Netanyahu, ne limogez pas Gallant : son premier renvoi a été tragique, le deuxième pourrait être pire encore
Démettre de ses fonctions le ministre de la Défense alors qu'Israël vit sa crise la plus grave serait imprudent et dangereux. Cela ravirait nos ennemis et aggraverait encore plus nos divisions
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Bien que personne n’ait été en mesure de confirmer réellement cette information au moment de la rédaction de cette Opinion (lundi soir, ndT), il semble que le Premier ministre Benjamin Netanyahu ait pris la décision de limoger le ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour le remplacer par l’un de ses anciens rivaux, Gideon Saar, un critique acharné du chef de gouvernement.
Selon les informations rendues publiques par la Douzième chaîne, le « feu vert » a été donné. Alors même que Netanyahu se trouvait aux côtés de Gallant, lundi dans la matinée, à l’occasion d’une réunion de sécurité très délicate, les assistants du Premier ministre lui transmettaient des bouts de papier détaillant les progrès réalisés, au même moment, pour finaliser les conditions de l’entrée au gouvernement de Saar. La chaîne Kann avait alors estimé qu’une annonce pourrait être faite dans les heures qui suivaient mais la Treizième chaîne avait affirmé que Sara Netanyahu – un personnage de premier plan, admettez-le – hésitait encore, n’étant pas convaincue des avantages qu’il pourrait y avoir à remplacer un ministre dérangeant par un ministre qui, pour sa part, n’a jamais prouvé sa loyauté.
La relation amère qu’entretiennent Netanyahu et Gallant est de notoriété publique. Le Premier ministre avait renvoyé son ministre de la Défense une première fois en mars 2023, Gallant ayant eu l’outrecuidance de mettre en garde la nation en lui disant que le projet de destruction de l’indépendance du système judiciaire israélien qui était porté par la coalition affaiblissait le pays et donnait un nouvel élan à ses ennemis. Il l’avait réintégré à ses fonctions deux semaines plus tard face au tollé provoqué.
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Il y a deux semaines, Netanyahu a publiquement interpellé Gallant, qui avait osé dénoncer cette fois la décision prise par le cabinet d’insister sur la nécessité de conserver une présence israélienne le long de la frontière entre Gaza et l’Égypte, même au risque de saborder un accord portant sur la libération des otages toujours détenus par le Hamas – près d’un an après le pogrom commis dans le sud d’Israël par les hommes armés du groupe terroriste, aidés de civils palestiniens.
Ces derniers jours, les deux hommes se sont également opposés suite à la décision prise par Netanyahu de lancer une importante opération militaire contre le Hezbollah, au Liban.
Selon la majorité des témoignages toutefois, Netanyahu serait avant tout déterminé à se débarrasser de son ministre de la Défense parce que ce dernier refuse obstinément de faire avancer un projet de loi qui permettrait à la plupart des hommes ultra-orthodoxes d’échapper au service militaire. Un sujet urgent : les partenaires haredim de la coalition du Premier ministre lui auraient dit qu’ils n’hésiteraient pas à faire chuter le gouvernement si la législation n’était pas adoptée – une législation à laquelle Saar, de son côté, ne s’opposera pas.
Mais quelles que soient les raisons diverses et variées expliquant un tel renvoi, une initiative de ce type serait dangereuse au point d’en être impardonnable.
Des sources issues de l’administration américaine – qui accorde largement sa confiance à Gallant et qui méprise Netanyahu, une administration dont Israël dépend en matière de soutien militaire et diplomatique – auraient qualifié, lundi soir, de « folie » une telle mise à l’écart du ministre de la Défense.
Et elles ont raison.
Remplacer un haut-responsable aguerri en matière de Défense au moment même où le pays est encore en train de combattre le Hamas à Gaza, où il prépare une offensive majeure contre le Hezbollah, où il fait face à une escalade du terrorisme en Cisjordanie, où il lutte contre les attaques aux missiles des Houthis et où il tente d’élaborer une stratégie pour contrer le programme nucléaire de l’Iran – avec sa volonté de fabriquer une arme atomique – serait plus qu’irresponsable. La nomination d’un remplaçant, sans expérience majeure dans le domaine de la sécurité, ne rendrait cette initiative que plus imprudente.
