Netanyahu dit ne pas avoir vérifié avant de signer les documents profitant à Elovitch
Selon l'acte d'inculpation, le Premier ministre a signé deux autorisations au profit du magnat Elovitch au cœur de l'affaire 4000 - l'une d'entre elles approuvait la vente d'une société qui rapportait 800 millions de shekels à Elovitch
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a insisté, alors qu’il se trouvait lundi à la barre des témoins du tribunal de Tel Aviv, sur le fait qu’il ignorait que son approbation de deux décisions en matière de réglementation bénéficierait au propriétaire de Bezeq et Walla, Shaul Elovitch. Il a affirmé qu’il n’avait pas eu connaissance des discussions entre ses assistants et Elovitch à ce sujet.
S’exprimant au cinquième jour de son témoignage, le Premier ministre a dit qu’il n’avait signé les autorisations mises en cause qu’après que des responsables et des juristes du bureau du Premier ministre et d’autres ministères concernés les ont eux-mêmes approuvées. Il a ajouté qu’il n’avait pas compris l’impact que pourraient avoir ces décisions.
Dans un moment d’une tension intense, Netanyahu a demandé pourquoi, si son approbation de ces décisions avait été malhonnête, le ministre des Communications de l’époque Gilad Erdan, qui les avait également approuvées et qui, semble-t-il, était en contact avec Elovitch au même moment, n’avait pas lui aussi été mis en examen.
Les décisions réglementaires en question sont au cœur des accusations lancées contre le Premier ministre dans le cadre de l’Affaire 4000 – il doit répondre, dans ce dossier qui concerne des faits de corruption, des accusations les plus graves à avoir été émises à son encontre. Il lui est notamment reproché d’avoir approuvé ces décisions en échange d’un pot-de-vin, le magnat Elovitch lui offrant, en contrepartie, une couverture favorable de ses actions sur le site d’information Walla sur internet – qui était propriété d’Elovitch.
Au cours du témoignage de lundi, le principal argument qui a été utilisé par Netanyahu contre ces affirmations a été qu’il avait ignoré que ses décisions étaient susceptibles de donner un sérieux coup de pouce au intérêts commerciaux d’Elovitch. Il a également nié avoir subi des pressions pour les approuver.
Netanyahu a aussi fait valoir que son approbation des décisions réglementaires – une approbation qui est soulignée par le parquet – n’avait pas réellement donné à Elovitch des avantages qui ne lui étaient pas, à la base, essentiellement dus en tant que propriétaire des entreprises principalement concernées par les autorisations.
Comme cela a été le cas depuis le début de son témoignage, Netanyahu a de nouveau soutenu que Walla était un site d’information particulièrement hostile à son égard en tant que Premier ministre – ajoutant que non seulement la couverture de ses actions et des actions de sa famille était défavorable sur ce média, contrairement à ce que pouvaient affirmer les procureurs, mais qu’elle ne dissimulait guère, de surcroît, ce parti-pris.
Une affirmation qui a été particulièrement mise en exergue quand l’avocat de la défense du Premier ministre, Amit Hadad, a rédigé un éditorial qui avait été publié sur le site Walla au mois de décembre 2013 – une période où l’accord conclu avec Elovitch était censé être déjà en vigueur – où le chef du gouvernement était qualifié de « Ahmadinejad israélien », en référence à l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad, qui, selon l’article, avait contribué à isoler Téhéran sur le plan diplomatique.
L’article était intitulé « Netanyahu a beaucoup à apprendre de Rouhani », le successeur d’Ahmadinejad. Il accusait également le Premier ministre d’avoir utilisé un langage « vulgaire » et « animaliste et superficiel » en réponse à une attaque terroriste qui avait été commise par le Hamas, ainsi que de ne pas avoir réussi à promouvoir la position diplomatique d’Israël de manière efficace.
« Et ce serait mon site internet ? Aujourd’hui, on m’appelle Hitler, Staline, Ceausescu… Et vous considérez qu’il s’agit là d’un traitement de faveur, quand on me colle l’étiquette d’un Ahmadinejad israélien ? », a dit Netanyahu avec sarcasme, faisant référence à l’accusation laissant entendre que la couverture de Walla était régulièrement au service de ses intérêts propres.
