticipées qu’il est donné perdant, Netanyahu aurait multiplié les réunions avec Edelstein et les dirigeants politiques haredim, mercredi et jeudi.
Les partis ultra-orthodoxes cherchent à faire adopter une loi entérinant l’exemption du service militaire depuis que la Cour suprême a statué, en juin dernier, qu’aucune base légale ne la justifiait. Cette décision a conduit Tsahal à lancer une campagne de conscription visant des dizaines de milliers d’hommes jusqu’alors exemptés, avec pour l’instant un taux de mobilisation très faible.
L’un des principaux points de blocage reste l’insistance d’Edelstein sur l’imposition de sanctions aux réfractaires. Selon un article publié mercredi par le site d’information haredi Kikar Hashabbat, les sanctions comprennent l’interdiction pour les réfractaires de voyager à l’étranger, d’obtenir un permis de conduire et de bénéficier de certaines prestations sociales.
Netanyahu aurait envisagé de remplacer Edelstein à la tête de la puissante commission des Affaires étrangères et de la Défense, mais responsables politiques haredim s’y sont opposés, estimant qu’un tel geste renforcerait encore l’opposition au projet.
Netanyahu a déjà démis de leurs fonctions le chef de Tsahal, Herzi Halevi, et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, en raison de leur opposition à un projet de loi permissif vis-à-vis des Haredim, selon des enregistrements du Premier ministre révélés mercredi par la Treizième chaîne.
« J’ai entendu les mensonges de Netanyahu. Les fausses accusations servent à dissimuler une vérité simple : pour moi, la sécurité de l’État d’Israël est primordiale. Pour lui, la sécurité de la coalition passe avant la sécurité d’Israël. La seule chose qui dérange Netanyahu, selon ses propres termes, c’est que j’ai refusé d’adopter une loi exemptant les haredim du service dans l’armée israélienne » , a réagit dans une déclaration vidéo.
« Tout le monde doit servir. Il est essentiel d’alléger le fardeau », a-t-il ajouté.

Actuellement, environ 80 000 haredim âgés de 18 à 24 ans sont éligibles au service militaire et ne se sont pas enrôlés, alors même que les réservistes ont effectué des centaines de jours de service depuis le pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre dans la bande de Gaza.
L’armée a déclaré qu’elle était confrontée à une pénurie d’effectifs et qu’elle avait besoin de 12 000 recrues supplémentaires, dont 7 000 soldats de combat.
Les opposants haredim soutiennent que le projet mettrait en péril l’étude de la Torah et entraînerait une sécularisation massive des recrues ultra-orthodoxes. De nombreuses manifestations de grande ampleur, organisées par les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot, ont eu lieu, dont certaines violentes, comme celle de jeudi qui a bloqué la route 4.
עשרות מפגינים מהפלג הירושלמי חוסמים את כביש 4 בכניסה לבני באק, במחאה על מעצרו של מאיר בורוכוב שלא התייצב בלשכת הגיוס pic.twitter.com/Bn49bbL6E8
— שילה פריד???????? (@shilofreid) June 5, 2025
Après le lancement du programme de recrutement des Haredim le mois dernier, Yosef avait menacé que la communauté quitte Israël en masse si elle devait s’enrôler. En réaction, le député Avigdor Liberman, chef du parti laïque Yisrael Beytenu, a porté plainte contre lui.
Yosef avait déjà tenu des propos similaires en mars 2023, peu avant la fin de son mandat de grand rabbin. Il a depuis été remplacé par son frère David Yosef. Leur père, Ovadia Yosef, fut grand rabbin séfarade dans les années 1970 et fondateur du Shas.