Les massortiim reconnaissent les restaurants végétariens sans casheroute
Des rabbins déclarent qu'il est casher de manger dans des restaurants végétariens et végétaliens non supervisés, et affirment que nombre de leurs membres n'y voient aucun problème
JTA – Depuis des années, des Juifs qui ne mangent que dans des restaurants certifiés « casher » contournent les règles en profitant d’une tendance croissante : les restaurants entièrement végétaliens.
Aujourd’hui, une décision du mouvement massorti (conservateur) a donné à cette pratique son imprimatur officiel, déclarant que les Juifs peuvent manger dans des restaurants végétariens ou végétaliens qui n’ont pas de supervision casher.
Dans la pratique, le public visé par cette décision est relativement restreint. La plupart des Juifs qui ne mangent que dans des restaurants certifiés casher sont orthodoxes et n’accordent que peu ou pas d’attention aux opinions massorties sur la loi juive. Selon une enquête réalisée en 2020 par le Pew Research Center, 17 % des Juifs s’identifient comme massortiim et seule une fraction d’entre eux respecte la casheroute à la maison. Ils sont encore moins nombreux à respecter les règles alimentaires strictes lorsqu’ils mangent à l’extérieur.
Mais cette décision représente un changement dans la manière dont le mouvement massorti aborde l’un des éléments fondamentaux de la vie juive traditionnelle. Elle intervient alors qu’un nombre croissant d’Américains ne consomment plus de viande et dans le cadre d’une réflexion plus large sur ce qui est considéré comme casher, maintenant que des produits tels que Beyond Meat et Impossible Pork, qui sont à base de plantes et qui ne contiennent pas de produits d’origine animale, sont disponibles dans les commerces de proximité.
« Cela fait déjà plusieurs années que de nombreuses personnes, se faisant leur propre opinion, ont commencé à manger dans des restaurants végétaliens, en n’y voyant pas de problèmes de casheroute », a déclaré le rabbin Avram Israel Reisner, principal auteur de la décision.
Une étude réalisée par Dror Fixler, rabbin sioniste religieux et physicien israélien, a également conclu, il y a plusieurs années, que les Juifs pouvaient manger dans un restaurant strictement végétalien, à condition qu’ils s’abstiennent de consommer du vinaigre, qui pourrait être non casher. Cette décision est également intervenue après que le mouvement massorti a mis à jour son guide de Pessah, autorisant les Juifs à acheter des produits certifiés sans gluten avant la fête, à condition qu’ils soient également exempts d’avoine.
Auparavant, le mouvement considérait que les Juifs conservateurs qui respectent la casheroute ne devaient manger que dans des restaurants sous surveillance casher. Mais la décision de 38 pages, publiée au début du mois, affirme qu’en l’absence de tout produit carné, de nombreuses préoccupations liées à l’observance de la casheroute sont devenues obsolètes. La décision a été votée par 20 des 25 membres de la commission, dont la grande majorité s’est prononcée en faveur de la décision.
Sans viande, il ne peut y avoir de mélange de viande et de lait, dit la décision, et il n’y a pas non plus de possibilité de manger des aliments non casher comme le porc. Même si la grande majorité des responsables de la casheroute estiment que le fromage doit être certifié, la décision autorise la consommation de fromage dans les restaurants végétariens, sur la base d’une décision conservatrice antérieure stipulant que la présure animale n’est pas interdite.
La décision est explicite dans le sens où elle ne s’applique pas aux restaurants qui servent de la viande ou du poisson mais qui proposent des options végétariennes, car le risque de contamination croisée par des aliments non casher subsiste.
« L’obligation de ne manger que casher n’est pas une question de santé ou de pureté physique, mais une question de piété et d’observance des mitzvot », conclut l’arrêt. « S’il existe certains niveaux de risque que la halakha [loi juive orthodoxe] interdit d’entreprendre, nous avons soutenu que le fait de manger dans un restaurant végétalien ou végétarien non supervisé, où il existe une surveillance gouvernementale et où les restaurants sont généralement soucieux de leur réputation, ne dépassait pas cette limite. »
Le document ajoute que les anciennes interdictions rabbiniques sur la consommation de pain cuit par des goyim [non-Juifs] ont été instituées principalement pour interdire les interactions sociales avec ces derniers.
« Ces interdictions sont d’ordre social et elles n’ont rien à voir avec une quelconque préoccupation de casheroute », indique la décision à propos de cette interdiction. « Nous nous considérons, ainsi que nos voisins goyim, comme des membres égaux de la société et nous rejetons la discrimination sociale qui nous sépare de ceux qui ont d’autres convictions religieuses. »
La décision note que l’une des raisons de la complexité et de la rigueur de certaines lois sur la casheroute est d’empêcher les mariages mixtes. Selon Reisner, la nouvelle ouverture aux repas végétariens et végétaliens ne signifie pas un assouplissement de l’interdiction des mariages inter-confessionnels.
« Depuis un certain temps, le mouvement massorti s’éloigne des décrets visant à maintenir la séparation sociale et défend une position plus humaniste sur l’opportunité d’entretenir de bonnes relations avec tous nos compatriotes », a déclaré Reisner. « Cela ne veut pas dire que le mouvement approuve les mariages mixtes. »