Les ex-otages et les proches d’otages ont un entretien houleux avec Netanyahu
Une ex-otage a dit au Premier ministre que les femmes étaient « touchées » dans les tunnels, d'autres ont évoqué les conditions difficiles, les frappes aériennes : « Libérez-les maintenant, pas dans un mois »
Une réunion très tendue s’est tenue, mardi, entre des ex-otages, des proches d’otages encore aux mains de Gaza, et le Premier ministre Benjamin Netanyahu, ainsi que les autres membres du cabinet de guerre.
Les participants de cette réunion, qui s’est tenue à Herzliya, ont déclaré aux médias qu’il y avait eu des éclats de voix et que Netanyahu n’avait pris aucun engagement par rapport à leurs demandes, se bornant pour l’essentiel à lire des phrases écrites sur un morceau de papier, ce qui n’a pas manqué de provoquer leur colère.
Selon plusieurs médias israéliens, Netanyahu aurait dit aux familles « Il n’y a aucun moyen, pour le moment, de libérer tout le monde. Croyez-vous que, si on le pouvait, on ne le ferait pas ? », ce qui a suscité l’indignation de nombre de participants. Certains se seraient levés et auraient quitté la pièce.
Le radiodiffuseur public Kan a rapporté que Netanyahu avait également déclaré : « Le Hamas a des exigences que même vous n’accepteriez pas. »
Dans un enregistrement publié par Kan, on peut entendre Netanyahu dire : « C’est l’autre partie qui a empêché la libération d’autres otages, pas nous ! », alors que des voix dans le public l’accusent de mentir. Il répond alors : « Ce que je dis, ce sont des faits. Je vous dis ces choses, je vous respecte trop. Je vous ai entendu, vous et l’émotion que vous avez dans le cœur. »
La trêve d’une semaine qui a expiré vendredi dernier a permis la libération de 105 civils séquestrés par le Hamas à Gaza : 81 Israéliens, 23 ressortissants thaïlandais et un Philippin. Plus tôt, quatre otages avaient été libérés et un, secouru, sans oublier les trois corps retrouvés. On pense que 138 otages se trouvent toujours à Gaza, dont une vingtaine de femmes.
Reuven Yablonka, père de l’otage Hanan Yablonka, a déclaré à Maariv qu’« il y avait eu des cris, un vrai chaos. Ils ont crié que tous les otages devaient être libérés. Les ex-otages ont parlé des choses déplaisantes qui leur sont arrivées, l’une d’entre elles était à bout de forces. »
Dans un extrait diffusé par la Douzième chaîne, on entend la mère d’un otage crier à l’attention du ministre de la Défense Yoav Gallant : « Je ne suis pas prête à sacrifier mon fils pour votre carrière ou celle de l’un des notables qui se trouvent là. Vraiment pas. Mon fils ne s’est pas porté volontaire pour mourir pour la patrie. C’est un civil, kidnappé chez lui, sorti de son lit… Promettez-moi que vous me ramènerez mon fils et tous les autres otages, vivants. » En réponse, M. Gallant lui promet de faire « tout ce qui est en son pouvoir ».
Simcha Goldin, père de Hadar Goldin, soldat de Tsahal mort au combat dont le corps est aux mains du Hamas depuis 2014, aurait crié aux ministres : « Combien y aura-t-il encore de Hadar Goldin et de Ron Arad ?! » – références à son fils et à un autre soldat de Tsahal considéré comme mort au combat depuis 1986, au Liban.
Aviva Siegel, libérée la semaine dernière et dont le mari Keith, ressortissant américain, est toujours otage, a déclaré lors de la réunion : « Les frappes aériennes tombaient au-dessus de nous alors que les membres du Hamas continuaient à dormir. Vos frappes aériennes ne les dérangent pas. » Selon certaines informations, elle aurait dit que les femmes otages « étaient touchées ».
