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Opinion

Liberman a raison de critiquer les religieux, mais un vote ne changera rien

Il y a un moyen de rétablir le lien entre les Haredim et le reste d'Israël. Cela exige une réflexion stratégique et de la sensibilité, et non de l'opportunisme et de l'intolérance

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Photo d'illustration : des étudiants dans une yeshiva de Jérusalem, le 16 août 2018. (Crédit : Aharon Krohn/Flash90)
Photo d'illustration : des étudiants dans une yeshiva de Jérusalem, le 16 août 2018. (Crédit : Aharon Krohn/Flash90)

Douze heures après l’intransigeance d’Avigdor Liberman et de ses adversaires Haredi sur un projet de loi visant à réglementer la conscription ultra-orthodoxe qui a contrecarré les efforts du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour former une coalition, Liberman, le leader d’Yisraël Beytenu a organisé une conférence de presse pour justifier le fait de soumettre Israël à un nouveau tour de scrutin en septembre. Son thème central était que Netanyahu a cédé une grande partie de l’agenda national d’Israël aux partis ultra-orthodoxes au détriment du camp nationaliste sioniste.

« Je n’ai rien contre les ultra-orthodoxes », a déclaré Liberman à plusieurs reprises lors de sa prestation à Tel Aviv jeudi, mais « nous sommes contre un État halakhique ». Le refus de Netanyahu et des partis Haredi de s’engager à ne pas modifier la loi sur la conscription était la raison spécifique pour laquelle il avait refusé de rejoindre la coalition prévue par Netanyahu, a-t-il dit, mais ce refus était aussi emblématique de la « capitulation » continue du Premier ministre devant la coercition ultra-orthodoxe. Cette politique de soumission, a-t-il affirmé, rapprochait progressivement Israël d’une théocratie juive.

Non seulement les ultra-orthodoxes continuent-ils d’échapper au service militaire, mais ils renforcent progressivement leur emprise sur les aspects essentiels de la vie israélienne, a-t-il déploré, citant plusieurs exemples récents d’interventions ultra-orthodoxes visant à rendre Israël plus respectueux du Shabbat – notamment une opposition aux travaux essentiels d’infrastructure nationale le samedi, à la menace du boycott de la fabrique qui travaille durant le week-end et à des mesures pour fermer des supérettes qui restent ouvertes les samedis.

Liberman a tout à fait raison, bien sûr, et il aurait pu citer encore de très nombreux autres exemples concrets.

Avigdor Liberman (au centre), leader de Yisrael Beytenu, tient une conférence de presse avec ses collègues du parti après la dissolution de la Knesset, et avant les nouvelles élections, à Tel Aviv le 30 mai 2019. (Flash90)

Il n’a pas mentionné, par exemple, qu’on ne peut vraiment pas naître, se marier ou divorcer, ou même mourir dans ce pays sans le tampon casher du rabbinat ultra-orthodoxe.

Il n’a pas non plus mentionné le maintien d’un réseau d’écoles ultra-orthodoxes distinctes qui produisent des générations de diplômés non formés dans des matières de base comme les mathématiques et l’anglais, et le niveau élevé du financement public des yeshivot d’adultes à plein temps – des centres d’études qui, selon la tradition juive orthodoxe authentique, devraient être réservés aux meilleurs et aux plus brillants spécialistes de la Torah.

Il n’a pas mentionné « l’armée » israélienne dans laquelle les hommes ultra-orthodoxes servent – les milliers d’inspecteurs de casheroute sous licence de l’Etat, dont le coût colossal est en grande partie assumé par les cafés et les restaurants israéliens. (L’État lui-même emploie aussi directement des centaines d’inspecteurs de la casheroute ; en revanche, les chantiers israéliens, où 30 travailleurs ont été tués dans des accidents cette année seulement, sont radicalement sous-supervisés, avec environ un inspecteur de sécurité gouvernemental pour 700 sites).

Il n’a pas mentionné l’abrogation par Netanyahu, il y a deux ans, de l’accord de compromis du mur Occidental qui aurait accordé aux représentants du judaïsme non orthodoxe un rôle formel dans la surveillance de l’espace de prière pluraliste à la droite du Kotel. Il s’agissait d’un arrangement soigneusement négocié que le Premier ministre a abandonné sous la pression ultra-orthodoxe, avec des répercussions désastreuses et continues sur les relations vitales entre Israël et la diaspora juive.

