Netanyahu évitera-t-il l’inculpation ? Annexera-t-il les implantations ?
Un jour après avoir remporté un 5e mandat, les spéculations abondent sur les ministres et les partis que choisira le Premier ministre - parce que ces choix indiqueront sa stratégie
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Alors que les résultats définitifs des élections de mardi sont toujours en cours de dépouillement et que le sort du parti HaYamin HaHadash – quatre sièges ou rien – est toujours en jeu, les hypothèses sur la probable composition de la coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu et ses éventuels ministres clés ont néanmoins été largement débattues mercredi soir.
Le processus de mise en place du prochain gouvernement commencera officiellement la semaine prochaine, lorsque le président Reuven Rivlin convoquera les hauts représentants des partis ayant remporté des sièges à la Knesset pour savoir qui ils recommandent pour assurer la formation d’une coalition. Dans la pratique, il est évident que Benjamin Netanyahu sera chargé de cette tâche, et il a déclaré clairement dans un discours de victoire tard mardi qu’il avait déjà commencé les discussions.
Le choix des partis qu’il entend associer à son prochain gouvernement est également simple. Mais les rôles qu’il négocie avec les futurs ministres de ces partis donneront sans doute des indications générales sur les politiques et les stratégies qu’il poursuivra au cours de son cinquième mandat, notamment concernant ses efforts pour éviter sa mise en accusation dans les trois affaires judiciaires qui pèsent sur lui, et en ce qui concerne le conflit palestinien.
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Benjamin Netanyahu, dont le parti a remporté 35 sièges aux élections, est certain de faire rentrer les deux partis ultra-orthodoxes, YaHadout HaTorah et Shas, qui ont remporté chacun huit sièges, pour un nombre total de 16 sièges particulièrement important (trois de plus qu’en 2015).
On s’attend aussi à ce que le chef du Shas Aryeh Deri reste ministre de l’Intérieur, bien qu’il soit menacé de poursuites (pour corruption) qui pourraient le forcer à quitter ses fonctions ; Shas va probablement obtenir deux autres ministères. Le dirigeant de YaHadout HaTorah, Yaakov Litzman, devrait rester vice-ministre de la Santé (le parti non sioniste n’occupe pas de poste ministériel).
L’Union des partis de droite, avec cinq sièges (plus un sixième député, Eli Ben Dahan, qui a été élu via la liste du Likud), sollicite deux ministères, avec son dirigeant Rafi Peretz et son n°2 Bezalel Smotrich, particulièrement intéressés par l’Education et la Justice. Ce dernier s’est fait l’ardent défenseur d’une loi visant à protéger le Premier ministre contre les poursuites pour fraude, abus de confiance et (dans un cas) corruption dans les affaires dites 1 000, 2 000 et 4 000. Netanyahu « ne devrait pas avoir à passer la moitié de son temps à se défendre » contre les problèmes juridiques, a ainsi estimé Bezalel Smotrich mercredi.
Si Netanyahu lui confiait effectivement le ministère de la Justice, ou même à l’un de ses collègues du Likud favorables à la limitation du pouvoir de la Cour suprême, une telle nomination représenterait une déclaration ouverte de guerre politique contre la Cour, et il n’est pas encore clair si Netanyahu entend emprunter cette voie.
Il n’est pas clair non plus si Netanyahu compte utiliser la législation pour tenter d’écarter la menace d’une mise en accusation imminente, ni comment. Une voie simple, ne nécessitant aucune nouvelle législation, serait d’exploiter la loi existante sur l’immunité de la Knesset, qui exige une majorité simple pour protéger tout député de poursuites judiciaires – d’abord au sein de la Commission de la Chambre de la Knesset (où le Likud pourrait facilement s’en assurer) et ensuite à la Knesset elle-même (ce qui pourrait être plus difficile) ; une telle décision susciterait immédiatement des recours devant la Cour suprême, liant le sort personnel de Netanyahu à la bataille plus large entre l’échelon politique et la sphère judiciaire.
Le parti Koulanou de Moshe Kahlon, avec quatre sièges, a également indiqué qu’il recommandera Netanyahu comme Premier ministre et rejoindra la coalition, et Kahlon a fait savoir qu’il insiste pour rester ministre des Finances. Les reportages télévisés de mercredi soir, cependant, ont spéculé que Netanyahu pourrait l’encourager à rejoindre le Likud, son ancienne maison politique, afin de renforcer encore la représentation du parti à la Knesset, et pourrait offrir à Kahlon le ministère des Affaires étrangères. Pour l’instant, cependant, Kahlon est un personnage un peu problématique pour Netanyahu, puisqu’il a déclaré qu’il refuserait que ce dernier reste en fonction s’il venait à être inculpé.
