Naftali Bennett veut être l’anti-Netanyahu de la droite – et ça marche
Yamina s'épanouit dans l'opposition alors que son leader s'efforce de se positionner comme le successeur de droite du Premier ministre
Il est évident depuis des mois que le parti de droite Yamina gagnerait à passer un peu de temps dans l’opposition. Mais personne n’imaginait à quel point.
Pour la première fois, ces quatre derniers mois, le leader de Yamina, Naftali Bennett – ou n’importe quel député de Yamina, d’ailleurs – a effectivement siégé dans l’opposition. Et le soutien au parti a plus que doublé.
Des sondages de la semaine dernière ont donné à Yamina entre 13 et 16 sièges, un nombre augmentant au fil de la semaine. C’est là plus du double des six sièges remportés par son parti aux élections de mars. Le Likud, quant à lui, est crédité de 31 sièges (selon un sondage réalisé mercredi par Panels Politics), soit une baisse de 10 sièges par rapport aux estimations d’il y a un mois.
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Le transfert de tant de sièges du Likud à Yamina n’est pas un mystère. Bennett a mené une vive campagne contre la politique gouvernementale face au coronavirus – et, implicitement, contre les nombreuses diversions et manœuvres politiques de Netanyahu entreprises alors que les Israéliens se retrouvaient sans emploi et que les entreprises fermaient leurs portes dans tout le pays. « Si ce n’est pas notre gagne-pain, ça n’a pas d’importance », disait la campagne de Yamina, un slogan qui accompagnait chaque photo de Bennett lors de ses déplacements dans le pays et de ses rencontres avec les Israéliens, qui ont vu leurs revenus fondre dans la récession économique provoquée par le coronavirus.
M. Bennett a passé la majeure partie des quatre derniers mois à demander instamment un changement radical dans la réponse d’Israël face au virus, qui comprend une accélération des tests, l’attribution à l’armée d’un rôle plus important dans la mise en place rapide d’une capacité de tests de masse et de confinement, et l’utilisation de cette capacité pour mettre en quarantaine les personnes infectées tout en maintenant l’économie ouverte. Il a appelé cela l’approche « pincettes », par opposition à la politique de fermeture générale du gouvernement, ou « marteau ».
La popularité de Bennett se fait au détriment de Netanyahu. Netanyahu a passé les quatre derniers mois à faire de la politique comme si le virus avait déjà été vaincu, à demander des réductions d’impôts pour lui-même, à insister sur une annexion de la Cisjordanie et à se chamailler constamment avec le « Premier ministre d’alternance » et ministre de la Défense Benny Gantz.
Pendant la campagne de Bennett, les chiffres des sondages concernant Netanyahu se sont effondrés, les Israéliens qui ont salué sa gestion de la deuxième vague de coronavirus étant tombés d’environ 60 % pendant la première vague en mai à moins de 30 % lorsque la deuxième vague s’est installée à la mi-juillet.
Puis, ces derniers jours, la politique de Bennett en matière de coronavirus, longtemps exigée, est devenue celle de Netanyahu – mais seulement après que Netanyahu a trouvé quelqu’un d’autre qui pourrait en avoir le mérite : le nouveau responsable du coronavirus au sein du gouvernement, Ronni Gamzu, nommé dans le but d’éviter la colère croissante du public.
Pourtant, malgré les efforts de Netanyahu, tout le monde a remarqué la similitude frappante entre l’approche de Gamzu et celle de Bennett.
« Ce que le professeur Gamzu dit maintenant est précisément ce que Bennett a proposé il y a trois mois », a tweeté Roy Sharon, journaliste pour le radiodiffuseur public Kan, alors que Gamzu dévoilait sa nouvelle politique mardi.
L’animateur radio de droite Yotam Zimri s’est montré plus critique – à l’égard de Netanyahu. « Donc Gamzu est pour ainsi dire Bennett, sauf que Netanyahu ne le déteste pas », a-t-il tweeté.
Et vendredi, pour montrer à quel point l’appel de Bennett s’était étendu, le député Moshe Gafni du parti Yahadout HaTorah, a été cité par le quotidien Haredi Yated Ne’eman, déplorant qu’il soit « dommage que [Netanyahu] n’ait pas nommé Bennett comme ministre de la Santé » après la première vague – parce qu’il aurait pu empêcher la seconde.
Bennett a veillé à ce que personne ne rate le coche. Si Netanyahu avait accepté ses propositions quatre mois plus tôt, alors qu’il était encore ministre de la Défense, l’économie israélienne ne serait pas dans cette situation, a-t-il écrit sur Facebook mardi. Mais Netanyahu ne l’a pas fait, « parce qu’il craignait que Naftali Bennett ne réussisse trop bien à contenir le coronavirus. Il n’y a pas de mots pour décrire la gravité de cet échec. Il s’agit d’un échec de leadership comme celui de Kippour [guerre de 1973] ». La guerre – pour ne pas insister sur ce point – qui allait conduire à la démission de Golda Meir, alors Premier ministre.
