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Les variations de la zone de pêche à Gaza, une frustration pour l’industrie

Alors que la taille de la zone de pêche varie au gré des tensions, les pêcheurs estiment qu'ils ne devraient pas payer le prix pour des ballons qu'ils n'ont pas lancés

Des pêcheurs palestiniens déchargent la pêche du jour en Méditerranée, à Gaza City, le 18 juin 2019. (Crédit : MAHMUD HAMS / AFP)
Des pêcheurs palestiniens déchargent la pêche du jour en Méditerranée, à Gaza City, le 18 juin 2019. (Crédit : MAHMUD HAMS / AFP)

Les pêcheurs palestiniens de la bande de Gaza ont exprimé cette semaine la frustration qu’ils ressentent avec les constants changements qu’Israël applique à la zone de pêche au large de l’enclave, qu’ils comparent à une politique de punition collective.

Le nombre de changements ce dernier mois a de quoi donner le vertige : Israël a étendu la zone de pêche à 15 milles nautiques le 21 mai, l’a réduite à 10 le 23 mai, étendue à 15 le 26 mai, réduite à 10 le 29 mai, étendue à 15 le 4 juin, réduite à 10 le 6 juin, réduite à 6 le 11 juin, fermée complètement le 12 juin, et à nouveau élargie à 10 le 18 juin.

Les forces de sécurité ont déclaré que ces modifications se font au gré des escalades et désescalades dans les lancers de ballons incendiaires et parfois des tirs de roquettes que les Palestiniens envoient vers l’Etat hébreu. Les ballons incendiaires ont détruit des milliers d’hectares de pâturages israéliens.

Mais Nizar Ayyash, 63 ans, à la tête de l’Union des pêcheurs de Gaza, a déclaré qu’il ne comprenait pas pourquoi Israël faisait payer l’envoi de ballons incendiaires aux pêcheurs, alors qu’ils n’en sont pas responsables.

Des pêcheurs palestiniens en Méditerranée, à Gaza Ville, le 18 juin 2019. (Crédit : MAHMUD HAMS / AFP)

« Les pêcheurs travaillent en mer. Avez-vous vu des ballons venir de la mer ? », a demandé Ayyash, qui pêche au large de Gaza depuis 40 ans, au Times of Israël dans un entretien téléphonique cette semaine. « Pourquoi les pêcheurs qui veulent gagner leur vie doivent souffrir pour quelque chose qu’ils n’ont pas fait ? On ne peut pas décrire cela autrement que comme une sanction collective. »

Il y a 3 700 pêcheurs enregistrés à Gaza, et la majorité d’entre eux vit en dessous du seuil de pauvreté, selon un rapport publié par B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits de l’Homme. Près de la moitié d’entre eux ne pêchent pas quotidiennement parce qu’ils ne peuvent pas utiliser leur bateau, auquel il manque des pièces, ou parce qu’ils ne peuvent pas accéder à leur bateau, confisqué par l’armée israélienne, indique le rapport.

Les pêcheurs de Gaza fournissent 18 250 personnes, en plus d’eux-même, selon un rapport du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) d’avril 2018.

Ayyash a déclaré que lorsqu’Israël réduit la zone de pêche, les pêcheurs se retrouvent en concurrence dans un espace restreint.

« Quand nous n’avons pas beaucoup d’espace pour pêcher, nous avons trop de bateaux dans la même zone », a-t-il dit, soulignant qu’il existe davantage de variétés de poissons dans les eaux profondes. « Il est plus difficile d’avoir une bonne pêche dans un petit espace. »

Si Israël étendait la zone de pêche à 12 milles nautiques de manière permanente, la quantité de poissons que les pêcheurs attraperait doublerait, selon le rapport d’OCHA, qui cite le ministère de l’Agriculture de l’enclave. Le rapport ajoute qu’une telle politique augmenterait de 60-65 % leurs revenus, si l’Etat hébreu permettait également l’exportation de produits de la pêche de Gaza, et pourrait garantir le plein emploi pour les pêcheurs du territoire.