Selon la Douzième chaîne, Siegel aurait dit à Netanyahu que son mari Keith « n’allait pas bien, [qu’]ils lui avaient cassé les côtes et qu’il pouvait à peine s’asseoir ou manger. Je ne dormais pas, je ne mangeais pas parce que je ne pouvais pas. Nous n’arrêtions pas de nous déplacer d’un endroit à l’autre. A chaque instant, je croyais que j’allais mourir. »
Selon le forum de coordination, d’ex-otages auraient dit : « Ils nous faisaient porter des hijabs et des couvre-chefs pour que les Israéliens ne puissent pas nous reconnaitre ». Un autre aurait dit aux ministres : « J’ai souffert de déshydratation durant 51 jours, ils ne nous donnaient pas d’eau, ils sont inhumains. »
Selon Ynet, ont également pris part à la réunion les ex-otages Raz Ben Ami, dont le mari Ohad est toujours captif, Sharon Cunio, dont le mari David et d’autres proches sont toujours otages, Yarden Roman-Gat, dont la belle-sœur Carmel Gat est encore à Gaza, et Irena Tati et sa fille Yelena Trufanov, dont le fils Sasha est toujours otage.
Dans un enregistrement diffusé par la Douzième chaîne, on entend Trufanov dire aux ministres : « J’y étais, je sais à quel point c’est difficile – c’est dur, la captivité tous les jours… Vous n’imaginez même pas », a-t-elle dit, décrivant les frappes aériennes autour de l’endroit où ils étaient détenus. « Vous n’avez aucune idée de ce que vous faites là… Et je sais que les conditions dans lesquelles ils détiennent les hommes sont pires, pires encore que celle des femmes. »
Ronen Tzur, directeur du Forum des otages et des familles disparues, a déclaré à l’issue de la réunion : « C’était une réunion pour le moins inhabituelle. Les membres du cabinet ont entendu pour la première fois des ex-otages décrire les choses difficiles qui se passent dans les tunnels, à commencer par les abus sexuels, sans oublier les frappes aériennes qui avaient lieu très près de l’endroit où elles étaient détenues.
Selon la Douzième chaine, Cunio aurait dit aux ministres du cabinet de guerre avoir l’impression « que vous n’avez aucune idée de ce qui se passe là-bas. Vous dites avoir des renseignements, mais le fait est que nous avons été bombardés. Mon mari a été séparé de moi trois jours avant que je ne sois libérée. Mes filles n’arrêtent pas de me demander : ‘Où est papa ?’ et je dois leur dire que de méchantes personnes ne veulent pas le libérer. »
« Vous faites passer la politique avant les otages », aurait dit Cunio, ajoutant avoir vu des otages mourir sous ses yeux. « Vous pensez que les hommes sont forts ? Mais c’est beaucoup trop dur. Ramenez-les tous … N’attendez pas un mois ou une année de plus. »
Dans un enregistrement partiel diffusé par la Douzième chaîne, on peut entendre un membre de la famille demander à Netanyahu pourquoi il ne porte pas les colliers et plaques d’identité vendus par le forum, qui exigent la libération de tous les otages. Le Premier ministre lui répond : « Ils sont sur ma table de chevet » et quelqu’un crie : « Non, il faut les mettre autour de ton cou ! »
Selon la Treizième chaîne, Sharon Sharabi, dont les frères Eli et Yossi sont toujours otages à Gaza, aurait dit, après la réunion : « Le Premier ministre et le cabinet ont compris qu’ils ne pouvaient pas rester un instant de plus là-bas. La situation des otages ne fait qu’empirer. »
Selon la radio de l’armée, Sharabi aurait dit que les ministres avaient promis aux proches « qu’à l’avenir, toutes les décisions seraient prises en tenant compte du fait que les otages sont en danger de mort immédiat ».
Danny Miran, père de l’otage Omri Miran, a déclaré à Maariv que la réunion avait été chaotique de bout en bout.
« La réunion a été à l’image de la façon dont ce pays est géré. Nous étions invités pour 15 heures, ils ne sont arrivés qu’à 15 h 45. Ils nous ont laissés nous fâcher et nous battre entre nous – je suis parti avant la fin, c’était indigne. »
La réunion de mardi s’est tenue à la demande insistante des proches des otages, qui ont exigé lundi d’être reçus par le cabinet de guerre.
Netanyahu a nié que le cabinet ait ignoré de précédentes demandes de proches, ajoutant qu’une réunion, programmée plus tard dans la semaine, avait été avancée à ce mardi.
La première rencontre de Netanyahu avec des proches d’otages remonte au 15 octobre, à un moment où ces derniers étaient très critiqués par les membres du gouvernement, pour avoir dit que le gouvernement avait abandonné les otages de Gaza.
Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, s’entretient, lui, avec les proches des otages chaque semaine. Dimanche, il leur a dit que la pression militaire pousserait le Hamas à libérer de nouveaux otages.