Il y a là une ironie pour Netanyahu. Il a longtemps été le champion d’un centre-droit qui, par sa politique étrangère prudente et son conservatisme économique compétent, pouvait faire appel au-delà des limites étroites de la droite politique et attirer les électeurs du centre israélien. Mais alors que les campagnes de Netanyahu ont évolué vers la droite et vers une posture plus populiste, œuvrant ouvertement à éliminer le vote arabe, accusant de larges conspirations dans la société israélienne de vouloir le renverser, poussant à une annexion de la Cisjordanie du type de celle qu’il avait longtemps évitée, et s’identifiant de plus en plus au penchant de son fils Yair à qualifier ses ennemis de « bolcheviks » et de « pédophiles », Netanyahu a perdu du terrain au centre.
Et Bennett, autrefois considéré à la droite de Netanyahu, a gagné ce terrain.
Il a façonné sa campagne autour du type de politique que Netanyahu a abandonné, travaillant dur pour être une voix de respectabilité et d’inclusion.
Bennett a un plan. Il veut remplacer Netanyahu comme Premier ministre – mais seulement après que Netanyahu aura quitté la politique de son propre chef.
Jeudi, Bennett a indiqué qu’il pourrait ne pas recommander Netanyahu comme Premier ministre si des élections avaient lieu aujourd’hui. C’était un double message à Netanyahu : premièrement, j’ai l’intention de vous défier pour le leadership de la droite – ou du moins de me positionner comme votre alternative – et deuxièmement, ne déclenchez pas d’élections maintenant, comme certains pensent que vous en avez l’intention, parce que vous n’aurez peut-être pas les votes de la Knesset après les élections pour revenir au poste de Premier ministre.
Bennett ne croit pas vraiment qu’il puisse vaincre Netanyahu en tant que chef de la droite. Il dirige un petit parti satellite, et non le parti au pouvoir, le Likud. Pourtant, il est plus populaire à droite que n’importe quel candidat du Likud pour succéder à Netanyahu.
La semaine dernière, un sondage a demandé aux Israéliens non pas pour quel parti ils voteraient – ce qui est en fait le choix donné aux Israéliens dans les urnes – mais quel homme politique ils souhaiteraient voir en tant que Premier ministre.
Netanyahu est arrivé en tête du peloton, avec 29 % des voix. Le centriste Yair Lapid est arrivé deuxième avec 23 %. Bennett est arrivé troisième avec 19 % – soit environ deux tiers des suffrages accordés au Premier ministre.
Mercredi, un sondage de la Douzième chaîne a posé aux Israéliens une question légèrement différente : Quel est votre candidat préféré pour diriger la droite ? Ce sondage a ajouté à la liste Gideon Saar du Likud, le principal challenger de Netanyahu au sein du parti.
Netanyahu est arrivé premier avec 34 %, Saar a obtenu 22 % et Bennett est arrivé troisième avec 16,4 %.
Mais il s’agissait de tous les électeurs. Parmi les sondés de droite – les électeurs qui décideront réellement qui dirigera la droite – Netanyahu a obtenu 43 % et Bennett a échangé sa place avec Saar, obtenant 24 % contre 16 % pour Saar.
En d’autres termes, Bennett est mieux placé pour remplacer Netanyahu que n’importe quel homme politique de droite. Entre-temps, son parti a passé des mois dans l’opposition à monter une campagne axée sur les faiblesses de Netanyahu. Pas étonnant que Netanyahu ait paniqué lorsque le député Betzalel Smotrich du parti Yamina a présenté un projet de loi pour demander une enquête sur les juges au début du mois de juillet. Et pas étonnant qu’il soit prêt à risquer de perdre le veto de la droite sur la nomination de nouveaux juges – juste pour refuser à Ayelet Shaked de Yamina un siège au sein de la commission des nominations judiciaires.
En février dernier, le sondeur Shlomo Filber a expliqué au journal de droite Makor Rishon ce que tous les sondeurs ont remarqué au cours de l’année écoulée : Yamina est beaucoup plus populaire que ne le laisse supposer les résultats des urnes.
Notant que le parti Kakhol lavan, qui a remporté un grand succès (c’était en février), était composé de plusieurs partis qui se sont tous rassemblés, Filber a suggéré que le même schéma se produirait à droite au lendemain du départ de Netanyahu, et que seule la position dominante de Netanyahu à droite l’empêche de survenir dès maintenant.
« Il y a un écart entre la valeur de l’action Netanyahu, qui a atteint 36 sièges dans les sondages, et celle de l’action Likud, qui vaut 18 à 20 », a déclaré M. Filber au journal. « Le jour où Netanyahu ne dirigera plus le Likud, 10 à 12 sièges seront libres de chercher une alternative. »
Filber aurait pu ajouter, s’il avait prévu les échecs de la deuxième vague du gouvernement : Le jour où Netanyahu semblera ne pas remarquer que l’économie s’effondre autour d’eux, ces électeurs pourraient commencer à bouger avant même le départ à la retraite du Premier ministre.
« Dans tous les sondages que nous avons effectués au cours de l’année dernière, a-t-il poursuivi, nous avons demandé aux sondés pour qui ils voteraient comme parti de second choix s’ils le pouvaient. Yamina a gagné plus de 20 % [des électeurs]. »
Le jour après Netanyahu, « ce sera l’alternative au Likud ».
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