Évoquant l’approbation donnée de sa main, au mois de janvier 2014, d’une autorisation qui permettait à B-com, la société mère de Bezeq, d’émettre des obligations – ce qui, selon l’acte de mise en examen, devait s’avérer être financièrement déterminant pour Elovitch – le Premier ministre a déclaré qu’il ne se souvenait pas d’avoir signé le document.
Il a noté qu’il signait une dizaine d’autorisations de ce type par semaine et qu’il en avait signé des milliers au cours de son mandat de chef de gouvernement.
Netanyahu a expliqué que si une telle autorisation arrivait sur son bureau, cela impliquait qu’elle avait été approuvée par des responsables et par des juristes du ministère où le document avait été préparé – voire au sein du cabinet du Premier ministre lui-même – et qu’il était alors en droit de supposer que le processus d’approbation s’était déroulé dans les règles.
Si le document « n’avait pas franchi l’une de ces étapes, il ne serait jamais parvenu jusqu’à moi », a déclaré le Premier ministre aux juges, affirmant que l’approbation concernant B-Com avait été préparée et approuvée par des responsables du ministère des Communications et qu’il n’avait pas été au courant de cette mesure dans laquelle il n’avait nullement été impliqué.
« Je ne me souviens pas de ne pas avoir signé une seule fois l’un de ces documents », a ajouté Netanyahu, évoquant une « multitude » d’autorisations de ce type auxquelles il est tenu à apporter sa signature en tant que Premier ministre.
Il a catégoriquement rejeté tout accord conclu avec Elovitch, comme le prétend l’acte de mise en examen.
« Nous n’en avons pas discuté, nous n’avons pas échangé un seul mot là-dessus », a répété Netanyahu alors qu’il lui était demandé si Elovitch et lui-même avaient parlé de l’approbation qui avait permis à B-Com d’émettre des obligations. « À l’époque, je n’ai rien compris. Je ne savais même pas ce que je signais. Aujourd’hui, j’ai compris qu’il y a eu une relève de la garde, le remplacement d’un administrateur », a dit le chef de gouvernement.
L’avocat de Netanyahu, Hadad, a également souligné que, lorsque les enquêteurs l’avaient interrogé sur cette autorisation, le Premier ministre avait indiqué, à l’époque, qu’il ne se souvenait pas de cette dernière et qu’il avait demandé aux enquêteurs quel avait été le positionnement des responsables sur cette décision.
« Si je m’occupais de toutes ces approbations, je ne serais pas Premier ministre », a indiqué Netanyahu – parce qu’il n’aurait pas, a-t-il dit, le temps de s’occuper d’autre chose. Il a ajouté qu’il ne lisait les titres de ces documents que s’il en avait le temps, et il a comparé ce processus à la nécessité de signer de nombreux documents à la banque.
« J’ignorais tout de cette autorisation et je n’en ai pas parlé avec Shaul, nous n’avons pas échangé à ce sujet ne serait-ce qu’un seul mot » a affirmé Netanyahu.
Hadad a également évoqué la vente, par Elovitch, du site internet Yad2 – une vente dont l’autorisation avait été signée par le Premier ministre en date du 14 mai 2014. Elle avait rapporté à Elovitch 800 millions de shekels et, selon l’acte de mise en examen, elle avait été financièrement déterminante pour le propriétaire de Walla et Bezeq.
Ces 800 millions de shekels représentent près de la moitié des 1,8 milliard de shekels dont, selon l’acte d’inculpation, Elovitch a bénéficié grâce à l’arrangement conclu avec Netanyahu et grâce aux décisions réglementaires que le Premier ministre avait approuvées.
Le chef du gouvernement a insisté sur le fait que, là aussi, il avait signé cette autorisation car elle faisait partie des nombreuses autorisations de ce genre qui arrivaient régulièrement sur son bureau après avoir été approuvées par des responsables – des professionnels des secteurs concernés – et par des juristes, et qu’il ne savait pas qu’elle était importante pour Elovitch.
Il a également insisté sur le fait que la nécessité, pour lui, d’autoriser cette vente était une simple question de bureaucratie et qu’Elovitch n’avait pas reçu « ne serait-ce qu’un seul shekel » de la part de l’État dans le sillage de la signature de la vente par Netanyahu.