Nizar Ayyash,,directeur de l’Union des pecheurs de Gazan sur Al-Kitaab TV. (Capture d’écran Al-Kitaab TV)

Amjad Sharafi, un pêcheur de 45 ans qui vit à Gaza Ville, a déclaré que lorsqu’Israël étend la zone de pêche, les chances que son revenu grimpe augmentent considérablement.

« Si je peux pêcher plus loin, je peux attraper assez de poissons qui me donneront 100 shekels ou plus à ramener à la maison », raconte Sharafi, père de 8 enfants. « Si je ne peux aller qu’à quelques milles, je ne reviens qu’avec 20 shekels. »

Le bureau du Premier ministre a déclaré qu’il ne voulait pas commenter « à ce stade » les fréquents changements de la zone de pêche et a redirigé les questions vers l’armée israélienne.

Mais Ofir Gendelman, porte-parole arabophone du Premier ministre a averti les pêcheurs de Gaza la semaine dernière que si les lancers de ballons incendiaires ne cessaient pas, ils continueraient à en payer les conséquences.

« Résidents de Gaza ! N’autorisez pas les terroristes qui lancent des ballons incendiaires pour faire brûler des fermes en Israël vous priver de votre source de revenus. Incendier des fermes revient à réduire la zone de pêche », a-t-il tweeté, avec une photo de Mohammed Salah, un célèbre footballeur égyptien tenant un gros poisson. « Regardez Mohammed Salah. Vous voulez être comme lui ? Méritez-vous de pêcher ce même gros poisson ? Evidemment, mais cela ne sera pas possible si le terrorisme continue. »

L’armée a renvoyé les questions au COGAT, branche du ministère de la Défense chargée de la liaison avec les Palestiniens.

A une question portant sur la raison pour laquelle Israël prenait des mesures contre les pêcheurs en réponse aux lancers de ballons incendiaires dont ils ne sont pas à l’origine, la porte-parole du COGAT n’a pas répondu mais a déclaré que le ministère ne faisait que mettre en application des politiques, et ne prenait pas de décisions.

Grisha Yakubovich, ancien haut-responsable du COGAT, a défendu ces variations autour de la zone de pêche et expliqué que le Hamas et les autres groupes terroristes à Gaza ne se plient pas aux récentes dispositions de l’accord de cessez-le-feu, et qu’ils ne devraient pas s’attendre à ce que le gouvernement israélien maintienne ses engagements.

« Le groupe terroriste du Hamas a accepté d’arrêter les lancers de ballons en échange de certaines mesures, notamment l’agrandissement de la zone de pêche », a-t-il dit. « Je comprends la frustration des pêcheurs. Mais le Hamas ne respecte pas sa part du contrat, alors Israël ne peut pas respecter la sienne. »

Après deux jours d’intenses combats au début du mois de mai, au cours desquels les groupes terroristes de Gaza ont lancé plus de 650 roquettes sur le sud d’Israël et que l’armée a mené plus de 300 frappes de représailles sur Gaza, le Hamas et le Jihad islamique palestinien ont annoncé que l’Egypte et d’autres instances internationales avaient réussi à négocier un cessez-le-feu.

Les bateaux des pêcheurs palestiniens dans le port de Gaza à Gaza Ville, le 13 juin 2019. (Crédit : AP/Hatem Moussa)

Un responsable palestinien à Gaza a déclaré dans une interview téléphonique que l’accord portait notamment sur l’agrandissement de la zone de pêche à 15 milles nautiques et à la fin de « toute résistance contre Israël à l’exception des manifestations hebdomadaires le long de la frontière dans leur forme pacifique ».

Sharafi, le pêcheur gazaoui, a répondu à Yakubovich en disant qu’Israël et les groupes terroristes n’auraient pas dû inclure la zone de pêche dans leurs négociations.

« Notre gagne-pain ne devrait pas dépendre des accords. Nous n’avons rien à voir avec les ballons », a-t-il dit. « Nous devons simplement être en mesure d’aller en mer et de gagner notre vie pour nourrir nos familles. »

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