Marée noire : Querelle entre le Trésor et le ministère de l’Environnement
La présidente de la commission de la Knesset a dit que lors d'une future catastrophe, "nous n'aurons plus à boire et nos enfants ne pourront pas se baigner pendant des décennies"
Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.
Si des bénévoles continuent à nettoyer le goudron qui souille le littoral israélien suite à un déversement de pétrole dans la mer il y a un peu moins de deux semaines, la nature – semble-t-il – a d’autres plans.
Parce que le goudron ne cesse, encore aujourd’hui, d’atteindre le rivage.
Le ministère de la Protection environnementale a procédé à un classement par code-couleur des plages, de Rosh Hanikra, dans le nord, jusqu’à Nitzahim, dans le sud, selon la gravité de la pollution. Selon une « carte de signalisation » (en hébreu) qui est réactualisée chaque jour, le Bleu indique un niveau de pollution très léger, tandis que le rouge sombre – le degré le plus grave – signifie que la présence du goudron dans le sable et dans l’environnement est forte.
Mardi, je me suis s’est rendue sur deux plages du nord d’Israël : Maayan Zvi (rouge sombre dans la soirée de lundi), qui se trouve à l’ouest de Zichron Yaakov, et dans la réserve naturelle de Gador, à seulement trente minutes de voiture vers le sud, catégorisée en jaune (niveau de pollution moyen).
Sur les deux plages, le sable était encore parsemé de petites boules de goudron.
A Gador, où les soldats de l’unité spéciale des renseignements, l’unité 9000, ont travaillé bénévolement pendant toute la journée, de nouveaux morceaux de goudron brillants sont observables près du rivage et des débris noirs et visqueux sont encore accrochés dans les coins et dans les fissures de la falaise.
« C’est fantastique de pouvoir échapper une journée à l’écran d’ordinateur et d’être dehors alors qu’il fait si beau », commente Samuel.
« C’est aussi formidable de pouvoir donner un coup de main », renchérit Hadar.
Il y a 13 000 bénévoles qui ont aidé à nettoyer les plages sous la compétence de l’Autorité de la nature et des parcs depuis la catastrophe.
Le ministère de la Protection environnementale a fait savoir mardi qu’il avait d’ores et déjà procédé à l’enlèvement de 120 tonnes de sable, de débris et autres matériaux pollués sur les plages du nord du pays, notamment à Jisr az-Zarqa, Herzliya et Atlit, et à Palmachim, dans le centre de l’Etat juif. Il a précisé que des préparations étaient en cours pour enlever les déchets à Haifa, Rishon Lezion, Netanya, Tel Aviv, Nahariya et sur toutes les plages qui se trouvent sous la responsabilité de l’Autorité.
Ces déchets ont été emmenés sur le site industriel de Neot Hovav, dans le Negev, dans le sud d’Israël, pour y être triés et analysés, avec l’espoir de pouvoir en composter une partie et d’envoyer la quantité la moins importante que possible à la décharge, a ajouté le ministère.
Les 120 tonnes de déchets ramassées jusqu’à présent ne forment qu’un dixième du total estimé.
Et selon les estimations des autorités locales, les cinq plages de Haïfa ont accumulé 152 tonnes de déchets contaminés – 100 tonnes à Atlit, 40 dans le nord de Nahariya, 12 à Tel Baruch, et dix respectivement sur les plages de Rishon Lezion et de Sinorit, à Netanya.
Sur le budget de 45 millions de shekels qui a été approuvé, il y a une semaine, par le gouvernement pour faire face à la catastrophe, 10 millions de shekels ont été alloués à l’enlèvement des déchets. Cinq millions de shekels seront dépensés pour la recherche, la surveillance et les études, et les 30 millions restants ont été divisés entre les autorités locales directement responsables de toutes les plages, à l’exception de celles qui sont administrées par l’Autorité de la nature et des parcs.
Pendant ce temps-là, après des tentatives initiales visant à organiser en urgence une réunion de la Commission des Affaires intérieures et de l’environnement qui ont été paralysées par le député du Likud Miki Zohar, président de la coalition, cette dernière s’est rassemblée mardi. La présidente de la Commission Miki Haimovitch (Kakhol lavan) et les responsables du ministère de la Protection environnementale s’en sont pris au ministère des Finances.
Alors qu’il lui était demandé ce qui était nécessaire pour permettre au ministère de la Protection de l’environnement de mieux faire face à un futur désastre écologique de ce type, Rani Amir, directeur de l’unité nationale de protection de l’Environnement marin, a répondu qu’il fallait se doter d’un système d’alerte anticipé, de deux stations côtières comptant chacune dix employés – une dans le nord, l’autre dans le sud – de deux navires, dont l’un au moins serait équipé de matériel de pompage d’hydrocarbures et autres bateaux.
Mais il a affirmé que même deux navires munis de pompes n’auraient pu enlever que 15 % à 20 % de pétrole s’ils avaient pu se rendre à temps sur le lieu du crime alors que la tempête grondait.
« En 2008, nous avions demandé dix postes et nous n’en avions bénéficié d’aucun », a-t-il dit.
« En 2014, nous n’en avons eu aucun non plus. En 2016, nous devions en avoir 11 et nous devions en avoir huit en 2019. Nous n’avons rien eu », a-t-il dit.
Il a ajouté qu’il y avait un projet visant l’établissement d’un système côtier radar pour aider à donner des alertes anticipées, qui serait plus fiable que les images prises par satellite.
Rotem Bramli, de la division du budget du ministère des Finances, a indiqué que 100 millions de shekels étaient disponibles dans le Fonds de prévention des pollutions marines de l’Etat, et il a affirmé que le Trésor avait alloué 30 postes au ministère de l’Environnement en 2017 – mais que ce dernier n’avait pas jugé utile de les attribuer au bureau de préparation et de prévention des marées noires.
« Vous dites n’importe quoi », a rétorqué la ministre de la Protection environnementale, Gila Gamliel. « Regardez les chiffres. Le ministère manque terriblement de personnel ». Elle a déclaré que 23 emplois avaient été supprimés.
Un responsable du Fonds pour la prévention de la pollution marine a ajouté : « Il y a de l’argent dans le fonds de prévention de la pollution marine, mais c’est pour acheter des équipements pour un événement maritime…Nous ne pouvons pas acheter l’équipement parce qu’il n’y a personne qui pourrait en être responsable. Nous n’avons pas de postes à occuper, alors nous ne dépensons pas l’argent ».
Haimovich a déclaré que « nous paierons tous le prix fort s’il devait y avoir – Dieu nous en préserve – une importante pollution, une pollution démesurée, parce que nous n’aurons plus d’eau à boire [la pollution au pétrole obligeant les usines de dessalement du pays à arrêter leurs activités] et parce que nos enfants ne pourront plus aller se baigner dans la mer pendant des décennies. L’argent du Fonds ne doit pas aller à des postes », a-t-elle continué.