Avec le ralliement de tous les partis susmentionnés au Likud, Netanyahu aurait une coalition de 60 personnes – une de moins que la majorité à la Knesset.
Il pourrait ajouter cinq sièges supplémentaires si Yisrael Beytenu, d’Avigdor Liberman, décidait de le rejoindre. Mais Liberman, ancien ministre de la Défense qui a démissionné en novembre à cause de ce qu’il considérait comme la politique clémente de Netanyahu dans la lutte contre le Hamas à Gaza, pourrait bien vouloir reprendre ce poste, et serait probablement de nouveau le défenseur d’une politique plus dure que celle du Premier ministre. En outre, le laïc Liberman se trouverait en désaccord avec les deux partis ultra-orthodoxes fortifiés qui cherchent à défendre la législation sur le service militaire pour leurs communautés et à pousser Israël à respecter de plus en plus le Shabbat. Néanmoins, le sentiment général est que Liberman finira par rejoindre la coalition ; même s’il ne le fait pas, il est peu probable qu’il empêche la formation du gouvernement ou qu’il se range du côté de tous les partis d’opposition, dont les députés arabes, pour le renverser.
Les experts des Douzième et Treizième chaînes de télévision israéliennes, mercredi soir, ont estimé que Netanyahu attribuerait une quinzaine de portefeuilles ministériels aux membres du Likud, mais qu’il préférerait peut-être garder pour lui le ministère de la Défense, qu’il a récupéré quand Liberman a démissionné.
Le décompte final des voix a eu lieu jeudi matin, et Netanyahu, et ses alliés potentiels, devraient bientôt savoir si HaYamin HaHadash de Naftali Bennett et Ayelet Shaked franchira le seuil d’éligibilité (le doute subsiste encore au moment de la rédaction de cet article), modifiant potentiellement certaines des considérations ci-dessus, ou n’obtiendra aucun siège. Quoi qu’il en soit, le processus de mise en place d’une coalition prendra plusieurs semaines.
Dans certains milieux, les suppositions selon lesquelles Netanyahu pourrait être enclin à former un gouvernement d’unité avec les 35 sièges de Kakhol lavan de Benny Gantz, ne semblent pas du tout correspondre à la réalité. Dans son discours de victoire, il a déclaré catégoriquement qu’il avait l’intention de construire un « gouvernement de droite » et toute autre initiative semble irréaliste.
Toutefois, la question de savoir à quoi ressemblera le gouvernement de droite reste ouverte. Est-ce que Netanyahu tiendra par exemple sa promesse électorale d’appliquer la loi israélienne à toutes les implantations en Cisjordanie ? Il a promis notamment de détourner les électeurs de droite des partis tels que celui de Bennett et de les diriger vers le Likud – avec un succès évident. Mais Netanyahu lui-même veut-il réellement prendre cette mesure – ce qui exclurait un État palestinien viable et continu en Cisjordanie ? Et a-t-il raison d’affirmer, comme il l’a fait dans des interviews, qu’il pourrait avoir le soutien du président américain Donald Trump pour une telle décision, tout comme Trump a reconnu la souveraineté israélienne à Jérusalem en 2017 et dans le plateau du Golan, le mois dernier ?
Certaines des réponses à ces questions pourraient devenir évidentes après que l’administration Trump aura dévoilé sa proposition de paix israélo-palestinienne – tant attendue – dans un avenir proche. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui boycotte l’administration américaine, a rejeté ce plan par anticipation. On présume que Netanyahu est susceptible de l’accepter, avec des réserves, et qu’il pourrait alors aller de l’avant avec l’annexion unilatérale des implantations, renforcé par l’affirmation qu’Israël n’a pas de partenaire de paix palestinien.
Félicitant Netanyahu mercredi pour sa victoire électorale, Trump a affirmé que la paix avait « une meilleure chance maintenant, avec la victoire de Bibi ».
Lors d’un débat télévisé sur la Douzième chaîne d’information, mercredi soir, des experts politiques ont souligné à quel point Netanyahu est perçu comme le moteur de la politique américaine dans le conflit israélo-palestinien, plutôt que l’inverse. Netanyahu non seulement n’a pas vu le plan de Trump, mais n’y a même pas participé. C’est plutôt Netanyahu qui l’a écrit, ont plaisanté les experts dans le studio. Et bientôt, il le montrera à Trump.
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