Des jeunes filles juives dans la section de prière pluraliste du mur Occidental de la Vieille Ville de Jérusalem, le 3 janvier 2018. (Yonatan Sindel/Flash90)

Liberman a raison, mais un politicien opportuniste (il a maintenu des liens étroits pendant des années avec Aryeh Deri de Shas et les sages influents derrière Yahadout HaTorah) dont le véritable but est de supplanter Netanyahu comme leader de la droite israélienne n’est pas celui de refonder la relation entre Israël et son secteur ultra orthodoxe, tâche qui exige sensibilité, réflexion stratégique et clarté de l’objectif.

Aryeh Deri (à droite) et Avigdor Liberman pendant une session plénière de la Knesset, le 29 juillet 2013. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)

Même s’il était mis en œuvre, le projet de loi sur la conscription auquel il a lié son sort, et à propos duquel nous nous dirigeons maintenant vers de nouvelles élections, n’aura aucun impact significatif sur l’exemption institutionnelle des ultra-orthodoxes. S’il devenait une loi et si ses quotas déclarés étaient respectés, peut-être 20 % des 30 000 hommes ultra-orthodoxes éligibles annuellement s’enrôleraient. Aujourd’hui, les quotas atteindraient environ 10 % dans la communauté, mais même les quotas les plus bas ne sont pas atteints.

Une législation qui aurait un impact, et que réclame Israël tout entier, garantirait que l’ensemble de la communauté ultra-orthodoxe – et d’ailleurs la communauté arabe israélienne aussi – partage équitablement les droits et responsabilités de la citoyenneté israélienne. Une telle législation, plutôt que de se concentrer uniquement sur le service militaire dans Tsahal, établirait une série de cadres et de programmes de services nationaux – depuis l’assistance pédagogique jusqu’aux soins aux aînés. Il y aurait toute une gamme d’options possibles, et une fois qu’elles seraient en place, il serait obligatoire pour tous les jeunes Israéliens qui ne servent pas dans l’armée israélienne de faire à la place une période équivalente dans un tel cadre.

En vertu d’un tel arrangement, personne ne forcera la communauté ultra-orthodoxe à s’intégrer pleinement dans la société laïque israélienne ; ses jeunes seraient plutôt en mesure de servir Israël et leurs propres communautés, conformément à leur style de vie religieux. Plutôt que d’être imposés à la communauté, les cadres devraient être conçus en partenariat avec elle.

Si le partenariat plutôt que la récrimination et l’extorsion politique devenaient progressivement la norme, Israël pourrait aussi faire des progrès dans l’amélioration de l’éducation ultra-orthodoxe, puis, par extension directe, la participation ultra-orthodoxe à la population active – encore une fois, au profit de la communauté Haredi en particulier et d’Israël en général.

Les membres du parti Yahadout HaTorah Yaakov Litzman (à gauche) et Moshe Gafni lors d’une conférence de presse à Bnei Brak, le 30 mai 2019. (Crédit : Flash90)

Rien de tout cela n’est sur le point de se produire, ce qui constitue une mise en accusation de tous nos politiciens élus – les politiciens ultra-orthodoxes inflexibles et égoïstes (et leurs protecteurs rabbiniques), dont les politiques soumettent impitoyablement leur communauté à une éducation insuffisante et à une pauvreté relative ; leurs adversaires opportunistes, comme Liberman, et l’indifférence évidente des législateurs au milieu.

Ce qui est sur le point de se produire, en revanche, c’est qu’Israël va maintenant retourner aux urnes, et il est fort probable que la part ultra-orthodoxe de la Knesset va encore augmenter. Liberman a marqué quelques points lors de sa conférence de presse de jeudi en citant le choix initial de Netanyahu du 27 août pour de nouvelles élections comme une illustration supplémentaire de la reddition du Premier ministre aux hommes en chapeau noir. Après tout, une grande partie de l’Israël laïc pourrait être en vacances à l’étranger à ce moment-là, alors que la communauté ultra-orthodoxe serait au grand complet.

Mais la communauté ultra-orthodoxe sera également au rendez-vous le 17 septembre – avec la motivation supplémentaire de ses dirigeants rabbiniques pour maximiser leur représentation à la Knesset et marginaliser leurs adversaires laïcs. Liberman nous a « humiliés », a déclaré jeudi matin Moshe Gafni du parti Yahadout HaTorah. « Il a essayé de nous extorquer », a déclaré le chef de son parti, Yaakov Litzman, promettant de transmettre ce message à ses électeurs.

Les deux partis ultra-orthodoxes, Yahadout HaTorah et Shas, sont passés de 13 sièges en 2015 à 16 sièges en avril. Dénigrant le pouvoir politique ultra-orthodoxe, mais ne parvenant pas à offrir des solutions stratégiques, Liberman est susceptible d’avoir engendré leur domination encore plus forte.

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