« Il s’agissait d’une transaction normale. Je ne savais pas pourquoi on m’interrogeait à ce sujet », a dit Netanyahu aux juges, faisant référence aux questions posées par les policiers sur la vente, au cours de l’enquête menée sur l’affaire.
« Je leur ai demandé [à la police] quelle était le positionnement des responsables. Je leur ai demandé s’ils n’avaient pas oublié les conseillers juridiques ou peut-être quelqu’un d’autre, un responsable de la fonction publique ? Si tel était le cas, je comprenais pourquoi ils menaient une enquête mais si cela concernait toute la hiérarchie – alors pourquoi enquêter précisément sur moi ? »
« Je leur avais posé la question mais je ne pense pas avoir obtenu de réponse. Ils devraient répondre maintenant », a-t-il affirmé.
Hadad l’a également interrogé sur un entretien téléphonique qu’il avait eu avec Elovitch le 10 mai, quatre jours avant la signature de l’autorisation de la vente de Yad 2. Netanyahu a déclaré qu’il avait appelé le propriétaire de Bezeq en raison de son expertise dans l’économie japonaise dans la mesure où lui-même devait se rendre au Japon le 11 mai.
L’acte de mise en examen affirme qu’Elovitch était en contact avec Netanyahu et avec ses collaborateurs – ainsi qu’avec des conseillers du ministre des Communications de l’époque, Erdan – pour accélérer l’approbation de la vente, Elovitch craignant que son acquéreur n’abandonne la transaction si le processus prenait trop de temps.
« Ce sont de fausses accusations, avec une présentation des faits au public qui laisse croire qu’un pot-de-vin avait été versé ici… [C’est] un mensonge malhonnête et un mensonge qui n’est étayé par rien », a insisté Netanyahu avec colère et en haussant le ton, évoquant les accusations contenues dans l’acte de mise en examen. Il a ajouté qu’il ne savait pas combien Elovitch avait eu l’intention de gagner grâce à l’accord.
« Pourquoi n’avez-vous pas inculpé Erdan ? Il a également signé [l’autorisation] », a demandé le Premier ministre en s’adressant au parquet. Il a affirmé que l’acte de mise en examen émis à son encontre était, par conséquent, une pure création du bureau du procureur de l’État.
Netanyahu a également nié avoir eu connaissance du fait que ses assistants étaient en contact avec Elovitch, qui voulait apparemment qu’Erdan accélère le processus d’approbation – ce que dit l’acte de mise en examen.
Les accusations
Netanyahu est actuellement jugé dans le cadre de trois affaires de corruption. Il est accusé de fraude et d’abus de confiance dans les Affaires 1000 et 2000, et de corruption, fraude et abus de confiance dans l’Affaire 4000.
L’Affaire 1 000 porte sur des allégations selon lesquelles Netanyahu et son épouse Sara auraient reçu de manière illicite des cadeaux onéreux de la part du magnat des médias hollywoodien Arnon Milchan – des cadeaux d’une valeur d’environ 700 000 shekels – et que Netanyahu aurait violé les lois sur les conflits d’intérêts en aidant Milchan à renouveler son visa de résidence longue durée aux États-Unis. Il aurait aussi cherché à l’aider sur le plan fiscal.
Dans l’Affaire 2 000, le Premier ministre est accusé de fraude et d’abus de confiance pour avoir, semble-t-il, tenté de conclure un accord avec Arnon (Noni) Mozes, le propriétaire du journal Yedioth Aharonot. Selon cet accord, le journal aurait accordé au Premier ministre une couverture médiatique plus positive en échange d’une réglementation qui aurait affaibli son principal rival, le journal gratuit Israel Hayom.
L’Affaire 4 000, également connue sous le nom d’Affaire Bezeq-Walla, est la plus grave à laquelle le Premier ministre ait jamais été confronté. Il est accusé d’avoir autorisé des décisions réglementaires qui ont bénéficié financièrement à Shaul Elovitch, actionnaire du géant des télécommunications Bezeq, à hauteur de plusieurs centaines de millions de shekels. En retour, Netanyahu aurait bénéficié d’une couverture médiatique favorable de la part du site d’information Walla, dont Elovitch est également propriétaire.
Netanyahu, de son côté, n’a cessé de clamer son innocence. Il affirme que les accusations lancées à son encontre ont été fabriquées de toutes pièces dans le cadre d’un coup d’État politique mené par la police et le système judiciaire.