La manière dont les ennemis d’Israël observent cette décision est un bon baromètre. Il est évident qu’alors que Tsahal s’efforce de restaurer ses capacités de dissuasion après l’humiliation et le chaos du 7 octobre, ces mêmes ennemis ne peuvent que se sentir encouragés par les nouvelles preuves de désunion à la tête de cette si petite nation juive dont ils envisagent avec joie la destruction.
En Israël, cette décision ne pourra qu’accentuer encore davantage les clivages, exacerbant également la méfiance profonde que ressentent un trop grand nombre d’Israéliens à l’égard des dirigeants politiques en général, et du Premier ministre en particulier. Elle sapera également la cohésion et la confiance au sein de l’armée, avec le départ d’un ex-général familier, à l’esprit indépendant, et son remplacement par une personnalité sans passé militaire probant et aux ambitions politiques fortes.
Concernant le défi qui, à l’heure actuelle, génère le plus d’angoisse en Israël – qui est de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve la question de la libération des 97 otages du 7 octobre – certains parents des captifs retenus dans les geôles du Hamas ont déclaré lundi que l’éviction de Gallant et l’arrivée de Saar signeraient la condamnation à mort de leurs êtres chers.
Le Forum des familles d’otages et des portés-disparus, la principale organisation représentant les parents et les proches des captifs, a déclaré aux dirigeants israéliens que ce n’était pas le moment de « jouer aux chaises musicales » alors que des vies ô combien précieuses sont en ce moment-même en jeu. Einav Zangauker, l’une des militantes les plus en vue dans la lutte pour la cause des otages – son fils Matan est détenu à Gaza – a déclaré ni plus ni moins que le changement de ministre signifierait « que le gouvernement d’Israël abandonne les otages à la mort », dans la mesure où Saar, comme Netanyahu, a tendance à se montrer réticent à l’idée de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu qui ouvrirait la porte au rapatriement des captifs.
En outre, le fait même que Saar puisse assumer le rôle de ministre de la Défense pour la bonne et simple raison qu’il se montrerait favorable à l’exemption des hommes de la communauté ultra-orthodoxe du service militaire impliquera que les forces permanentes et de réserve de l’armée israélienne seront soumises à une pression quasiment insoutenable, et que l’inégalité du fardeau de la sécurité du pays entraînera un sentiment d’insatisfaction accru.
Lorsque Netanyahu avait limogé Gallant, l’année dernière, Saar avait dénoncé cette décision – « une folie », avait-il dit – et il avait noté que c’était la première fois qu’un ministre de la Défense était ainsi renvoyé pour avoir émis des mises en garde à l’encontre de dangers planant sur la sécurité de l’État juif. « Netanyahu est déterminé à mener Israël vers l’abîme », avait alors déclaré Saar. « Chaque jour où il reste au pouvoir met davantage en danger Israël et l’avenir du pays. »
Saar avait eu raison à l’époque et il aurait encore raison aujourd’hui – sauf qu’il est prêt, de toute évidence, à devenir le complice du Premier ministre et qu’il semble avoir complètement oublié des décennies d’histoire politique qui ont clairement démontré que Netanyahu n’aura vraiment pas le moindre scrupule à le laisser au bord de la route une fois que son objectif aura été atteint.
Netanyahu avait choisi d’ignorer l’avertissement lancé par Gallant en mars 2023, lorsque ce dernier affirmait que son programme politique était en train de déchirer la nation au point qu’il était devenu « une menace tangible » pour la sécurité d’Israël. Le Hamas avait envahi le pays sept mois plus tard. Netanyahu est de nouveau apparemment sur le point d’accorder la priorité à ses besoins politiques – sauf que cette fois-ci, Israël est déjà en pleine crise, ses ennemis rôdent et sa résilience interne est gravement minée.
Le renvoi de Gallant, la première fois, a été suivi d’une tragédie pour Israël. La deuxième fois risque d’être encore pire.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel